Boire permet de douter

Mourir sur scène c’est jouer un mauvais tour. Un sale tour. Mais Molière y avait-il seulement pensé le 17 février 1673 ? Inutile de tergiverser pour Dalida il n’y a aucun doute : ce qui compte pour elle, en 1983, ce qu’elle chante, c’est justement sa volonté de mourir sur scène. Elle se suicide quatre ans plus tard, le 3 mai 1987. Le futile rejoint la gravité. Un tel acte échappe au raisonnement cartésien. D’ailleurs Descates n’est pas mort  en chantant « Cogito ergo sum » le 11 février 1650. Pourtant j’aurais aimé Je pense donc JE CHANTE bien que la chanson de Charles Trenet, « Je chante » (1937), se termine, elle aussi, par un suicide : « Je chante » mais c’est parce que moi, le chanteur, le vagabond, je me suis pendu cette nuit avec une ficelle (« Ficelle, sois donc bénie, tu m’as sauvé de la vie… un fantôme qui chante on trouve ça rigolo »).
Le tout petit (le surnommé Gavroche d’Hugo, 1862) meurt en chantant sur les barricades.
Ce n’est pas une rupture de caténaire que subiront les voyageurs du « Petit train » des Rita Mitsuko (1989) mais la gare d’arrivée, Auschwitz.
Ce n’est pas non plus une rupture d’anévrisme qui tue « Le Poinçonneur des Lilas » (1958) mais une balle dans la tête.
Qu’est-ce qui me prend, en décembre 2012, à énumérer ainsi toute une série de morts en musique ? Peut-être le refus de me recroqueviller sur moi-même. De broder sur la trame de ma vie dejà pleine de morts elle aussi. Je ne sais pas. Un cri dans le silence. Soudain, je boirais bien un alcool fort. Boire permet de douter.

 

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