Léa a envie de pleurer. Une longue nuit s’étire devant elle, tandis que le dernier train pour Saragosse n’est plus qu’un point lumineux au bout des rails. Parti du quai B au lieu du quai A, où elle l’attendait depuis vingt minutes. A quoi ça tient…
Elle n’est pas la seule, loin de là, mais sûrement la plus désemparée, déconcertée par cet imprévu pourtant pas si tragique. Un train que l’on rate, c’est autant d’expérience que l’on gagne, autant d’histoires que l’on aura à raconter au retour. En venant ici, c’est peut-être aussi ce qu’elle cherche, inconsciemment ? L’aventure, même modeste…
Ce road trip en Espagne, elle en rêve depuis longtemps. Une parenthèse rien qu’à elle. Qu’importe la destination, l’essentiel étant de se retrouver seule avec elle-même. Elle a choisi l’Espagne. Barcelone, Lérida, Saragosse, puis Malaga et Séville. Déjà trois jours qu’elle est partie.
Il est bientôt 22 heures. Autour d’elle, les autres voyageurs s’indignent un peu, pianotent beaucoup sur leur smartphone, passent des coups de fil ou s’éloignent vers on ne sait quoi. Une solution, c’est sûr. Elle va faire comme eux.
De l’air le plus dégagé possible, même si personne ne la regarde, elle extirpe son téléphone du fond de son sac, tapote au hasard. Un covoiturage ? Trop tard, trop risqué. Elle restera à Lérida, trouvera un hôtel, c’est aussi simple que ça. Voilà. Rassérénée, elle suit la petite file de touristes qui gagnent la sortie.
Lérida n’est qu’une étape. A aucun moment elle n’a choisi de dormir ici, mais maintenant qu’elle y est coincée, il faut faire vite. Le Festival du film d’animation commence demain, s’il faut en croire les affiches placardées dans la gare. Elle ne doit pas être la seule à chercher une chambre.
Dehors il fait noir. C’est l’une de ces nuits sans étoiles, collante, plombée par une bruine d’avril fine et pénétrante. Les deux premiers hôtels où elle se présente sont complets. Forcément, entre le festival et l’incident du train…
Le troisième affiche des prix rédhibitoires, Léa passe son chemin. L’angoisse monte d’un cran. Les deux établissements voisins ne l’inspirent guère. Elle préférerait presque rester dehors malgré le noir, marcher au hasard des rues, entrer dans les bars, faire des rencontres.
Elle pense à Nicolas, à Paris, qui a dû coucher les enfants et qu’elle n’appellerait à aucun prix. Pour lui raconter quoi ? Sa simple évocation réveille la rancœur et la colère…
Un petit crachin s’est mis à tomber. Léa marche encore dix minutes, le temps de retrouver son calme. Sur la droite, une façade décrépite et une enseigne : Hotel Goya. C’est le plus miteux de tous ceux qu’elle a vus, avec ses lézardes aux murs et ses lumières anémiques, et pourtant il dégage quelque chose de familial, de rassurant.
C’est là que Léa a envie de passer sa quatrième nuit espagnole. Y trouvera-t-elle le sommeil ? Peu probable. L’important est d’être au chaud, à l’abri. « En sécurité », dirait Nicolas. Elle pousse la porte.
Cheveux roux noués en bun, barbe de trois jours, un homme très grand, très mince, se tient debout à l’accueil. Elle lui donne la trentaine. Elle ne s’avance pas tout de suite, préférant simuler une conversation téléphonique pour l’observer en douce. Il est jeune, bien plus qu’elle. D’une beauté singulière.
Il a dû sentir son regard et lui sourit. Gênée, elle s’approche, demande s’il y a une chambre de libre. Il répond qu’il en reste une, la dernière, dans un français impeccable, mâtiné d’accent germanique. Cinquante euros la nuit.
Ses yeux sont d’un vert pâle moucheté d’ambre…
Léa enregistre chaque détail de ce visage si proche et prend la clé que l’homme lui tend, une vraie clé. Leurs mains s’effleurent. Sa peau est douce.
– Deuxième étage au fond.
Elle remercie un peu trop sèchement, et s’éloigne en imaginant que peut-être il la regarde… Elle ne se retournera pas pour s’en assurer. Surtout ne rien gâcher de l’instant, ce trouble délicieux, ces sensations oubliées…
La voilà dans la chambre, petite et plutôt spartiate, mais très propre. Au mur, une reproduction du Sabbat des sorcières, de Goya. Léa en laisse tomber son sac, incapable de quitter la toile des yeux. C’est hypnotique. Glaçant. Elle n’a jamais aimé Goya. Quel esprit tordu peut imaginer mettre ce genre de tableaux dans une pièce où l’on dort ? Mais forcément, avec un nom pareil, Hotel Goya, il fallait s’y attendre. Il va bien falloir se coucher avec ces visages-là en face d’elle. Elle aurait préféré Picasso, Miro, Dali… ce ne sont pas les peintres qui manquent, en Espagne. Pour l’ambiance familiale, on repassera.
Elle enfile son pyjama bleu, tire le rideau sur la nuit humide et se glisse sous les draps. Ils sont frais et sentent un mélange de chlore et de lavande. Exactement comme ceux de sa grand-mère, en Bretagne. Elle replonge trente ans en arrière. Les vacances, enfant, puis adolescente. La plage. Cette grande maison où elle s’ennuyait parfois. Souvenirs…
A 2 h 30, Léa ne dort toujours pas, malgré l’épuisement. Sous l’effet de la pénombre, toutes sortes de pensées délirantes s’entrechoquent dans sa tête. Elle se sent observée par les personnages du tableau, entend des craquements, croit même reconnaître dans le couloir le pas de Nicolas, si familier et qu’elle a appris à détester, depuis qu’ils font chambre à part…
Alors, comme le sommeil ne veut pas d’elle, elle invente des stratagèmes pour le capturer enfin, ou que lui la capture. Les vieux souvenirs ne fonctionnent pas si mal, il suffit de trouver les bons. On remonte le temps, on extrapole, on cherche… et l’on s’endort enfin.
Cette fois, Léa choisit de se rappeler des endroits où elle a dormi et qui ont laissé en elle une empreinte indélébile.
Le souvenir le plus chaud, c’est Zanzibar. Une nuit, Nicolas et elle s’étaient endormis sur la plage. C’était avant la naissance de Fleur et Tom, ils étaient complètement libres, libres et fatigués. Nicolas voulait s’évader loin de Paris, voir des animaux, une nature aussi intacte que possible, presque originelle. L’Afrique s’était imposée, puis la Tanzanie. Léa avait adoré l’idée, comme tout ce que pouvait dire Nicolas, à l’époque.
Après trois semaines d’un périple fascinant, ils avaient mis le cap sur l’île au nom couleur de rêve. Ces lieux-là ont souvent une réalité plus sombre, mais Zanzibar gardait sa beauté magnétique de paradis perdu, malgré les sacs en plastique et les décharges à ciel ouvert. Ils avaient étendu une couverture sur le sable et avaient regardé les étoiles. Nicolas avait reconnu la Petite et la Grande Ourse… Elle s’était moquée.
– Tu ne vas pas me faire le coup des constellations ?
Elle pourrait jurer que c’est cette nuit-là que Fleur a été conçue, au large d’une Afrique de réserves, de fauves et de pachydermes, de guerriers massaïs vrais ou un peu arrangés pour les touristes encore peu nombreux, une Afrique d’écoliers en uniforme, de rangers armés et de marabouts que l’on n’ose pas regarder dans les yeux.
Sûrement leur plus beau voyage, avec l’Islande.
Le souvenir le plus froid, c’est l’igloo du Dou du Praz, à La Plagne. Là encore, ils étaient tous les deux. Les enfants étaient restés à l’hôtel avec la baby-sitter. Encore trop jeunes pour ce genre d’expérience, avait tranché Nicolas. Trop jeunes surtout pour l’ascension à raquettes jusqu’à ce dôme glacé qui, hélas, n’existait plus aujourd’hui, avec ses couloirs givrés, son restaurant et ses chambres immaculées. La sensation était magique. Ils s’étaient endormis l’un contre l’autre, protégés par leur duvet d’un froid pas si terrible, dans une envie de faire bloc eux aussi. Léa s’était réveillée en pleine nuit, elle ne savait pas pourquoi, et avait écouté de toutes ses oreilles ces bruits mystérieux qui semblaient suinter de la glace. Jamais elle n’avait connu aussi délicieuse insomnie… jusqu’à ce que Nicolas, dans son sommeil, s’agite et prononce un prénom de femme qui n’était pas le sien.
Le souvenir le plus trouble, puisqu’on est dans le clair-obscur, c’est sa première nuit à l’internat. Tous les ados de la petite ville où elle vivait alors y passaient, trop éloignés de l’unique lycée de la région pour envisager un aller-retour quotidien. Le bâtiment, dont l’architecture austère pouvait évoquer une caserne, avait tenu ses plus sombres promesses. Séparée de Coline, l’amie préférée, Léa y avait connu cette sensation d’être seule au milieu du groupe, les questionnements, les doutes, les larmes au long de nuits interminables qui seraient toutes, ou presque, au diapason de la première. Aujourd’hui encore, dans cette chambre de Lérida, elle revoit le petit lit, l’armoire en bois, elle peut presque sentir la gifle de l’eau tiède des douches collectives, les fragrances mélangées de savons bon marché, de parfums et de dentifrice.
Sa chute sur le carrelage, le premier matin, avait déclenché l’hilarité générale, marquant le début de trois années qu’elle n’avait jamais réussi à effacer complètement de sa mémoire, comme ces traces sur le ciment qui résistent au plus décapant des lavages.
Le souvenir le plus poisseux vient juste après, dans un désordre sans hiérarchie ni chronologie, mais d’une implacable logique. Cette réminiscence dont elle ne veut pas, mais dont, là encore, elle gardera à vie dans sa chair l’invisible cicatrice. Comment oublier sa première fois ?
C’est le souvenir le moins charnel, alors qu’il devrait être tout le contraire. Cet après-midi d’août, à l’abri d’une tente à l’odeur de pluie. Ce désir absent, ce garçon pressé, son corps contre le sien, dans le sien, la peur, la douleur. Son cri à lui, ses larmes à elle. Alors, c’était ça, faire l’amour ?
Vite, souvenir suivant. Quelque chose de doux.
De doux comme Fleur, forcément.
C’est le souvenir le plus fort. La première nuit à la maternité, après une journée sans trêve au terme de laquelle, à 21 heures, Fleur est née, petit miracle de chair et de sang, minuscule phénomène à l’irréelle perfection. Sa fille.
Après l’euphorie, les larmes de joie et des instants flous où toutes les émotions fusionnaient, Léa s’est réveillée dans la chambre sans berceau – la petite, encore trop fragile, était en couveuse –, paniquée par le poids de cette responsabilité qu’elle porterait à jamais, écrasée par l’impression d’avoir pris perpète, de ne plus jamais pouvoir connaître l’insouciance, submergée par cet amour inconditionnel qu’elle sentait éclore de semaine en semaine depuis ces neuf mois, mais dont, le jour d’avant, elle n’imaginait pas le quart de la puissance. Cet amour qui va désormais tisser leur quotidien, à Nicolas et elle. Fleur, sa petite merveille, 14 ans dans dix jours, précédant Tom, qui arrivera deux ans plus tard.
Tout aurait pu être si parfait. Mais Nicolas n’était pas homme à se satisfaire d’une seule vie. Il lui fallait des aventures parallèles, des frissons secrets, qu’une imprudence aura fini par dévoiler. Il lui a dit que ça n’était arrivé qu’une fois, mais Léa sait qu’il ment.
Le dernier souvenir, tellement proche qu’on peut à peine lui donner ce nom, arrive à son insu. C’est celui sur lequel Léa s’endort enfin. Le souvenir le plus excitant. Celui d’un homme aux mains douces, aux cheveux rouges et au regard tilleul.
Quand Léa se réveille, encore tout ensommeillée, elle se demande où elle est avant de reconnaître les visages grimaçants sur la toile de Goya, si proches qu’elle pourrait presque en sentir le souffle éthéré. Dehors, il fait grand jour et le rideau laisse passer la lumière. Léa entend les bruits des voitures, la vie qui palpite, juste à côté. Elle sent l’odeur des draps un peu rêches, chasse un moustique, sort son téléphone. Elle cherche les horaires des prochains départs pour Saragosse, mais le cœur n’y est pas.
Bien sûr qu’elle veut partir, quitter Lérida, poursuivre son périple après cette escale inopinée, mais elle n’arrive pas à se concentrer, encore chahutée par tous les souvenirs de la nuit. C’est comme si elle s’était repassé le film de sa vie, ou des bribes, dans le désordre. Elle s’interroge encore plus sur le sens de sa quête, sur ce qu’elle attend vraiment de ce voyage. Une acceptation du mal-être de son couple ? Un refus de ce « moment d’égarement » comme il dit, qui lui donnera la force de reprendre l’avantage ? Une envie de changement ? De pardon ?
Ou juste la possibilité de tout oublier pour s’offrir une parenthèse rien qu’à elle, loin des turpitudes du quotidien. De franchir des barrières. De tutoyer l’interdit. Le risque. Le plaisir.
Léa regarde sa montre : 8 h 30, il est encore tôt. Elle se lève, ôte le vieux pyjama bleu pour enfiler un tee-shirt sans manches, qui lui arrive à mi-cuisses.
Elle décroche l’antique téléphone blanc fixé au mur, appelle la réception et commande un petit déjeuner au lit, si c’est encore possible. « C’est possible », répond la voix, reconnaissable entre toutes. Il va lui monter ça dans quinze minutes.
Elle s’étire longuement, savoure chaque seconde, soupire d’aise, fière de ce qu’elle s’apprête à faire, pour la toute première fois. Ou alors elle ne fera rien, mais ça aurait pu… Et ce souvenir-là l’aidera à prendre la bonne décision.
Mais déjà, on toque à la porte.
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PUBLICATIONS DES PARTICIPANTS
J’ai fréquenté durant plusieurs années les ateliers d’écriture Sous les Toits de Cécile et Philippe, que je viens de retrouver en novembre avec Les Petits Papiers. Depuis la pandémie, je me suis lancée un peu plus « sérieusement » dans l’écriture et mené certains projets à bien. Après « le Fils de l’autre », que j’ai déjà présenté sur ce blog, « Avenue du Père-Lachaise » est mon deuxième roman. Il est né de ce qui devait, au départ, être un recueil de nouvelles. Celles-ci étaient souvent liées les unes aux autres en une sorte de « suite », je les ai remaniées pour en faire cet OLNI (objet littéraire non identifié), qui a trouvé son éditrice, les Editions Marie Romaine, https://www.editionsmarieromaine.fr/. Ce roman choral est sorti en janvier 2024. En voici le pitchDeux femmes, trois hommes, un lieu : le cimetière du Père-Lachaise, à Paris. Au fil de ce roman, des vies se télescopent, des destins se lient, des êtres se trouvent ou se séparent. Les personnages rebondissent d’un chapitre à l’autre, tous réunis dans cette mystérieuse nécropole par l’absence, le manque, le deuil, l’espoir d’une renaissance. Si la mort a un jour croisé leur chemin et redessiné leur parcours, sa présence n’arrive jamais à obscurcir cette valse mi-joyeuse, mi-tragique, au terme de laquelle l’un d’eux va disparaître.Et le lien pour découvrir le livre : https://www.editionsmarieromaine.fr/product-page/avenue-du-p%C3%A8re-lachaise-monique-blond Merci pour votre lecture !
La danse du papillon provient d’un texte court produit pendant un atelier d’écriture que j’avais suivi il y a une trentaine d’années. Par la suite, j’ai repris cet écrit à plusieurs reprises, tout en rédigeant d’autres textes sans rapport avec cette ébauche. C’est plus tard que, disposant de temps et de disponibilité d’esprit, j’ai ressorti de mon ordinateur les brouillons successifs du petit texte initial pour travailler encore et encore une histoire dont je ne savais pas très bien où elle allait. Et petit à petit, quelque chose a commencé à prendre forme, qui s’était éloigné du tout premier texte d’atelier, qui puisait aussi dans d’autres textes moins anciens et se nourrissait de fragments nouveaux, parmi lesquels des ébauches écrites pendant des séances de l’Atelier sous les toits. Le soir, des personnages s’invitaient dans mes rêveries, rechignant parfois contre ce que je venais de leur faire faire ou contre le prénom que je leur avais donné, formant petit à petit l’histoire à ma place. Je griffonnais quelques notes et le lendemain, j’essayais de traduire ces notes en écriture… essais parfois fructueux, pas toujours ! Parvenir à la forme aboutie de La danse du papillon m’a pris plus de six ans. Si je reviens sur ce travail d’écriture, je peux distinguer plusieurs aspects. D’abord, le travail de la phrase : portée à écrire de longues phrases pleines de digressions et d’incises dans tous les sens, j’ai dû énormément les retravailler. Pendant plusieurs années, j’écrivais chaque jour un ou deux paragraphes, ou seulement deux ou trois lignes, et je les raturais et les réécrivais indéfiniment les jours suivants en me disant que c’était nul, et moi avec. L’écriture de La danse du papillon m’a servi d’exercice d’écriture mais aussi, en étant aussi quotidiennement présente, m’a coupée d’autres formes, comme par exemple la forme poétique dont je me suis éloignée à regret. Ensuite le travail de la structure : comment organiser l’histoire, présenter les évènements, ménager un certain suspens. Longtemps, le récit n’avait aucune structure, probablement aussi parce que les grandes lignes de l’histoire n’étaient pas encore clairement définies. Puis, quelque chose a « pris » et la structure est apparue. Evidemment, je n’avais pas fait de frise chronologique et mes personnages apparaissaient n’importe quand, à rebrousse-temps : pourquoi pas, en théorie, un récit temporellement déstructuré, mais cela ne se prêtait pas à l’histoire que je voulais raconter. Je me suis donc emmêlé les pinceaux jusqu’à ce que ça tienne à peu près et que je déclare la structure achevée. Désireuse d’en finir, je n’ai pas écouté la petite voix intérieure qui tentait de me dire qu’en fait la structure était bancale. Cécile, à qui j’ai confié la relecture de la première version de ce récit dans le cadre de l’Atelier Face à Face, m’en a aussitôt fait la remarque. Il a fallu me remettre à la tâche, couper, tailler et retailler et m’apercevoir qu’avec la nouvelle combinaison, ça ne collait plus, des évènements se produisent dans le mauvais sens, des gens mouraient avant d’être nés etc…. Finalement, ça c’est fait, en quelques mois. La manuscrit terminé, j’en ai éprouvé à la fois de la joie et de la légèreté. Je n’avais pas l’idée que cet écrit puisse être publié. Je l’ai offert à mes proches en format A4 et c’est de mon entourage qu’est venu l’encouragement à chercher un éditeur… J’ai mis du temps à faire la démarche, je ne me sentais pas légitime et je me demandais ce qu’un bouquin de plus viendrait ajouter à des masses et des masses de livres publiés chaque semaine…. Nombreux ont été les refus implicites (pas de réponse sous 4 mois signifie un refus) et les refus par courrier, certains assortis de commentaires encourageants, jusqu’à ce que les éditions de l’Harmattan acceptent de le publier. Je continue à me demander si publier est une fin en soi : ce qui a compté le plus, c’est d’avoir écrit. Mais maintenant, je ne peux plus faire abstraction du fait que ce livre est publié et c’est vrai que savoir son texte lu par d’autres yeux, d’autres oreilles, par des âmes éloignées que l’on ne connaît pas, et parfois en recevoir un témoignage, c’est tellement fort ! D’une certaine façon, on en fait l’expérience à une autre échelle en atelier d’écriture ou dans le blog de l’Atelier : le partage de ce que l’on a écrit, le retour des lecteurs ou des auditeurs (selon la forme de l’atelier) est une expérience du risque, de la remise en question mais aussi du partage et de la joie. La danse du papillon se commande dans toutes les librairies, sur les sites de vente en ligne et sur le site des éditions de l’Harmattan : https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_danse_du_papillon_aliette_zumthor_sallee-9782140294846-74491.html
Tout est parti d’un courrier de lecteur, découvert en septembre 2019 : un professeur de physique-chimie reconnaît, dans sa classe, le fils de son ancien harceleur, qui ressemble trait pour trait à son père. Il s’inquiète auprès de la psychologue de sa réaction possible envers cet élève : ne sera-t-il pas tenté de lui faire payer les persécutions du père, même inconsciemment ? La thérapeute lui répond, entre autres choses, qu’il y a là matière à écrire un roman ! Le samedi, à l’atelier Petits Papiers, chez Cécile et Philippe, je choisis d’écrire un texte inspiré de cette histoire, au gré des fameux « petits papiers ». Les retours plutôt positifs m’encouragent à peaufiner à la maison ma nouvelle Le Portrait de son père, que j’envoie à trois ou quatre revues. L’envie d’aller plus loin ne me quitte pas et je m’inscris à un atelier Premier Roman (en formation pro), pour transformer la nouvelle en roman. En avril 2020, la revue Brèves m’appelle pour m’informer qu’elle souhaite publier Le Portrait de son père dans son numéro 116 (collectif « Jeunesse »). Cela renforce encore ma motivation pour le roman, dont j’achève le premier jet en juin. Je poursuis la réécriture les mois suivants. En plus des retours obtenus en atelier, je fais « diagnostiquer » mon texte en janvier 2021 par un site professionnel, puis, après l’avoir remanié, je commence à envoyer mon manuscrit à des éditeurs en septembre 2021, assorti d’une lettre de présentation longuement travaillée, d’un synopsis, etc. Je continue mes envois jusqu’en mars 2022. Sur la quarantaine d’éditeurs contactés, j’obtiendrai six réponses, toutes négatives, mais parfois encourageantes (quand même !). Enfin, en avril 2022, un éditeur (IGB) me téléphone : il a aimé mon roman, mais attend d’avoir l’avis de son comité de lecture et de son associée pour me donner un accord définitif. La même semaine (!), les Editions Il est Midi me contactent à leur tour pour me proposer directement un contrat. C’est avec eux que je signe, en juin 2022. Mon roman, le Fils de l’autre, sort le 10 octobre. L’expérience a été intéressante, même si le livre n’est vendu que sur commande (en librairie, à la Fnac, chez Amazon et sur tous les sites marchands), donc peu visible. Par ailleurs, Il est Midi n’organise pas de dédicaces et ne participe pas à des salons. Enfin, je n’ai jamais rencontré mes éditeurs, nous n’avons échangé que par mail et au téléphone. J’ai donc réalisé moi-même mon dossier de presse et obtenu deux chroniques (sur Femina.fr et Télé-7-Jours) et deux interviews. Un club de lecture, à Pierrefonds, m’a également invitée à une journée de présentation, et je me suis inscrite à deux salons en 2023 (réponse en attente). L’aventure continue, sans bruit, mais c’est formateur… Encore merci à Cécile et Philippe, dont l’atelier Petits Papiers m’a permis de poser les jalons de mon projet. Je leur ai même volé une très jolie phrase, tirée au hasard des « petits papiers » et que j’ai gardée dans le roman, bien évidemment ! Monique Coant-Blond Pour en savoir plus sur le livre, n’hésitez pas à aller sur mes pages Facebook https://www.facebook.com/profile.php?id=100082078084319 et Instagram https://www.instagram.com/emsie_blond/?hl=fr ou, pourquoi pas, sur le site de l’éditeur https://editions-il-est-midi.eproshopping.fr/1740324-LE-FILS-DE-L-AUTRE-Monique-Coant-Blond
LIVRES AIMÉS
J’ai aimé l’atmosphère; j’ai souri ; j’ai admiré le style; j’ai râlé de frustration lorsque je découvrais les personnages petit à petit et non bien campés en début de livre ; j’ai frémi devant le suspens de l’histoire et des personnages; je me suis laissée bercer par l’ambivalence constante entre rêve et réalité; j’ai été touchée quand j’ai enfin compris les visites d’amitié et de souvenirs de ce groupe hétéroclite et j’ai même versé une larme en refermant le livre.
En passant dans le rayons BD (au RDC, pour les grands, pas au 3e chez les enfants) d’une médiathèque, je me suis arrêtée sur Profession du père, de Sébastien Gnaedig. C’est une adaptation du roman de Sorj Chalandon. Je vous le dis tout de suite : je n’ai pas lu la version sans images. Mais la version adaptée a renforcé l’envie de la découvrir, même si je peux m’attendre à une violence accrue. En noir et blanc, en quelques dessins, l’intensité est présente. La dérive d’une homme dans une période sombre de l’histoire de France. « Les événements » dans nos livres d’histoire, pour ne pas dire « la guerre » d’Algérie. Je ne sais pas ce qu’en pensent celles et ceux qui ont lu S. Chalandon. Cette adaptation est une introduction, une ouverture. Profession du père est publié aux éditions Futuropolis en 2018.
Le point de départ de l’auteure est que nous avons été, ou serons, toutes et tous un jour confrontés à la mort de notre mère. La narratrice, journaliste célibataire de 31 ans, décrit ce qui l’oppose à sa sœur, mariée, 2 enfants. Leur mère meurt brutalement. Assassinée. Le lecteur suit avec la narratrice l’enquête, les arrangements pour vider la maison, ce que deviennent les relations familiales et sociales lorsque l’on perd sa mère aussi dramatiquement. Des secrets vont au fil des pages transformer des vérités jusqu’ici bien établies. Il y a beaucoup d’humour dans ces pages. Et des rebondissements. Le récit m’a parlé, souvent. Mère disparue est paru en 2007, édité par les éditions Philippe Rey.
Trois livres en forme de trilogie de Deborah Levy, auteure sud-africaine vivant en Grande-Bretagne : Le goût de la vie, Ce que je ne veux pas savoir et Etat des lieux. Les ouvrages sont traduits par Céline Leroy. Une écriture très ancrée dans la vie, mais en même temps très subtile, où l’auteure à la fois s’interroge sur la présence du passé dans le présent, et très souvent décale notre regard sur des évènements très simples et quotidiens pour en dégager un aspect neuf. Elle y excelle lorsqu’elle questionne, sans verser dans la démonstration, les rapports de genre, son travail d’écrivaine, ses rêves non réalisés. Elle est souvent drôle, légère et toujours intéressante. Merci à la traduction excellente.
Le cercle des menteurs ou Contes Philosophiques du monde entier rapportés par Jean-Claude Carrière. Habituellement, le terme de « contes philosophiques » me donne envie de rebrousser chemin car c’est un genre dont le ton appuyé, l’intention de donner des leçons produit souvent des textes ennuyeux et « voulus » (ce n’est que mon avis !). Ici, c’est tout le contraire : histoires courtes, du conte à la blague, racontées avec le brio qu’a Jean-Claude Carrière pour s’exprimer. Si l’on connait sa voix, on a l’impression en lisant qu’il est présent et qu’il conte à haute voix. Le premier comme le deuxième tome sont des régals. (en photo le deuxième tome)
Un texte très court (78 pages) sur la maladie contractée à son travail par le père du narrateur. Ce que j’ai aimé dans cette écriture, c’est que sous l’apparente pauvreté émotionnelle du texte, l’auteur, en nous livrant la stricte description des faits et gestes des protagonistes, sans à aucun moment ne juger quiconque, nous laisse toute la place pour mobiliser notre propre émotion et penser par nous-mêmes.
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