Et la pluie fera des claquettes

La population était prévenue ; ce 21 juin serait spécial.

La pluie ferait des claquettes du matin au soir et le vent soulèverait les tuiles qui se mettraient à danser frénétiquement.

Cavalière passionnée, Isabelle se demande si Ouragan, le cheval qu’elle monte depuis peu, apprécie les intempéries.

Elle se presse, bottes aux pieds et bombe sur la tête, saute gracieusement par-dessus le tourniquet du métro. Elle cravache pour être à l’heure à son entraînement.

Elle espère s’initier au saut d’obstacles.

Dans la rame bondée, elle fait tourner son cube blanc fétiche. Elle occupe ses mains et libère son esprit. Les centimètres d’eau qui recouvrent le parcours pourraient la conduire à expérimenter une forme de steeple-chase équestre, rivière comprise.

Elle respire profondément pour chasser l’image de son pantalon crème maculé de boue.

Gare de Lyon. Une bonne partie des voyageurs descendent. Isabelle continue, et trouve une place où s’asseoir.

Nation. Un jeune garçon s’assied à côté d’elle. Il serre un étui à violon dans ses bras.

– Je m’appelle Lionel, dit-il. On se tutoie ?

Surprise, Isabelle bafouille :

– Euh… oui, si vous… enfin, si tu veux. Où vas-tu de si bon matin ?

– A une audition, annonce Lionel avec précipitation.

– Une audition ?

– Oui, je joue du violon, et je… je voudrais intégrer le conservatoire.

– Joli projet ! s’enthousiasme Isabelle. J’ai l’impression que cela t’inquiète un peu.

– Tu rigoles ! Je suis pété de trouille ! Cela fait des mois que je répète 4 heures par jour. Mon chien se réfugie sur le balcon dès que je sors mon archet. C’est l’enfer.

Isabelle ne sait comment rassurer le garçon.

– Tu joues depuis longtemps ?

– En fait, mon père m’a mis au synthé à 4 ans, mon grand-père à la trompette à 7, mon oncle à l’accordéon à 10… Quand j’ai eu 12 ans, j’ai choisi le violon. Et on m’a foutu dehors.

– Ah bon ?! Pourquoi ?

– Trop classique.

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