C’est une plage de galets qui se foule en chaussures.
Certains ont essayé de s’aventurer pieds-nus, parce que marcher sur des pierres non basaltiques, c’est encore plus efficace qu’une séance de réflexologie plantaire, à ce qu’il paraît.
Devant elle, la Manche à perte de vue. L’eau passe du vert clair au vert foncé à mesure que le fond s’éloigne.
Derrière elle, une esplanade plantée de milliards de brins d’herbe, parallèle au front de mer.
C’est l’été, et la ville a décidé de découper cette bande en de multiples espaces. Ici on joue au foot, là on s’initie au judo. Là-bas on s’assouplit par le yoga. les chiens ont droit à leur chasuble, pour un canicross avec leurs maîtres qui tirent une langue bien plus longue que celle de leurs compagnon à 4 pattes.
Au-dessus des aires réservées planent des cerfs-volants. Elle ne voit pas qui en tire les ficelles ; ils semblent libres de s’agiter, ici une tête de dragon, là un château dans le ciel.
Elle apprendra plus tard que la ville organise chaque année un grand rassemblement de ces drôles d’engins.
Un petit garçon a envie de mêler son losange de toile à ce bal aérien coloré. Il court pour que le cerf-volant décolle, mais le losange retombe aussitôt. Il attend un souffle d’air et hop ! son jouet plane. Lorsque le calme s’abat brutalement, le cerf-volant prend un malin plaisir à rencontrer ici un mimosa, là un pied de verveine. Au moins, il sent bon.
Le petit garçon n’est pas satisfait des qualités de son jouet, alors il l’abandonne, et se dirige vers la plage de galets. A sa main droite, un seau et une pelle ; dans la main gauche, son petit arrosoir rouge.
Le gamin est chaussé de sandales en plastique. Il avance vers la mer avec l’espoir de trouver du sable, ingrédient primordial pour faire des châteaux. Ses orteils sont à présent mouillés. La plage n’est peuplée que de cailloux. Le garçonnet sent monter la colère. Pourquoi on ne lui a pas dit que son seau, sa pelle et son arrosoir ne serviraient à rien ?
A moins que…
Le gamin remplit le seau et l’arrosoir, se dirige vers l’emplacement où sont assis son père et sa mère, et les inonder d’eau.
– Mais enfin, Bastien ? Qu’est-ce qui te prend ?
– Je suis un Canadair et je vous arrose !!! Vous m’avez pas dit que le plage n’avait pas de sable ! Comment je fais mes châteaux de sable, moi ? Vous êtes méchants ! Elle est nulle votre plage ! Vous êtes nuls ! Mon cerf-volant est nul !
Bastien éclate en sanglots. Sa mère regarde le père :
– C’est toi qui lui lui as dit qu’il allait s’éclater à faire des châteaux de sable à Dieppe ? T’es trop con !