Arriver à quatorze heures trente. Déposer le bouquet de fleurs dans le vase. Nettoyer la table de chevet avec un papier absorbant et du spray désinfectant. Rester près de lui, assise sur une chaise ou sur le bord du lit. Attendre patiemment qu’il se réveille. Voir ses grands yeux bordés de longs cils noirs s’émerveiller, comme ceux d’un enfant de trois ans alors qu’il en a dix-huit. Lui raconter des blagues, le voir rire à en avoir les larmes. Lui poser des questions et compter le nombre de battements de cils pour savoir si la réponse est oui ou non. Voir l’équipe des infirmières et aides soignants arriver. « C’est l’heure des soins, on en a pour une heure ».
Prendre ses affaires, aller dans les couloirs froids pour rejoindre le seul endroit chaleureux de l’hôpital. Là où ils ont mis des tables et deux machines : l’une qui distribue le café chaud et l’autre les friandises. Prendre une gaufrette napée de chocolat, c’est le meilleur quantité/prix à mon avis. Retourner dans le couloir devant la chambre. Attendre patiemment que l’équipe ait terminé. Leur sourire et leur glisser quelques mots quand ils sortent. Rentrer dans la chambre, espérer qu’entre temps, fatigué par les manipulations il ne se soit pas endormi ou qu’il n’ait pas le visage crispé par la douleur que procure le fait d’être dans une nouvelle position.
Attendre, attendre, retenir son souffle toutes ces années. Entendre les gens commenter l’actualité. On en parle partout dans les journaux, l’affaire « Marie Humbert » celle qui a euthanasié son fils pour certains ou celle qui l’a tué pour d’autres. Le fils Humbert était dans le service à côté de celui dans lequel était mon frère. On parlait donc de moi, de nous, quand à la télé on parlait de l’affaire « Marie Humbert ». C’est donc que notre souffrance était réelle puisqu’elle était à la une dans le débat public. Et pourtant, nous étions si seuls. Recroquevillés sur nous-mêmes, incapables d’échanger entre nous, chacun bloqué sur ses propres regrets, sur ses propres remords.
Attendre que la lumière vienne enfin, qu’une issue soit trouvée à cette situation qui n’avait aucun sens. Recevoir régulièrement un appel du service : « il ne va pas bien du tout, venez, c’est la fin ». Voir ma mère courir à l’hôpital pour un dernier au revoir. La voir recommencer six mois plus tard.
Neuf ans, neuf ans ça a duré. Neuf ans à attendre. Passer de onze à vingt ans en apnée. Devoir grandir et trouver sa personnalité, sa voie, en ayant en toile de fond un frère à demi mort. Prendre conscience de tout cela seulement maintenant. Se réveiller avec la soif de vivre, enfin, emplie d’un feu de vie brûlant jusqu’aux entrailles. Parce que la vie, ce n’est pas attendre la mort. C’est vivre chaque instant avec d’autant plus d’hardiesse que l’on sait plus que beaucoup que ce peut être le dernier. « Vivre le moment présent », c’est le titre d’un livre de développement personnel qui fait fureur. J’en ai feuilleté quelques pages, autant dire que j’avais l’impression que l’auteur enfonçait des portes ouvertes.
Alors maintenant je me laisse porter, j’attrape toute opportunité qui s’offre à moi. Comme celle avec ce chanteur qui nous a aussi joué quelques morceaux de violoncelle rencontré dans ce cabaret montmartrois. J’ai bien vu qu’il me regardait lorsqu’il chantait le refrain de cette chanson qui parlait d’amour, d’un amour passionné si je me souviens. Je n’ai pas bien écouté parce que ça m’a perturbé qu’il plante comme ça son regard dans le mien à chaque refrain. C’est vrai que la salle était petite et qu’on était pas nombreux ce soir-là, à cause de la neige et du froid glacial qui s’étaient abattus sur Paris. Mais quand même il aurait pu regarder une autre personne que moi. Ça m’a travaillé et je me suis retrouvée fort décontenancée quand je suis allée chercher mon manteau au vestiaire et que c’était lui qui était chargé de me le remettre. Mais je ne me suis pas laissée démontée.
« Vous jouez dans un orchestre ? » je lui ai demandé.
« Euh non, le violoncelle, j’en fais pour le plaisir, je ne suis pas professionnel ».
Je crois que je n’ai rien trouvé à répondre à part un « Aahhh ». Parce que c’est vrai que c’était gros de me dire ça vu le niveau affiché. Je n’avais pas tout à fait tort puisqu’il a ensuite enchainé.
« Vous habitez Paris ? Je fais un récital de violoncelle au musée Marmottant le sept février, venez ! »
« Sept février, au musée Marmottant » j’ai répété. « D’accord j’y serai »
Je suis sortie du cabaret parmi les dernières. Quelques spectateurs étaient restés devant et l’un d’entre eux m’a tendu la main pour que j’enjambe une rigole dans laquelle l’eau avait givrée. Ensuite j’ai descendu les rues jusqu’à l’arrêt de métro de la ligne 13 le plus proche. Montmartre était vide de ses touristes, tous restés au chaud. Et moi j’étais là, la tête pleine des airs des chansons d’Edith Piaf et d’Yves Montand entendus toute la soirée, à rêver du récital auquel j’irai le sept février. Je pourrais lui dire ça à l’auteur du livre de développement personnel : la vie c’est saisir toutes les perches que l’on vous tend, même les plus improbables. Parce qu’on peut aller dans un repère de chansonniers avec sa mère à l’occasion de son anniversaire, et repartir en ayant un rencard avec un violoncelliste !
Le lendemain matin, bien au chaud sous ma couette j’ai fait les recherches internet qui s’imposaient. Le musée Marmottant bien sûr qui précisait « un récital sera joué par … ». Bon là je garde ce détail pour moi. On va prendre ses initiales, on l’appellera PFL. Ça sonne un peu comme un mouvement indépendantiste corse, mais il faut bien que je garde un peu d’intimité !
Armée de son nom je suis allée sur les réseaux sociaux et je n’ai eu aucun mal à le retrouver. J’ai regardé ses photos, pu tâter le personnage avec un manuel de psychologie de comptoir, la base. Il postait des photos de paysages, des lieux d’exception où il devait certainement être amené à jouer, mais on voyait rarement son visage. Conclusion : pas trop narcissique. Beaucoup d’animaux, du mouton au chat du voisin. Un romantique. Ouais il me plait bien. Alors j’ai envoyé un mail au musée Marmottant pour réserver une place pour le récital. On m’a répondu illico. « Au plaisir de vous voir » j’ai écrit à mon interlocuteur. Après tout, je ne sais pas quel lien il peut avoir avec mon violoncelliste. Vraiment qu’est ce qu’il ne faut pas faire pour se faire bien voir !
Satisfaite d’avoir mené une action nécessaire, je pouvais de nouveau rêvasser dans mon lit. Quand je pense qu’au début de la soirée, quand il chantait avec d’autres des airs grivois, et que le voyant de profil, j’avais avec mon œil averti noté qu’il avait les cheveux plein d’épis, j’avais glissé à ma mère « il s’est coiffé avec un pétard celui-là ! ». Ça l’avait fait marrer. Non mais comme ça, ça peut donner l’impression que je suis snob, mais je ne tiens pas l’alcool et ils nous avaient servi une espèce de vin de cerise qui m’était monté à la tête. Quand c’est comme ça on devient un peu bête.
N’empêche que je ne suis jamais allée dans un récital de violoncelle. Une seule fois à un concert de musique classique dans le 17ème. Y’avait que des têtes blanches. Là ce sont les amis du musée qui l’organise, j’ai lu même que c’était caritatif. Je ne sais pas trop à quoi m’attendre. J’espère que ça ne va pas être comme ces repas qu’on voit dans les films américains où il y a des sortes de ventes aux enchères. C’est que moi je travaille dans le social ! Si on reprend la théorie de Bourdieu, du capital j’en ai, il est culturel mais pas économique ! Parce que oui, s’il me demandait l’auteur du livre « Vivre le moment présent », je lui dirais que la phrase « vivre d’amour et d’eau fraiche » c’est du blabla. A moins de devenir berger et bergère dans un village dont le nom terminerait par « ac » ou « pierre ».
En tout cas si j’y vais à ce récital et qu’on arrive à se parler avec le violoncelliste, j’espère qu’en sortant de la salle il y aura encore un chemin craquant de gel et qu’il saisira là l’occasion de me tendre la main comme l’a fait ce spectateur inconnu à la sortie du cabaret. Le pauvre, je lui ai à peine jeté un regard, toute émoustillée que j’étais de mon bref échange précédent, mais en vrai on voit quand même pas ça tous les jours ! Même moi qui me considère féministe, je dois avouer que c’est le genre d’attention que l’on reçoit avec plaisir. Alors j’espère bien qu’il aura encore gelé, qu’il me tendra la main et dans un même mouvement rapprochera nos deux corps l’un de l’autre. Là nos visages seront si proches que chacun de nous pourra voir les larmes se former dans les yeux de l’autre. A cause de l’air froid bien sûr !
Feu de vie, feu de joie, c’est devenu mon mantra.
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PUBLICATIONS DES PARTICIPANTS
J’ai fréquenté durant plusieurs années les ateliers d’écriture Sous les Toits de Cécile et Philippe, que je viens de retrouver en novembre avec Les Petits Papiers. Depuis la pandémie, je me suis lancée un peu plus « sérieusement » dans l’écriture et mené certains projets à bien. Après « le Fils de l’autre », que j’ai déjà présenté sur ce blog, « Avenue du Père-Lachaise » est mon deuxième roman. Il est né de ce qui devait, au départ, être un recueil de nouvelles. Celles-ci étaient souvent liées les unes aux autres en une sorte de « suite », je les ai remaniées pour en faire cet OLNI (objet littéraire non identifié), qui a trouvé son éditrice, les Editions Marie Romaine, https://www.editionsmarieromaine.fr/. Ce roman choral est sorti en janvier 2024. En voici le pitchDeux femmes, trois hommes, un lieu : le cimetière du Père-Lachaise, à Paris. Au fil de ce roman, des vies se télescopent, des destins se lient, des êtres se trouvent ou se séparent. Les personnages rebondissent d’un chapitre à l’autre, tous réunis dans cette mystérieuse nécropole par l’absence, le manque, le deuil, l’espoir d’une renaissance. Si la mort a un jour croisé leur chemin et redessiné leur parcours, sa présence n’arrive jamais à obscurcir cette valse mi-joyeuse, mi-tragique, au terme de laquelle l’un d’eux va disparaître.Et le lien pour découvrir le livre : https://www.editionsmarieromaine.fr/product-page/avenue-du-p%C3%A8re-lachaise-monique-blond Merci pour votre lecture !
La danse du papillon provient d’un texte court produit pendant un atelier d’écriture que j’avais suivi il y a une trentaine d’années. Par la suite, j’ai repris cet écrit à plusieurs reprises, tout en rédigeant d’autres textes sans rapport avec cette ébauche. C’est plus tard que, disposant de temps et de disponibilité d’esprit, j’ai ressorti de mon ordinateur les brouillons successifs du petit texte initial pour travailler encore et encore une histoire dont je ne savais pas très bien où elle allait. Et petit à petit, quelque chose a commencé à prendre forme, qui s’était éloigné du tout premier texte d’atelier, qui puisait aussi dans d’autres textes moins anciens et se nourrissait de fragments nouveaux, parmi lesquels des ébauches écrites pendant des séances de l’Atelier sous les toits. Le soir, des personnages s’invitaient dans mes rêveries, rechignant parfois contre ce que je venais de leur faire faire ou contre le prénom que je leur avais donné, formant petit à petit l’histoire à ma place. Je griffonnais quelques notes et le lendemain, j’essayais de traduire ces notes en écriture… essais parfois fructueux, pas toujours ! Parvenir à la forme aboutie de La danse du papillon m’a pris plus de six ans. Si je reviens sur ce travail d’écriture, je peux distinguer plusieurs aspects. D’abord, le travail de la phrase : portée à écrire de longues phrases pleines de digressions et d’incises dans tous les sens, j’ai dû énormément les retravailler. Pendant plusieurs années, j’écrivais chaque jour un ou deux paragraphes, ou seulement deux ou trois lignes, et je les raturais et les réécrivais indéfiniment les jours suivants en me disant que c’était nul, et moi avec. L’écriture de La danse du papillon m’a servi d’exercice d’écriture mais aussi, en étant aussi quotidiennement présente, m’a coupée d’autres formes, comme par exemple la forme poétique dont je me suis éloignée à regret. Ensuite le travail de la structure : comment organiser l’histoire, présenter les évènements, ménager un certain suspens. Longtemps, le récit n’avait aucune structure, probablement aussi parce que les grandes lignes de l’histoire n’étaient pas encore clairement définies. Puis, quelque chose a « pris » et la structure est apparue. Evidemment, je n’avais pas fait de frise chronologique et mes personnages apparaissaient n’importe quand, à rebrousse-temps : pourquoi pas, en théorie, un récit temporellement déstructuré, mais cela ne se prêtait pas à l’histoire que je voulais raconter. Je me suis donc emmêlé les pinceaux jusqu’à ce que ça tienne à peu près et que je déclare la structure achevée. Désireuse d’en finir, je n’ai pas écouté la petite voix intérieure qui tentait de me dire qu’en fait la structure était bancale. Cécile, à qui j’ai confié la relecture de la première version de ce récit dans le cadre de l’Atelier Face à Face, m’en a aussitôt fait la remarque. Il a fallu me remettre à la tâche, couper, tailler et retailler et m’apercevoir qu’avec la nouvelle combinaison, ça ne collait plus, des évènements se produisent dans le mauvais sens, des gens mouraient avant d’être nés etc…. Finalement, ça c’est fait, en quelques mois. La manuscrit terminé, j’en ai éprouvé à la fois de la joie et de la légèreté. Je n’avais pas l’idée que cet écrit puisse être publié. Je l’ai offert à mes proches en format A4 et c’est de mon entourage qu’est venu l’encouragement à chercher un éditeur… J’ai mis du temps à faire la démarche, je ne me sentais pas légitime et je me demandais ce qu’un bouquin de plus viendrait ajouter à des masses et des masses de livres publiés chaque semaine…. Nombreux ont été les refus implicites (pas de réponse sous 4 mois signifie un refus) et les refus par courrier, certains assortis de commentaires encourageants, jusqu’à ce que les éditions de l’Harmattan acceptent de le publier. Je continue à me demander si publier est une fin en soi : ce qui a compté le plus, c’est d’avoir écrit. Mais maintenant, je ne peux plus faire abstraction du fait que ce livre est publié et c’est vrai que savoir son texte lu par d’autres yeux, d’autres oreilles, par des âmes éloignées que l’on ne connaît pas, et parfois en recevoir un témoignage, c’est tellement fort ! D’une certaine façon, on en fait l’expérience à une autre échelle en atelier d’écriture ou dans le blog de l’Atelier : le partage de ce que l’on a écrit, le retour des lecteurs ou des auditeurs (selon la forme de l’atelier) est une expérience du risque, de la remise en question mais aussi du partage et de la joie. La danse du papillon se commande dans toutes les librairies, sur les sites de vente en ligne et sur le site des éditions de l’Harmattan : https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_danse_du_papillon_aliette_zumthor_sallee-9782140294846-74491.html
Tout est parti d’un courrier de lecteur, découvert en septembre 2019 : un professeur de physique-chimie reconnaît, dans sa classe, le fils de son ancien harceleur, qui ressemble trait pour trait à son père. Il s’inquiète auprès de la psychologue de sa réaction possible envers cet élève : ne sera-t-il pas tenté de lui faire payer les persécutions du père, même inconsciemment ? La thérapeute lui répond, entre autres choses, qu’il y a là matière à écrire un roman ! Le samedi, à l’atelier Petits Papiers, chez Cécile et Philippe, je choisis d’écrire un texte inspiré de cette histoire, au gré des fameux « petits papiers ». Les retours plutôt positifs m’encouragent à peaufiner à la maison ma nouvelle Le Portrait de son père, que j’envoie à trois ou quatre revues. L’envie d’aller plus loin ne me quitte pas et je m’inscris à un atelier Premier Roman (en formation pro), pour transformer la nouvelle en roman. En avril 2020, la revue Brèves m’appelle pour m’informer qu’elle souhaite publier Le Portrait de son père dans son numéro 116 (collectif « Jeunesse »). Cela renforce encore ma motivation pour le roman, dont j’achève le premier jet en juin. Je poursuis la réécriture les mois suivants. En plus des retours obtenus en atelier, je fais « diagnostiquer » mon texte en janvier 2021 par un site professionnel, puis, après l’avoir remanié, je commence à envoyer mon manuscrit à des éditeurs en septembre 2021, assorti d’une lettre de présentation longuement travaillée, d’un synopsis, etc. Je continue mes envois jusqu’en mars 2022. Sur la quarantaine d’éditeurs contactés, j’obtiendrai six réponses, toutes négatives, mais parfois encourageantes (quand même !). Enfin, en avril 2022, un éditeur (IGB) me téléphone : il a aimé mon roman, mais attend d’avoir l’avis de son comité de lecture et de son associée pour me donner un accord définitif. La même semaine (!), les Editions Il est Midi me contactent à leur tour pour me proposer directement un contrat. C’est avec eux que je signe, en juin 2022. Mon roman, le Fils de l’autre, sort le 10 octobre. L’expérience a été intéressante, même si le livre n’est vendu que sur commande (en librairie, à la Fnac, chez Amazon et sur tous les sites marchands), donc peu visible. Par ailleurs, Il est Midi n’organise pas de dédicaces et ne participe pas à des salons. Enfin, je n’ai jamais rencontré mes éditeurs, nous n’avons échangé que par mail et au téléphone. J’ai donc réalisé moi-même mon dossier de presse et obtenu deux chroniques (sur Femina.fr et Télé-7-Jours) et deux interviews. Un club de lecture, à Pierrefonds, m’a également invitée à une journée de présentation, et je me suis inscrite à deux salons en 2023 (réponse en attente). L’aventure continue, sans bruit, mais c’est formateur… Encore merci à Cécile et Philippe, dont l’atelier Petits Papiers m’a permis de poser les jalons de mon projet. Je leur ai même volé une très jolie phrase, tirée au hasard des « petits papiers » et que j’ai gardée dans le roman, bien évidemment ! Monique Coant-Blond Pour en savoir plus sur le livre, n’hésitez pas à aller sur mes pages Facebook https://www.facebook.com/profile.php?id=100082078084319 et Instagram https://www.instagram.com/emsie_blond/?hl=fr ou, pourquoi pas, sur le site de l’éditeur https://editions-il-est-midi.eproshopping.fr/1740324-LE-FILS-DE-L-AUTRE-Monique-Coant-Blond
LIVRES AIMÉS
J’ai aimé l’atmosphère; j’ai souri ; j’ai admiré le style; j’ai râlé de frustration lorsque je découvrais les personnages petit à petit et non bien campés en début de livre ; j’ai frémi devant le suspens de l’histoire et des personnages; je me suis laissée bercer par l’ambivalence constante entre rêve et réalité; j’ai été touchée quand j’ai enfin compris les visites d’amitié et de souvenirs de ce groupe hétéroclite et j’ai même versé une larme en refermant le livre.
En passant dans le rayons BD (au RDC, pour les grands, pas au 3e chez les enfants) d’une médiathèque, je me suis arrêtée sur Profession du père, de Sébastien Gnaedig. C’est une adaptation du roman de Sorj Chalandon. Je vous le dis tout de suite : je n’ai pas lu la version sans images. Mais la version adaptée a renforcé l’envie de la découvrir, même si je peux m’attendre à une violence accrue. En noir et blanc, en quelques dessins, l’intensité est présente. La dérive d’une homme dans une période sombre de l’histoire de France. « Les événements » dans nos livres d’histoire, pour ne pas dire « la guerre » d’Algérie. Je ne sais pas ce qu’en pensent celles et ceux qui ont lu S. Chalandon. Cette adaptation est une introduction, une ouverture. Profession du père est publié aux éditions Futuropolis en 2018.
Le point de départ de l’auteure est que nous avons été, ou serons, toutes et tous un jour confrontés à la mort de notre mère. La narratrice, journaliste célibataire de 31 ans, décrit ce qui l’oppose à sa sœur, mariée, 2 enfants. Leur mère meurt brutalement. Assassinée. Le lecteur suit avec la narratrice l’enquête, les arrangements pour vider la maison, ce que deviennent les relations familiales et sociales lorsque l’on perd sa mère aussi dramatiquement. Des secrets vont au fil des pages transformer des vérités jusqu’ici bien établies. Il y a beaucoup d’humour dans ces pages. Et des rebondissements. Le récit m’a parlé, souvent. Mère disparue est paru en 2007, édité par les éditions Philippe Rey.
Trois livres en forme de trilogie de Deborah Levy, auteure sud-africaine vivant en Grande-Bretagne : Le goût de la vie, Ce que je ne veux pas savoir et Etat des lieux. Les ouvrages sont traduits par Céline Leroy. Une écriture très ancrée dans la vie, mais en même temps très subtile, où l’auteure à la fois s’interroge sur la présence du passé dans le présent, et très souvent décale notre regard sur des évènements très simples et quotidiens pour en dégager un aspect neuf. Elle y excelle lorsqu’elle questionne, sans verser dans la démonstration, les rapports de genre, son travail d’écrivaine, ses rêves non réalisés. Elle est souvent drôle, légère et toujours intéressante. Merci à la traduction excellente.
Le cercle des menteurs ou Contes Philosophiques du monde entier rapportés par Jean-Claude Carrière. Habituellement, le terme de « contes philosophiques » me donne envie de rebrousser chemin car c’est un genre dont le ton appuyé, l’intention de donner des leçons produit souvent des textes ennuyeux et « voulus » (ce n’est que mon avis !). Ici, c’est tout le contraire : histoires courtes, du conte à la blague, racontées avec le brio qu’a Jean-Claude Carrière pour s’exprimer. Si l’on connait sa voix, on a l’impression en lisant qu’il est présent et qu’il conte à haute voix. Le premier comme le deuxième tome sont des régals. (en photo le deuxième tome)
Un texte très court (78 pages) sur la maladie contractée à son travail par le père du narrateur. Ce que j’ai aimé dans cette écriture, c’est que sous l’apparente pauvreté émotionnelle du texte, l’auteur, en nous livrant la stricte description des faits et gestes des protagonistes, sans à aucun moment ne juger quiconque, nous laisse toute la place pour mobiliser notre propre émotion et penser par nous-mêmes.
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