Cour ombragée

Dans la cour ombragée, Tom aperçut un nid d’oiseaux. Il n’osa pas s’approcher. Il tendait son cou vers la droite, vers la gauche, essayait de se grandir sans faire de bruit. Ça pépiait fort. Des battements d’ailes allaient et venaient.
Un matin, l’écureuil, qui avait élu domicile dans cette cour depuis des années, s’était retrouvé avec de nouveaux voisins un peu trop bruyants à son goût. L’écureuil n’était pas prêteur : les glands et autres fruits des bois lui étaient réservés. Il avait tenté de récupérer son bien lorsqu’un bec plongea à toute vitesse à la rescousse des oisillons. L’écureuil s’éclipsa, son humeur était entachée.
Tom prenait son café derrière la porte vitrée. La vie et l’activité de cette cour l’émerveillaient et le faisaient sourire. Il aimait y revenir chaque matin, pour y voir la suite des épisodes.
Il avait donné un nom à l’écureuil : Humphrey. C’était l’écureuil qu’il voyait le plus souvent. Il y avait aussi Lauren, mais elle ne venait pas tout le temps. Quand elle était là, c’était pour courir sur le rebord de la palissade avec Humphrey. Leur séance de sport hebdomadaire.
Les bambous de la cour avaient plié sous la pluie. Tom n’avait pas pris son parapluie. Il éprouva une certaine déception, car la vie de cette petite cour allait être suspendue ou du moins penchée en ce qui concernaient les bambous. Heureusement qu’il y avait les bambous les jours de pluie pour animer la cour. Tom attendait qu’ils se redressent une fois les gouttes séchées. Ça pouvait prendre du temps. Encore plus longtemps quand la neige était tombée.
Tom trouvait agréable cette course à la lenteur. Il en oubliait parfois son café, il en oubliait d’aller travailler. Son blouson en cuir était accroché au porte-manteau. Une veste de saison, avait-il naïvement pensé.
Sur la palissade, écrit en larges lettres rouges, un panneau EXIT lui rappelait qu’il était en ville, dans un endroit où, possiblement, il y avait besoin d’une sortie de secours.
Tom aimait bien l’idée que cette issue se trouve dans la cour ombragée.
Ce matin, le journal analysait sur plusieurs pages un tremblement de terre qu’il n’avait pas ressenti. Tom pensait à cet immeuble en Asie, une nouvelle tour de Pise, appuyé sur un immeuble plus bas. Là-bas, ça avait dû secouer, s’était-il dit.
Humphrey et Lauren étaient assis côte à côte et grignotaient les noix de cajou jetées au sol. Au moins, les oisillons ne leur avaient pas volé ces graines-ci. Ils guettaient et jaugeaient l’endurance du geai bleu qui valsait, faisait des aller-retours. Il fallait être précis pour aller récupérer ce qu’ils considéraient leur appartenir.
Tom ouvrit la porte délicatement pour faire entrer l’air printanier. La caresse d’une pluie chaude le réveilla un peu plus que son café bu sans vraiment y prêter attention. Tom était de bonne humeur ce matin. Il se passait beaucoup de choses dans cette petite cour. Il ne pensait plus au parquet qu’il fallait changer, qui allait faire de la poussière.
Il prit son téléphone pour voir la petite phrase méditative du jour : Le chemin commence derrière l’arbre blanc. Dans la cour, aucun arbre blanc, ni même chez les voisins. Mais les bambous avaient été bien blancs l’hiver dernier. L’issue de secours se trouvait juste derrière eux.
Tom avait bien envie de tirer la sonnette d’alarme.

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