De la musique à ses oreilles

Pour occuper ses mains, elle joue du piano. La musique lui fait du bien. Elle fait cela tous les matins et encore plus longtemps quand la nuit tombe. Ça résonne chez le voisin. Il trouve ça beau.
Octave travaille dans un musée. C’est toujours très silencieux, avec un fond sonore de brouhaha et de pas qui claquent sur le sol. Ce n’est pas souvent harmonieux.
Aujourd’hui, il a une visite guidée. Ils seront trente. C’est un trop grand nombre pour que chacun puisse vraiment s’imprégner des œuvres. Il regrette le temps d’avant l’audio-guide, un temps qu’il n’a pas vraiment connu. Mais il pense que ça aurait pu mettre un peu plus de musique dans le silence de son musée.
Le piano chez la voisine s’est arrêté. Il entend désormais le doux son de l’eau qui coule, qui clapote dans le fond de la baignoire. Octave devine le temps que les gouttes prennent pour s’écraser sur sa peau, glisser à toute vitesse. Le robinet se ferme. Il hésite à tendre l’oreille.
Le vent se lève, il n’entend plus la voisine, juste les tuiles qui se mettent à danser frénétiquement. La tempête va-t-elle durer encore longtemps ?
Octave a fini son café. Il a révisé un peu son tour d’horizon pour la visite de tout à l’heure. Il s’arrête un peu plus longtemps sur certaines œuvres, celles qui suscitent le plus de questions. Il aime être surpris par la personne qui tente l’échappée du groupe pour aller voir ce qui fait battre son cœur. Il garde un œil sur cette personne, mais ne fait jamais aucune remarque sur sa disparition temporaire. Bien au contraire. Il lui arrive parfois même de lui esquisser un sourire d’approbation.
Il va bientôt partir. Il espère croiser la voisine. Il espère qu’il pourra lui dire qu’il aime sa musique, qu’il a le sentiment de la connaître à travers elle.
Il attrape ses clefs. En ouvrant la porte, il entend la grille de l’ascenseur se refermer, un énorme cliquetis et une poulie qui s’enclenche. Il n’aperçoit que sa silhouette.
Arrivé au musée, il reprend un café à la machine. Même cette salle de repos est trop calme, trop silencieuse. Le bruit du café qui coule et le bip de la machine perturbent à peine l’endroit, une mélodie identique, chaque jour, une descente de notes puis un son strident. Trente secondes à peine.
Le groupe est arrivé, un bonjour murmuré à l’unisson. Les casques sont sur les têtes pour entendre Octave. Ils passent la toile avec un cheval sans aucun commentaire. Les têtes tournent à droite, à gauche, se lèvent. Personne n’ose poser de questions.
Octave ralentit quelques fois sur ses toiles préférées pour voir si quelqu’un va tenter. Ce groupe-là est trop discipliné, il suit le guide sans penser à regarder la toile d’à-côté.
Il n’aime pas son rôle de chef d’orchestre ce matin. Il attend un peu de cacophonie.
D’un coup, un enfant s’échappe du groupe pour aller toucher une statue aux grands pieds.

Ce contenu a été publié dans Atelier Papillon. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire