Mi-saison

Dans le mouvement de l’eau, une pierre coule après quelques rebonds. On appelle ça des ricochets. C’est rare que la pierre atteigne l’autre rive. On lui fait espérer une échappée, une envolée et ploc ou plouf selon sa taille, au fond du trou.
Mylène est assise sur le sable mouillé. Elle se demande où est passé le galet lancé. Est-il revenu sur le rivage avec les vagues ? A-t-il assommé un requin blanc s’approchant dangereusement des côtes ? Il était beau son caillou, tout doux, tout lisse. Elle regrette de l’avoir lancé. En plus, elle n’avait réussi qu’à faire deux petits bonds.
Mylène enfonce ses pieds nus dans le sable, ses doigts aussi. Elle murmure dans le souffle du vent : je t’aime mélancolie.
Myriam se promène au village, elle fait le tour du marché, c’est joyeux et bruyant à la fois. Ça crie, ça promet des prix intéressants et du goût, du jus, des fruits de saison pour faire des tartes ou les croquer à pleines dents.
Elle pose ses sacs remplis de victuailles dans l’entrée. Quand elle ferme la porte, tout redevient silencieux, moelleux, cotonneux. Un rayon de soleil s’invite par la baie vitrée.
Michel porte une salopette bleue tachée de blanc, de plein d’autres couleurs. Dans son atelier, des sculptures en plâtre, en terre. Ses mains sont sales. Il les essuie avec de la térébenthine. Ça sent un peu fort. Il ouvre la porte de son atelier. La pluie a cessé et a laissé place au soleil. Ça donne une toute autre allure à ses géants de métal et de papier mâché.
En attendant que ça sèche et que ça prenne, il part faire une petite balade, histoire de reprendre de l’inspiration.
Mamie a fait une confiture de coings. Elle n’avait plus de figues. Elle vend ses pots de confiture pour se payer le voyage de ses rêves. Elle économise petit à petit. Chaque matin, elle fait le point et ça lui donne le sourire. Ce matin, elle a recompté deux fois, le compte y est. Sa valise est sur le palier.
Momo joue avec ses mains et du papier. À l’école, il faisait des avions en papier. Aujourd’hui, il sait faire des origamis. Ce n’est pas donné à tout le monde. Lui, il les distribue à qui les trouve jolis. Momo aime créer et rêvasser. Il est souvent dans la lune. Il est animateur pour les petits. Pour lui, c’est ce qu’il y a de plus magique au monde : un enfant qui ouvre les yeux sur toutes les curiosités de la Terre.
Il regarde le ciel depuis ce matin, à la télé, on avait parlé du passage d’une comète. Momo l’attend impatiemment.
Sur le quai mouillé de la gare, une odeur de mirabelles chaudes se mélange à l’air iodé. La Mylène mélancolique attend depuis quelques minutes.
Myriam a le cerveau en ébullition, elle refait le monde dans sa tête bien pleine. Un arc-en-ciel se forme, ça lui plaît bien, c’est comme de la magie.
À la maison, Mamie ferme la porte à clef, elle ne sait pas trop quand elle y reviendra, alors elle lui dit gentiment au revoir.
Ce matin, sur le quai de la gare, Momo montre la voie à Mamie. Il la connaît depuis qu’il est tout petit. Elle n’avait jamais quitté le pays. Il lui parle de la comète qui est censée transpercer le ciel. Il faudra faire un vœu lui dit-il. Mamie sourit. Michel suit la voie ferrée. Myriam tape du pied sur le béton mouillé, s’impatiente. Mylène traîne sa valise jusqu’à la voiture 12.
Le train va partir, à midi.

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