J’ai attrapé des mots au vol, un milieu de conversation. Je me suis bouchée les oreilles. Ça parlait d’hôpital, de militaires. Alors tout bêtement, j’ai cru que ça parlait de la guerre. Et les conflits, moi, j’aime pas. Pourquoi ne parle-t-on jamais de paix, de joie ?
J’ai passé mon chemin. J’ai essayé d’attraper d’autres mots au vol, un autre milieu de conversation. Et là, je n’ai pas su vraiment si ça parlait ameublement ou tour de magie. J’ai décidé que ça parlait plutôt de magie, de mystère et de choses à connaître et à reconnaître. Même assis sur une chaise.
Sauf que là, moi, je marchais je ne savais pas trop dans quelle direction. On m’a souvent dit quand tu es perdue, va tout droit. Ben là, j’avais pas envie d’aller tout droit, j’avais envie de laisser faire le hasard, la magie. Et peut-être, oui peut-être que je contredirais ce dicton à la con.
Si ça se trouve, il faut aller n’importe où pour ne plus se sentir perdue.
Je traverse un parc, un joli jardin. Sur un banc, j’entends le bruit d’un stylo sur le papier. Je ne vois ni la silhouette, ni le visage de cette main qui court. Je ne regarde pas si des mots se dessinent ou si des dessins parlent. Je passe juste mon chemin.
J’entends des oiseaux piailler, ils sont bien agités ces serins. Un peu comme moi, mais je ne le montre pas. Je ne fais que marcher pour donner à mon cœur une raison de battre fort.
Il ne bat pas la chamade, il ne fait plus chabadabada. Il a oublié comment il pouvait faire ça. Alors, j’essaie, chaque jour, d’un pas décidé et vif, de lui redonner l’envie de battre. Malgré tous les combats déjà perdus.
Le feu passe au rouge, je dois m’arrêter, je compte dans ma tête les secondes pour voir combien de temps ça va prendre au bonhomme vert de pointer le bout de son nez. J’ai oublié de revenir à zéro quand j’ai dépassé 60 secondes. Ça me perd un peu plus. Cette conversion nécessite un calcul mental dont je n’ai plus l’habitude. Ça fait combien de minutes que j’attends ce bonhomme vert ?
Je laisse la question en suspens et je traverse quand même. J’ai vérifié avant qu’il n’y ait ni voiture, ni vélo, ni trottinette. Et c’est certain, il n’y avait pas de bus. Ça se voit de loin un bus, même un bus électrique.
Je repense aux bus rouges de Londres. Les double-decks comme ils disent. C’était vachement mieux de s’asseoir en haut. Ça faisait prendre de la hauteur justement, sur la vie, sur la pluie, sur les larmes, sur les armes déposées.
À Paris, les bus sont verts, enfin étaient verts comme les colonnes Morris. Ça devait être un code couleur de la ville. Pourtant, on parle de Paris comme de la ville lumière. Et le vert bouteille, c’est une couleur froide, pas une couleur chaude qui éclaire comme le soleil.
Je divague, je divague. Mes pensées s’entrechoquent. Rien ne fait sens. Ça part dans tous les sens, comme les gens disent.
Je respire profondément, j’essaie de reprendre mes esprits, voire d’arrêter le flux de ces pensées incessantes qui ne mènent à rien. Je lève la tête pour regarder le nom de la rue. Histoire de me repérer. Un peu.
À l’angle, c’est la rue du Vivier, la rue qui part à gauche, la rue du repos, en face de ceux qui ont passé l’arme à gauche. À droite, une impasse, l’impasse du sans-souci. Drôle de nom pour une rue qui empêche d’avancer. Il ne reste plus qu’à aller tout droit, même si je m’étais promis de ne pas le faire aujourd’hui. Mais parfois, on n’a pas le choix ou plutôt le choix s’impose à nous. Quel est le nom de cette rue en face de moi ?
Je ralentis le pas, je voudrais me faire la surprise et surtout, je voudrais tellement être agréablement surprise. J’ai trop d’émotions en pagaille dans ma tête, dans mon cœur, dans tout mon corps. Il y a un passage piéton à un seul pas de moi, pas de feu pour empêcher d’aller de l’avant. Juste des bandes blanches un peu passées.
Je souffle et expulse tout l’air comprimé dans mon ventre. Je reprends une grande inspiration. Il faut que je me lance et que j’aille voir cette rue en face, cette rue qui va tout droit.
Les secondes qui s’écoulent paraissent une éternité. J’arrive enfin à l’intersection où devait être le panneau. Je lève la tête. Mes yeux s’arrêtent sur un pochoir indiquant « vérifier le jour et l’heure ». Je m’exécute. Je sors mon téléphone pour vérifier cela, je fais une copie d’écran pour immortaliser le moment.
Je distingue un peu plus loin le panneau rectangulaire d’un bleu roi. Encore une couleur froide. C’est sûrement pour cela qu’il a dû neiger à Paris hier. Cette ville ne s’entoure que de couleurs froides, c’est étonnant. Et pourtant, quelle belle ville Paris !
Hop, hop, hop, je repars dans des théories, des choses à m’expliquer, à comprendre. Pourquoi je me prends la tête pour cela ? Est-ce vraiment important ? Je remarque juste que j’ai fait une copie d’écran de mon téléphone sans noter ni le jour ni l’heure alors que la consigne était bien de vérifier cela. Je ne fais plus confiance à ma mémoire ou quoi ?
J’ai la flemme de ressortir mon téléphone pour vérifier. Je préfère m’inventer un jour et une heure. Et si je décidais du jour que je veux, disons un mercredi du lundi de Pâques. Et d’une heure, disons l’heure qu’il est à New-York actuellement. C’est combien de décalage horaire déjà ? Il fait jour là-bas ou pas encore ?
J’ai failli passer à côté du panneau bleu sans lire les lettres blanches : la rue du pont aux choux. Ah, j’aime bien cette idée de pont, c’est chou.
Et donc, à New-York, il est quelle heure ? Et sur le pont de Brooklyn, de quel côté se lève le soleil ? Le ciel est-il bleu clair aujourd’hui là-bas, de l’autre côté de l’océan ? L’océan a un tout autre bleu, parfois vert aussi.
Il y a beaucoup de bleu et de vert ce matin dans mon sillage. Est-ce bon signe ? Rien ne m’arrête, c’est certain !
J’évite le rouge depuis quelque temps. Il y a eu trop de sang dans ma vie. Alors oui, je m’accroche aux bleus, pas à ceux qui ont marqué ma peau, ceux-là, il faut que je les oublie. Ils ne se voient plus trop sur ma peau diaphane. Pourtant, ils sont incrustés dans ma chair rouge.
Je ne sais plus quand j’ai décidé d’arrêter le rouge, de bifurquer quand le feu ne me permettait pas de passer. Je ne veux plus attendre le bonhomme vert, le militaire. Il est censé te protéger, mais part à la guerre. Il revient les pieds devant dans un cercueil que l’on visse au dernier moment, sur lequel on pose un drapeau bleu blanc rouge.
Quand ils l’ont plié, on ne voyait plus que le rouge. Du rouge dégoulinant. Je n’ai pas entendu le bruit des réacteurs, je n’ai pas entendu les coups de fusil dans le ciel. Devant mes yeux, il y a eu un défilé de saluts militaires. Je voyais bien dans leur regard le soulagement que ce ne soit pas eux entre quatre planches.
Tout ça c’est du passé, il faut laisser cela loin derrière. On ne peut plus rien y faire. Ils n’ont jamais su. Personne n’a jamais su tous les coups pour évacuer la violence de ce qu’il avait vécu. Moi, j’ai survécu à lui. Je serais partie, j’étais partie, mais il ne l’a jamais su. Le karma, comme on dit. Il a pris une balle, une seule balle pour tous les coups de boule. C’est déséquilibré, c’est injuste mais ça lui a été fatal.
Que cette rue est longue et déserte, il faut vite que j’attrape des mots au vol, un milieu de conversation. Je ne veux pas penser à lui, ni lui donner de l’importance. Je laisse les autres penser comme ils veulent, le considérer comme un héros. Moi, je passe mon chemin.
J’entends à nouveau des oiseaux. Je ne les vois pas, ils doivent être sur un toit, le toit du monde. Ça doit être cool d’être un oiseau. Il faut juste éviter les coups de fusil soi-disant tirés en l’air, sans cible précise.
Ça s’agite au loin. Est-ce la fin du marché ? Je vais passer par là-bas. Me fondre dans la foule, les épices, les fruits et les légumes. Ça m’ouvrira peut-être l’appétit, me donnera des idées pour cuisiner un bon petit plat réconfortant.
Finalement, je change d’avis. Il y a trop de bruit, impossible d’attraper le moindre mot au vol. Je longe le marché et tourne dès que je peux. J’en ai marre d’aller tout droit. Pas sûre que j’arrive à bon port de toute façon. Et puis, qu’est-ce qu’il se passe quand on arrive à bon port ? On regarde les bateaux partir sur l’océan ou on monte à bord ?
Il faudrait que j’arrête de me poser autant de questions. Je suis libre désormais. Allez, il faut que je le répète pour m’en convaincre, JE. SUIS. LIBRE.
Mon cœur s’allège d’un coup et j’ai le sentiment qu’il intègre enfin cette vérité.
J’aperçois un enfant montrer quelque chose du doigt à sa mère. Je suis la direction pointée. C’est un panneau bleu roi : avenue Pierre MARTIN, écrit dessous son année de naissance, son année de décès, puis, sobrement, soldat, sans aucune précision. Un bonhomme vert sur un panneau bleu roi.
Ils sont partout ces bonhommes verts. Ils sont armés jusqu’aux dents. Je ne regarderai plus jamais le nom des rues. Il faudra que j’essaie pour ne plus être témoin de la glorification de ces âmes perdues, ces âmes disparues. Parce que oui, on n’utilise pas le mot mort, ça fait trop peur et ces âmes-là, on les avait conditionnées pour qu’elles n’aient même pas peur.
J’en ai marre de marcher, j’en ai marre d’errer. Comment retrouver ma maison ? Où est ma maison ? L’endroit où je vis, où je me sens bien pour quelque temps, quelques années. Mon cocon. Mon sanctuaire. Ça a été Paris, ça a été dans d’autres pays, ça a été chez ma grand-mère, ça a été chez ma mère. Peut-on revenir chez sa mère pour retrouver son âme d’enfant ? Elle m’a toujours dit c’est ton âme la plus ancienne, donc la plus sage. Chéris-la. Ne l’oublie pas.
Mon pas se transforme. Je sautille, je marche sur les lignes creusées sur le trottoir, en équilibre. J’imagine le dessin d’une marelle quand le trottoir s’agrandit. Je saute à cloche pied sur les trois premières cases imaginaires, puis je reprends mon souffle sur le quatre et le cinq, un cloche pied, un autre double, demi-tour devant le ciel et je retourne à la terre.
Sur le sol, un flyer est resté collé. Une fête s’organise rue du petit pont. Ça a l’air d’être une ambiance musicale où tout le monde pourra chanter, même ceux qui ne sont pas dans le ton. Ça me donne envie. Ça faisait longtemps que mon envie ne s’était pas manifestée. Je la croyais « disparue », « morte », elle était juste enfouie, endormie.
Je continue mon chemin en marmonnant des bribes de chanson, en yaourt souvent parce que je ne me souviens plus des paroles. Je n’ai pas vérifié le jour et l’heure de cette fête. Mince ! Je vais rater l’événement. Est-ce vraiment important ?
Mon cœur bat, mes cordes vocales vibrent, du son sort de ma cage thoracique. J’ai du mal à reconnaître ma voix. Un sourire se dessine sur mon visage. Je ne sais pas où je vais. Je ne sais pas comment cela va finir. Le panorama est grand-ouvert devant moi. Ça veut dire quoi ? Qu’il faut que j’aille là-bas ? Que je traverse l’océan bleu marine ?
Je ne sais pas. Je ne sais pas et, pour la première fois, je ne panique pas face à mon ignorance. Le vent me portera. Dois-je lui laisser ce pouvoir sur moi ? Je remonte le col de mon manteau, j’enfonce ma capuche. Ce n’est pas lui qui décidera.
J’attrape encore des mots en plein vol. J’essaie de récupérer des indices pour savoir comment cela va finir. Ou est-ce parce que, justement, c’est tout le contraire, ça va commencer. Dans quelques secondes, je vais entendre chut ! Ça commence. Pourquoi infliger du silence quand ça commence. Ça devrait être une immense fanfare. Le début de tout, c’est comme une page blanche qui se remplit de couleurs ; c’est comme accepter de ne pas connaître pour découvrir, pour se découvrir, laisser le plaid rouge sur le bord même quand il fait froid ; c’est comme traverser les jardins à chaque saison et prendre le temps des bourgeons.
Me faut-il d’autres mots attrapés en plein vol pour m’exprimer ? J’ai tu trop longtemps ce que j’aurais aimé dire. De toute façon, tout le monde s’en fout, tout le monde est centré sur soi, même moi, vu que je ne parle que de moi depuis le début de la journée. Enfin, je dis je, je dis jeu. Ça aurait pu être je dis tu, je dis tue. Ou bien j’aurais pu juste dire je m’appelle Luna et raconter l’histoire de Luna sans que l’on sache que je parle de moi.
C’est marrant ça de se cacher derrière un personnage. J’ai entendu un humoriste dire : je suis attentionné, je suis gentil, je suis à l’écoute etc. Plein de qualités incroyables. Mais il a défait le mythe en avouant : je peux jouer ce personnage deux, trois jours maximum. Cette sincérité est touchante. Avouer qui l’on est vraiment, quel risque on prend ?
Je suis sur le chemin pour changer de vie. Je me suis demandé si je devais changer de prénom, d’identité. Ça tient à quoi notre vie ? À une balle perdue ? À un coup de boule de trop ?
Je vais vivre longtemps. Dans la peau de qui. D’une âme meurtrie, d’une âme guérie. C’est bizarre que le mot guéri soit si proche du mot guerre. Je laisse couler cette remarque. Je laisse couler ma dernière larme. Je veux sourire à la vie, faire un doigt d’honneur juste parce que j’ai envie d’exprimer « allez vous faire foutre ! »
Il paraît qu’on peut dire des gros mots quand on a mal. J’ai envie d’en dire aussi quand je vais bien. La bienséance, la bien-pensance, c’est bien joli mais au fond, qu’est-ce que je veux vraiment dire ? Je tergiverse, je me pose beaucoup de questions, je n’ai pas toutes les réponses. J’aurais aimé, aujourd’hui, me sortir de ce labyrinthe.
Il faut peut-être que je me laisse le temps, des secondes, les compter jusqu’à soixante et penser à revenir à zéro, pour bien compter les minutes. Recommencer.
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PUBLICATIONS DES PARTICIPANTS
J’ai fréquenté durant plusieurs années les ateliers d’écriture Sous les Toits de Cécile et Philippe, que je viens de retrouver en novembre avec Les Petits Papiers. Depuis la pandémie, je me suis lancée un peu plus « sérieusement » dans l’écriture et mené certains projets à bien. Après « le Fils de l’autre », que j’ai déjà présenté sur ce blog, « Avenue du Père-Lachaise » est mon deuxième roman. Il est né de ce qui devait, au départ, être un recueil de nouvelles. Celles-ci étaient souvent liées les unes aux autres en une sorte de « suite », je les ai remaniées pour en faire cet OLNI (objet littéraire non identifié), qui a trouvé son éditrice, les Editions Marie Romaine, https://www.editionsmarieromaine.fr/. Ce roman choral est sorti en janvier 2024. En voici le pitchDeux femmes, trois hommes, un lieu : le cimetière du Père-Lachaise, à Paris. Au fil de ce roman, des vies se télescopent, des destins se lient, des êtres se trouvent ou se séparent. Les personnages rebondissent d’un chapitre à l’autre, tous réunis dans cette mystérieuse nécropole par l’absence, le manque, le deuil, l’espoir d’une renaissance. Si la mort a un jour croisé leur chemin et redessiné leur parcours, sa présence n’arrive jamais à obscurcir cette valse mi-joyeuse, mi-tragique, au terme de laquelle l’un d’eux va disparaître.Et le lien pour découvrir le livre : https://www.editionsmarieromaine.fr/product-page/avenue-du-p%C3%A8re-lachaise-monique-blond Merci pour votre lecture !
La danse du papillon provient d’un texte court produit pendant un atelier d’écriture que j’avais suivi il y a une trentaine d’années. Par la suite, j’ai repris cet écrit à plusieurs reprises, tout en rédigeant d’autres textes sans rapport avec cette ébauche. C’est plus tard que, disposant de temps et de disponibilité d’esprit, j’ai ressorti de mon ordinateur les brouillons successifs du petit texte initial pour travailler encore et encore une histoire dont je ne savais pas très bien où elle allait. Et petit à petit, quelque chose a commencé à prendre forme, qui s’était éloigné du tout premier texte d’atelier, qui puisait aussi dans d’autres textes moins anciens et se nourrissait de fragments nouveaux, parmi lesquels des ébauches écrites pendant des séances de l’Atelier sous les toits. Le soir, des personnages s’invitaient dans mes rêveries, rechignant parfois contre ce que je venais de leur faire faire ou contre le prénom que je leur avais donné, formant petit à petit l’histoire à ma place. Je griffonnais quelques notes et le lendemain, j’essayais de traduire ces notes en écriture… essais parfois fructueux, pas toujours ! Parvenir à la forme aboutie de La danse du papillon m’a pris plus de six ans. Si je reviens sur ce travail d’écriture, je peux distinguer plusieurs aspects. D’abord, le travail de la phrase : portée à écrire de longues phrases pleines de digressions et d’incises dans tous les sens, j’ai dû énormément les retravailler. Pendant plusieurs années, j’écrivais chaque jour un ou deux paragraphes, ou seulement deux ou trois lignes, et je les raturais et les réécrivais indéfiniment les jours suivants en me disant que c’était nul, et moi avec. L’écriture de La danse du papillon m’a servi d’exercice d’écriture mais aussi, en étant aussi quotidiennement présente, m’a coupée d’autres formes, comme par exemple la forme poétique dont je me suis éloignée à regret. Ensuite le travail de la structure : comment organiser l’histoire, présenter les évènements, ménager un certain suspens. Longtemps, le récit n’avait aucune structure, probablement aussi parce que les grandes lignes de l’histoire n’étaient pas encore clairement définies. Puis, quelque chose a « pris » et la structure est apparue. Evidemment, je n’avais pas fait de frise chronologique et mes personnages apparaissaient n’importe quand, à rebrousse-temps : pourquoi pas, en théorie, un récit temporellement déstructuré, mais cela ne se prêtait pas à l’histoire que je voulais raconter. Je me suis donc emmêlé les pinceaux jusqu’à ce que ça tienne à peu près et que je déclare la structure achevée. Désireuse d’en finir, je n’ai pas écouté la petite voix intérieure qui tentait de me dire qu’en fait la structure était bancale. Cécile, à qui j’ai confié la relecture de la première version de ce récit dans le cadre de l’Atelier Face à Face, m’en a aussitôt fait la remarque. Il a fallu me remettre à la tâche, couper, tailler et retailler et m’apercevoir qu’avec la nouvelle combinaison, ça ne collait plus, des évènements se produisent dans le mauvais sens, des gens mouraient avant d’être nés etc…. Finalement, ça c’est fait, en quelques mois. La manuscrit terminé, j’en ai éprouvé à la fois de la joie et de la légèreté. Je n’avais pas l’idée que cet écrit puisse être publié. Je l’ai offert à mes proches en format A4 et c’est de mon entourage qu’est venu l’encouragement à chercher un éditeur… J’ai mis du temps à faire la démarche, je ne me sentais pas légitime et je me demandais ce qu’un bouquin de plus viendrait ajouter à des masses et des masses de livres publiés chaque semaine…. Nombreux ont été les refus implicites (pas de réponse sous 4 mois signifie un refus) et les refus par courrier, certains assortis de commentaires encourageants, jusqu’à ce que les éditions de l’Harmattan acceptent de le publier. Je continue à me demander si publier est une fin en soi : ce qui a compté le plus, c’est d’avoir écrit. Mais maintenant, je ne peux plus faire abstraction du fait que ce livre est publié et c’est vrai que savoir son texte lu par d’autres yeux, d’autres oreilles, par des âmes éloignées que l’on ne connaît pas, et parfois en recevoir un témoignage, c’est tellement fort ! D’une certaine façon, on en fait l’expérience à une autre échelle en atelier d’écriture ou dans le blog de l’Atelier : le partage de ce que l’on a écrit, le retour des lecteurs ou des auditeurs (selon la forme de l’atelier) est une expérience du risque, de la remise en question mais aussi du partage et de la joie. La danse du papillon se commande dans toutes les librairies, sur les sites de vente en ligne et sur le site des éditions de l’Harmattan : https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_danse_du_papillon_aliette_zumthor_sallee-9782140294846-74491.html
Tout est parti d’un courrier de lecteur, découvert en septembre 2019 : un professeur de physique-chimie reconnaît, dans sa classe, le fils de son ancien harceleur, qui ressemble trait pour trait à son père. Il s’inquiète auprès de la psychologue de sa réaction possible envers cet élève : ne sera-t-il pas tenté de lui faire payer les persécutions du père, même inconsciemment ? La thérapeute lui répond, entre autres choses, qu’il y a là matière à écrire un roman ! Le samedi, à l’atelier Petits Papiers, chez Cécile et Philippe, je choisis d’écrire un texte inspiré de cette histoire, au gré des fameux « petits papiers ». Les retours plutôt positifs m’encouragent à peaufiner à la maison ma nouvelle Le Portrait de son père, que j’envoie à trois ou quatre revues. L’envie d’aller plus loin ne me quitte pas et je m’inscris à un atelier Premier Roman (en formation pro), pour transformer la nouvelle en roman. En avril 2020, la revue Brèves m’appelle pour m’informer qu’elle souhaite publier Le Portrait de son père dans son numéro 116 (collectif « Jeunesse »). Cela renforce encore ma motivation pour le roman, dont j’achève le premier jet en juin. Je poursuis la réécriture les mois suivants. En plus des retours obtenus en atelier, je fais « diagnostiquer » mon texte en janvier 2021 par un site professionnel, puis, après l’avoir remanié, je commence à envoyer mon manuscrit à des éditeurs en septembre 2021, assorti d’une lettre de présentation longuement travaillée, d’un synopsis, etc. Je continue mes envois jusqu’en mars 2022. Sur la quarantaine d’éditeurs contactés, j’obtiendrai six réponses, toutes négatives, mais parfois encourageantes (quand même !). Enfin, en avril 2022, un éditeur (IGB) me téléphone : il a aimé mon roman, mais attend d’avoir l’avis de son comité de lecture et de son associée pour me donner un accord définitif. La même semaine (!), les Editions Il est Midi me contactent à leur tour pour me proposer directement un contrat. C’est avec eux que je signe, en juin 2022. Mon roman, le Fils de l’autre, sort le 10 octobre. L’expérience a été intéressante, même si le livre n’est vendu que sur commande (en librairie, à la Fnac, chez Amazon et sur tous les sites marchands), donc peu visible. Par ailleurs, Il est Midi n’organise pas de dédicaces et ne participe pas à des salons. Enfin, je n’ai jamais rencontré mes éditeurs, nous n’avons échangé que par mail et au téléphone. J’ai donc réalisé moi-même mon dossier de presse et obtenu deux chroniques (sur Femina.fr et Télé-7-Jours) et deux interviews. Un club de lecture, à Pierrefonds, m’a également invitée à une journée de présentation, et je me suis inscrite à deux salons en 2023 (réponse en attente). L’aventure continue, sans bruit, mais c’est formateur… Encore merci à Cécile et Philippe, dont l’atelier Petits Papiers m’a permis de poser les jalons de mon projet. Je leur ai même volé une très jolie phrase, tirée au hasard des « petits papiers » et que j’ai gardée dans le roman, bien évidemment ! Monique Coant-Blond Pour en savoir plus sur le livre, n’hésitez pas à aller sur mes pages Facebook https://www.facebook.com/profile.php?id=100082078084319 et Instagram https://www.instagram.com/emsie_blond/?hl=fr ou, pourquoi pas, sur le site de l’éditeur https://editions-il-est-midi.eproshopping.fr/1740324-LE-FILS-DE-L-AUTRE-Monique-Coant-Blond
LIVRES AIMÉS
J’ai aimé l’atmosphère; j’ai souri ; j’ai admiré le style; j’ai râlé de frustration lorsque je découvrais les personnages petit à petit et non bien campés en début de livre ; j’ai frémi devant le suspens de l’histoire et des personnages; je me suis laissée bercer par l’ambivalence constante entre rêve et réalité; j’ai été touchée quand j’ai enfin compris les visites d’amitié et de souvenirs de ce groupe hétéroclite et j’ai même versé une larme en refermant le livre.
En passant dans le rayons BD (au RDC, pour les grands, pas au 3e chez les enfants) d’une médiathèque, je me suis arrêtée sur Profession du père, de Sébastien Gnaedig. C’est une adaptation du roman de Sorj Chalandon. Je vous le dis tout de suite : je n’ai pas lu la version sans images. Mais la version adaptée a renforcé l’envie de la découvrir, même si je peux m’attendre à une violence accrue. En noir et blanc, en quelques dessins, l’intensité est présente. La dérive d’une homme dans une période sombre de l’histoire de France. « Les événements » dans nos livres d’histoire, pour ne pas dire « la guerre » d’Algérie. Je ne sais pas ce qu’en pensent celles et ceux qui ont lu S. Chalandon. Cette adaptation est une introduction, une ouverture. Profession du père est publié aux éditions Futuropolis en 2018.
Le point de départ de l’auteure est que nous avons été, ou serons, toutes et tous un jour confrontés à la mort de notre mère. La narratrice, journaliste célibataire de 31 ans, décrit ce qui l’oppose à sa sœur, mariée, 2 enfants. Leur mère meurt brutalement. Assassinée. Le lecteur suit avec la narratrice l’enquête, les arrangements pour vider la maison, ce que deviennent les relations familiales et sociales lorsque l’on perd sa mère aussi dramatiquement. Des secrets vont au fil des pages transformer des vérités jusqu’ici bien établies. Il y a beaucoup d’humour dans ces pages. Et des rebondissements. Le récit m’a parlé, souvent. Mère disparue est paru en 2007, édité par les éditions Philippe Rey.
Trois livres en forme de trilogie de Deborah Levy, auteure sud-africaine vivant en Grande-Bretagne : Le goût de la vie, Ce que je ne veux pas savoir et Etat des lieux. Les ouvrages sont traduits par Céline Leroy. Une écriture très ancrée dans la vie, mais en même temps très subtile, où l’auteure à la fois s’interroge sur la présence du passé dans le présent, et très souvent décale notre regard sur des évènements très simples et quotidiens pour en dégager un aspect neuf. Elle y excelle lorsqu’elle questionne, sans verser dans la démonstration, les rapports de genre, son travail d’écrivaine, ses rêves non réalisés. Elle est souvent drôle, légère et toujours intéressante. Merci à la traduction excellente.
Le cercle des menteurs ou Contes Philosophiques du monde entier rapportés par Jean-Claude Carrière. Habituellement, le terme de « contes philosophiques » me donne envie de rebrousser chemin car c’est un genre dont le ton appuyé, l’intention de donner des leçons produit souvent des textes ennuyeux et « voulus » (ce n’est que mon avis !). Ici, c’est tout le contraire : histoires courtes, du conte à la blague, racontées avec le brio qu’a Jean-Claude Carrière pour s’exprimer. Si l’on connait sa voix, on a l’impression en lisant qu’il est présent et qu’il conte à haute voix. Le premier comme le deuxième tome sont des régals. (en photo le deuxième tome)
Un texte très court (78 pages) sur la maladie contractée à son travail par le père du narrateur. Ce que j’ai aimé dans cette écriture, c’est que sous l’apparente pauvreté émotionnelle du texte, l’auteur, en nous livrant la stricte description des faits et gestes des protagonistes, sans à aucun moment ne juger quiconque, nous laisse toute la place pour mobiliser notre propre émotion et penser par nous-mêmes.
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