Prendre de l’élan

– Quai n°3 vol 126. Tous les passagers sont invités à embarquer porte 72.
– Je ne comprends pas, on prend le train ou l’avion ?
– Les deux : une petite navette sans conducteur puis un avion avec pilote, c’est mieux.
– Et on va où exactement ?
– On fait un p’tit tour du monde. Tu te souviens, on s’est arrêtées à Reykjavik il y a quelques jours. Tu avais dû quitter ta robe blanche.
– Ah bon ? Non, je ne m’en souviens pas trop. Il faisait froid, non ?
– Pas plus qu’en Alaska !
– Pourquoi tu me parles d’Alaska ?
– Parce qu’après Reykjavik, on a fait une virée en traîneau avec des huskies aux yeux bleus. Ça te revient ?
– Franchement Sarah, je n’y suis pas du tout.
– C’est normal, toi tu es le sept qui sait et moi le huit qui suit.
– Pardon ?
– C’est la numérologue de San Francisco qui nous l’a dit. C’était super intéressant. Elle avait une jolie façon de jouer avec les chiffres et les faire parler.
– Mais Sarah, tu te rends compte que ça n’a aucun sens. Je dois être complètement jet-laggée parce que je ne comprends rien à rien.
– Tu connais une ville qui commence par la lettre Q ?
– …
– Quechua, ça existe ou c’est juste une marque chez Decathlon ?
– Mais j’en sais rien ! Pourquoi tu me demandes ça ?
– Parce qu’on fait un tour du monde et il faut que ça reste logique. Donc après San Francisco, on est parties en Amérique Latine, voilà, à Quechua.
– On est allées là-bas ? Quand ça ?
– Ben, là, là. Ensuite, on a retraversé l’Atlantique, parce qu’on avait pioché un A et on a joué petit en allant en Italie pour le I. Mais c’est quand même vachement beau l’Italie, c’était bien, non ?
– J’y ai jamais mis les pieds !
– Tu vas jouer le jeu ou pas ? Parce qu’on a 108 000 secondes pour faire le tour de la Terre.
– Sarah, t’as mis un truc dans ton verre ?
– Mais non, allez, après l’Italie, on est allées à Carcassonne, pas trop loin, pour un peu reprendre de l’élan et après on a viré vers l’Est, plein Est, plein Sud, vers l’Australie. Ça y est, on a fait toutes les lettres !
– Et ?
– Ben, il était top notre tour du monde, non ?
– Sarah, soit je suis folle, soit tu es folle. Soit on a fait ce voyage et je ne m’en souviens pas, soit on n’a pas fait ce voyage et tu délires complètement.
– Ça serait top quand même. On partirait le 22 ou le 23 selon les dispos.
– Et ton boulot ? Et le mien ?
– On s’en fout. On part. On claque la porte. On se fait notre petit marathon à notre façon. Tranquilles, sans courir, en suivant la rotation de la Terre. Un minimum de 42 km par jour.
– Sarah, je te sers un thé vert, un café, une quantité calme de quelque breuvage ?
– Je sais, ça part dans tous les sens. En plus, j’ai pas mis Le Caire dans nos destinations à faire. On pourrait voir le Sphinx sans nez, les pyramides, les comparer à celles du Mexique.
– Sarah, j’en peux plus, on est bientôt arrivées ?
– Continue à monter, on a encore quelques étages, quelques marches seulement.
– J’en peux plus là. Tu crois qu’on va réussir à danser après cette montée d’un million de marches ?
– T’as rien vu passer avec le voyage imaginaire que je t’ai raconté. Pas vrai ?
– Ouais mais fait chier quand même que l’ascenseur soit en panne !

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