Au Louvre

Bonjour vous! Je vous connais, vous. Sans bras, sans tête, vous surplombez de toute votre grâce ce coin sans couleur. Chère Victoire, vous en aurez fait couler de l’encre. Désolé, je ne m’attarde pas, on m’attend plus loin.

Ah vous, avec votre sourire niais et votre regard qui suit tout le monde sans rien révéler, je vous hais. De toutes façons vous avez trop d’admirateurs pour avoir besoin de moi. Je me dépêche, j’ai rendez-vous chez Delacroix. Lui au moins, c’est puissant, sauvage. Des scènes un peu grandioses certes et peut être moins au goût du jour. Mais ces couleurs, ces mouvements. D’ailleurs je lui emprunterai bien un de ses chevaux pour continuer mon chemin. Eh, David, qu’en penses-tu ? Tu t’y fais, toi, de côtoyer la compagnie de Delacroix?

C’est drôle, il n’y a personne aujourd’hui. C’est d’un calme.  Bon, je vous laisse, je vais faire un tour chez mes copains les impressionnistes. Il ne faut pas que j’oublie de saluer la Vénus au passage, sinon elle me fera une scène. N’empêche, elle est belle celle-là.

Au deuxième étage je retrouve Monet, Manet, Renoir, Degas. Là c’est joyeux, suave aussi, prodigieux en fait. On s’approche, on ne voit rien ; on s’éloigne, on reconnait la cathédrale de Rouen, la Gare Saint-Lazare, les champs aux coquelicots. Miracle du pinceau.

C’est pas tout ça, mais j’ai un peu faim. M’inviter au Déjeuner sur l’herbe ? Ils auraient peut être un morceau de veau ou quelques macarons à partager. A moins que je rejoigne Van Gogh pour une petite verte?

Le temps file. C’est fatiguant toutes ces allées-et-venues. Je dois faire une sieste. Pas de place sur le divan de l’Odalisque. Peut-être le banc rembourré de la salle des grands peintres XVIIIe? Bien tentant avec son velours rouge. Non, les deux salles des arts d’Orient invitent à un sommeil plus réparateur. Au milieu de ces reliques vieilles de plusieurs siècles, il y fait sombre et frais.

Jean fait un petit effort pour retraverser le musée, descendre plusieurs niveaux, tourner à droite, puis à gauche. Au passage il salue les bustes de Cléopâtre, César, Diderot – tiens mais que fait-il là celui-là ? Et il atterri dans cet antre bienfaisant des arts d’Orient. Une vraie caverne des mille et une nuits. Des céramiques bleu, turquoise, vert d’eau; des portes ajourées; des vases translucides en verre si fin qu’un souffle pourrait les ternir; des tuiles vernissées;  des kaftans aux couleurs profondes rebrodés d’or. Il n’en finit pas de contempler ces merveilles venues d’un autre monde. Il sent la pesanteur des siècles alourdir son corps, s’effondre et s’endort sur un tapis persan du XIIè.

On est lundi matin.  Le musée ouvre ses portes. Un gardien secoue Jean.

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