Humeur massacrante

Jean-Pierre était venu, qui l’eut cru. Avec un prénom pareil, il aurait mieux fait de rester chez lui. Marcel et Gaston aussi avaient fait le tour du pâté de maisons en un temps ridiculement record. Clémentine s’était assise sur un banc pour manger un fruit et récupérer un peu de fibres.
Et Claire, Claire avait tout compris. Tout. La vie. L’amour. Elle avait juste du mal à partager son savoir. Personne ne la croyait de prime abord. Alors, elle laissait faire l’expérience. Les lumières vertes. Les lumières rouges. Mais surtout, dans le noir, puisqu’il n’y avait qu’elle qui y voyait clair.
Elle avait mis son alarme à 20 heures pour être prête à 21 heures. Elle avait réfléchi à son chemin, au temps qu’elle mettrait pour le faire, le temps idéal pour faire monter le désir, arriver avant que le doute ne s’immisce. Créer du manque, créer de l’envie. Répondre au fantasme d’une combinaison en cuir. Et Léo, s’en remettrait-il ?
Il avait eu une histoire difficile avec le cuir. Peut-être était-ce sa façon à lui de s’émanciper d’un cuir douloureux et en faire un cuir doux et sensuel. Qu’il pouvait être con parfois, se disait Claire, mais il était mignon.
Elle aimait bien son style simple en jeans, T-shirt. Elle préférait quand il mettait une chemise. Ça la rendait de bonne humeur. Elle avait voulu prendre l’escalier pour le rejoindre puis s’était ravisé. Faire le moins d’efforts possible. Tout le talc avait déjà été absorbé et sa démarche grinçait à chaque mouvement. Claire espérait que Léo comprendrait que son fantasme n’était pas très pratique, qu’il fallait en finir.
Ce ne serait sûrement pas son dernier. Claire ne comprenait pas toujours pourquoi il voulait que ce soit compliqué. Elle lui avait déjà dit, lui avait avoué qu’elle avait tout compris. Mais Léo avait eu d’autres idées pour leur prochain rendez-vous. Encore un truc alambiqué.
Il avait bon fonds ce Léo, mais elle en avait un peu peur. Elle comprenait, pourtant elle ne savait pas pourquoi elle restait, pourquoi elle revenait.
Sur la terrasse du café, le soleil brillait, tout le monde était de bonne humeur. Jean-Pierre se penchait vers Clémentine. Marcel et Gaston buvaient un apéro et jouaient au backgammon. Qui comprenait les règles de ce jeu ?
Ce soir-là, Claire ne viendrait pas. Elle s’était arrêtée à la terrasse du café. Elle avait un jean un peu délavé et un chemisier. Elle avait attaché ses cheveux en queue de cheval. Au bar, elle avait demandé un café serré. La vie continuait. Sur le chemin après l’arbre blanc.

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