Ariane rêve (?)

Le soleil tape dur ce matin-là dans le centre-ville. Ariane aimerait lire un bon livre, qui lui ferait oublier la chaleur éprouvante. Elle extrait un ventilateur d’une cachette improbable. Une prise s’offre au regard. Elle branche l’appareil, appuie sur le bouton ON. Les pales s’agitent. Une brise rafraîchissante se diffuse dans la pièce.

Ariane s’assied dans un fauteuil, surélève ses jambes, saisit un livre dans la bibliothèque de son père, et tourne la première page.

Des secondes, des minutes, des heures s’écoulent dans le silence uniquement transpercé du ronron du ventilateur et du bruit des pages qui se tournent.

De temps en temps, un soupir s’échappe de la poitrine d’Ariane. Elle a plongé dans un récit hypnotique qui la fait peu à peu glisser dans le sommeil.

Lorsqu’Ariane ouvre les yeux, il fait sombre. Elle amène son poignet gauche devant son visage ; sa montre n’est plus là. Elle cherche son téléphone, mais elle a perdu ses repères. Elle est allongée sur un lit sur un lit, avec une moustiquaire qui la protège.

Ariane se lève en sursaut. Sous ses pieds, des lattes de bois ; au-dessus de sa tête, un plafond plutôt bas. Ariane se dit qu’elle rêve. C’est marrant, un rêve éveillé. Allez ! En avant pour l’aventure !

Ariane inspecte son environnement. Elle a l’impression d’être dans une cabane. Elle ouvre la porte et entend le bruit de la mer qui vient humidifier le sable. Sur la plage, il n’y a qu’elle, sa cabane, et la mer. Rien d’autre à l’horizon. Ariane tourne sur elle-même. Le néant. Hormis un petit arbre pour lui tenir compagnie. Elle perçoit un son de harpe, et une vibration contre sa cuisse. Sa main droite trouve une poche occupée d’un smartphone. la photo de sa mère s’affiche sur l’écran. C’est elle qui appelle. Ariane décroche.

– Ah ! Enfin, je t’ai trouvée ! Mais où es-tu ? J’ai sonné à l’appartement, à Lyon, mais tu ne me réponds pas. Tu vas bien ?

Ariane se sait que dire.

Elle reste médusée. Est-ce qu’elle rêve, ou s’est-elle spatio-temporellemet évadée en lisant ? Sa mémoire a effacé les pages qu’elle a dévorées.

Elle essaie de raisonner avec méthode, en quelques fractions de secondes.

Soit elle ne rêve pas, et la cabane sur une île apparemment déserte est sa nouvelle maison.

Soit elle maîtrise cette sortie du réel, et elle devrait prochainement réintégrer l’appartement de Lyon, écouter les éventuels messages inquiets laissés par sa mère sur son répondeur.

Un mélange de sérénité et d’anxiété envahit son cerveau.

Cette île deviendra son mémorial, si elle y demeure pour toujours. En même temps, Ariane se fout du mépris de ceux ou celles qui la penseraient fugitive, parce qu’elle aurait abandonné sa vie dans un quartier qu’elle ne reconnaît plus. Tous ses amis sont partis, alors son corps et son cœur peuvent déménager.

Au bout du fil, la mère d’Ariane attend.

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