Un autre monde

Il n’y avait rien de plus à dire. Je ne sais pas si tu entends. Je ne sais pas si j’arrive à me faire comprendre. Alors je me tais. Peut-être que je t’écrirai tout ce que je ressens, le mélange des émotions, les sentiments dont il ne faut pas parler parce qu’on ne peut rien y faire, parce que, même s’ils sont doux et tendres, ils finissent par nous blesser, parce qu’on est loin l’un de l’autre, parce que nos vies s’entrecroisent, se cherchent mais jamais ne se mêlent vraiment.
Tu es le dernier arrivé à mon cœur. Le chemin était sinueux, il y avait des montagnes de barrages, des sens interdits, des fuites en avant. Tu y es malgré tout parvenu. Et pourtant, notre histoire aussi belle soit-elle reste figée dans un instant qui ne dure pas éternellement. À part peut-être dans nos rêveries, nos souvenirs.
Tu connais le dicton qui dit que les derniers seront les premiers ? Sûrement. Je ne laisse pas la place à un prochain dernier, car je veux que tu restes le premier. Pour toujours et à jamais.
Les jours rallongent après ton anniversaire. Notre relation s’étale, les années passent et tu es toujours là pour moi et moi pour toi, d’une manière dirons-nous non conventionnelle.
J’aimerais m’ouvrir à d’autres que toi. Te laisser dans ta vie et commencer un autre chemin. Je n’en vois plus aucun devant. Sur les bas-côtés, il y a de vieilles mobylettes et des tracteurs. Que fais-je au milieu de nulle part ? Suis-je vraiment perdue ? On peut dire qu’on est perdu si on sait où on veut aller et là, je n’ose pas te dire où je veux aller, avec ou sans toi. Se retrouvera-t-on sur un chemin plus lointain ? Arrêterons-nous enfin de nous croiser de temps en temps pour repartir chacun de notre côté ?
J’en ai traversé des villes, pour te rejoindre, pour t’oublier, pour me retrouver seule avec moi-même. Dans la cour des immeubles du dimanche après-midi, des rayons de soleil ont réchauffé mon cœur.
Et puis, je suis repartie, encore une fois. J’ai passé la douane à New-York, ça a été comme si j’avais traversé l’océan en solitaire à la voile. C’était long, c’était un nouveau monde. Un monde qui me rapprochait un peu de toi.
Je n’ai pas fait de détour par le Cap Horn, non. J’aurais pu. Mais j’ai préféré changer de route, ne pas te rejoindre directement. Je me suis demandé s’il ne valait pas mieux abandonner la course puisque nous n’avançons pas.
J’étais la première. Je finis la dernière. Malgré tout, celle qui compte le plus. On a partagé nos jours sombres. On a réussi malgré le décalage horaire à se parler, à s’exprimer, à se censurer aussi.
En cette nouvelle année, les jours rallongent. La lumière entre dans mon cœur dès que je pense à toi, dès que je te vois. Quand la porte se referme, tu es là avec moi. Ta présence envahit l’espace. Tellement.
Il n’y a rien de plus à dire. Je sais. Tu sais. On fait quoi après ? Je ne te pose plus de questions, je ne te fais plus part de mes doutes. Alors, comme je l’ai dit au début, j’essaie désespérément de te faire passer un message. Lequel ? Celui que je t’aime ? Celui que je pars ? Même moi je ne sais pas. Et puis, même si je t’écris tout cela, tu ne lis pas.
Le temps file. Les distances sont toujours aussi vastes même lorsque je me rapproche, je n’arrive pas à rester.
Nos moments restent suspendus, ils ne font partie ni du passé, ni du présent, ni du futur. Ils me semblent appartenir à une autre dimension.
C’est peut-être pour cela que je n’arrive pas à trouver l’endroit où on pourrait exister nous deux.

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