Rouler vite

L’ambiance familiale est trop lourde. Je ne tiens plus. Je suis sorti dans le jardin. J’ai poussé ma mobylette jusque sur le trottoir. Je donne un coup de pédale, le moteur démarre, je tourne la poignée de mon CIAO et je m’évade. Aujourd’hui en cours d’Italien, j’ai appris que « ciao » se disait « tchao », au revoir. C’est ça, salut, bye bye. Je roule à fond, c’est à dire à 45 km/h mais à quatorze ans, c’est vite. Mes cheveux flottent au vent de la vitesse, oui je n’ai pas de casque, il n’est pas encore obligatoire, je me sens libre, libéré, en liberté. Je veux partir loin de ces non-dits, de ces tensions, de cet abandon. Je ne sais pas qui je suis mais sur cette selle avec ressort sur laquelle je tressaute, je me sens moi. Je ne sais pas encore qui mais moi certainement. Je fais le tour de la ville, je roule vite, je freine fort au feu rouge et dérape de la roue arrière. Je me sens fort, moi qui ai peur de tout, moi que l’on prend pour une fille alors que je suis un garçon.

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