L’épicerie de Nicole

Tu sais, quand j’étais enfant, j’allais chez ma tante Nicole pour les vacances d’été. Elle tenait avec son mari, une épicerie bazar à Royan, dans une rue derrière la place du marché. Pas loin de la plage. Il y avait le magasin et juste à côté une grande porte en bois qui donnait sur une cour intérieure avec un joli figuier. La cour desservait deux maisons à un étage et on pouvait entrer dans le magasin par une porte à l’arrière.

L’été, ma mère venait aider à la vente, elle tenait le stand de glaces sur le trottoir. Le matin, nous allions à la plage avec ma mère. L’après-midi, le stand ne désemplissait pas alors que l’épicerie était plus calme. Mon oncle et mon père qui avaient fait le réassort le matin allaient faire la faire la sieste. Alors, fièrement, je tenais la caisse comme disait Nicole. Je restais fièrement sur le tabouret haut, attendant le client qui viendrait acheter quelque chose, un paquet de gâteau, un crayon, un joint pour robinet, des vis ou une boite de petits pois. Mais il n’y avait pas grand monde dans la pénombre du magasin. Les petits vieux venaient le matin, les touristes attendaient l’après-midi pour entrer dans la boutique. Ils s’arrêtaient seulement acheter des glaces, parfois l’un ou l’autre s’aventurait dans le magasin pour acheter une bouteille d’eau, regardait les vis, tripotait les crayons de couleur, les stylos plume, les cahiers en pensant à la rentrée, alors ils reposaient le tout et payait leur bouteille d’eau.

Le soir après la fermeture, on s’installait à la table dans la cour. J’ouvrais mon cahier de vacances et calculais le prix de 2 balles de tennis en fonction du prix de la raquette, les pourcentages de réduction, pendant que Nicole et ma mère épluchaient des légumes.

Je sentais l’odeur du figuier arriver à mes narines quand le soleil descendait derrière l’église. Mon père allumait le barbecue et nous mangions dans la cour. Alors que tout le monde débarrassait, Nicole ma prenait la main et m’emmenait dans l’épicerie. Elle regardait dans le congélateur et chaque soir, elle retirait les bacs qui étaient presque vides en disant « De toute façon, ça ne se vendra plus. » Alors nous repartions avec les bacs de glace et Nicole ajoutait « Va chercher un paquet de tuiles aux amandes, on ne va pas se laisser abattre. »

A table sous le figuier, je servais les boules de glace avec la cuillère à glace, puis Nicole posait une tuile sur la coupe. Et la soirée continuait, chacun sa coupe de glaces au parfums délaissés par les touristes. C’était seulement des glaces, les soirs d’été, mais c’était chaque soir un plaisir éphémère qui ne poursuit encore aujourd’hui.

 

Dans l'écriture, il y a une échappatoire à la réalité. Passionné de nouvelles, lecteur de nouvelles du monde entier, j'aime écrire les quotidiens, les petits détails, les fêlures des personnages. Vous retrouverez des nouvelles gagnantes de concours, publiées dans des revues ou coup de coeur sur mon blog d'écriture : www.herissontapageur.net retrouvez moi sur instagram @leherissontapageur

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Une réponse à L’épicerie de Nicole

  1. Emmanuelle P dit :

    Merci Julien pour cette immersion dans un après-midi d’été. Enfin, le texte est publié, et c’est un plaisir de le lire, ou de l’écouter.

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