Entre-deux

On est entre deux anniversaires en ce joli mois de mai. Des chaînes se sont brisées. Des personnes sont parties sans jamais revenir. D’autres ont fait leurs valises pour un long voyage. Malgré les nombreuses routes, sûrement un jour vont-elles se retrouver et se souvenir qu’elles s’aiment.
La jeunesse espère un piston pour démarrer enfin leur vie d’adulte. La vieillesse conseille en rappelant que rien n’est grave. À chaque âge, sa sagesse, à chaque âge, sa richesse intérieure, à chaque âge, son élan, son entrain.
Et dans l’entre-deux, que se passe-t-il ? Entre ces deux anniversaires du joli mois de mai, son esprit divague, Marion est ici, elle est là-bas. Sa tête, s’embrume pour des conflits ne devraient pas exister. Elle voudrait faire de la place, laisser entrer le soleil.
On lui a dit : Tu as l’esprit trop occupé tout le temps pour faire de la place à un homme dans ta vie. Ce n’est même pas de lâcher prise qui lui a été conseillé. Même pas.
On ne lui a pas reproché non plus sa façon de trop penser à tout, à avoir constamment des rouages en action dans son cerveau en ébullition.
Alors oui, Marion tente de faire des puzzles pour se mettre en pause. Elle a essayé aussi le point de croix, la broderie, il fut un temps. Ses yeux ne lui permettent plus trop de bien distinguer les couleurs quand la nuit tombe.
C’est ça aussi d’être dans un entre-deux : on y voit, mais pas tout à fait clair, pas tout à fait flou et on triche un peu avec une jolie paire de lunettes.
Marion sourit à la vie. Elle fait le bilan de ce qu’elle a vécu jusqu’à présent, fait des plans sur la comète pour ce qui se présente devant. En attendant, elle se rend compte qu’elle ne vit pas assez au présent.
Elle fait le deuil de donner la main à ses enfants devenus grands, ne veut pas penser au deuil qui adviendra forcément.
Y a-t-il un mot pour cet entre-deux ? Ni jeunesse. Ni Vieillesse. Il faudrait tout de même un joli mot puisqu’on est entre deux anniversaires, en ce joli mois de mai.
Entre les deux, on met des chiffres, au milieu, de la rationalité. : la trentaine, la quarantaine, la cinquantaine, etc. Ça rend tout trop mathématique. Ça manque de rêve, d’explosion. Tout est censé être carré.
Pour Marion, rien n’est géométrique, loin de là. Malgré le nombre de fois où on lui a dit : tu sais, il faut entrer dans les cases. Pour elle, ça a été un défi permanent. Son esprit chemine encore en cette journée ensoleillée, entre deux anniversaires en ce joli mois de mai.
Elle n’a pas trouvé le mot de cet entre deux. C’est peut-être écrit dans le dictionnaire qu’elle s’apprête à jeter. Un dictionnaire, ni jeune, ni ancien, un dictionnaire des années 80.

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