Pensées

Aimer ou penser ? Evidemment que tout le monde ne se pose pas la question. Lui pense. Il pense qu’il aime penser, mais que pourtant il faut savoir choisir par moments. Et choisir, c’est exclure. Alors aimer ou penser ?
Il aimerait panser cette plaie qui s’ouvre et prend toute la place ; cette plaie qu’est la pensée. « Cogito ergo sum ; mais pas Cogito ergo j’aime ! Et le penseur de Rodin reste bien de marbre lui ? », aime-t-il à rappeler, pour justifier cette dichotomie qui le traverse.
Mais s’il pense trop, pensera-t-il à aimer ? Et s’il pense qu’il faut qu’il aime, aime-t-il vraiment ? A ce stade de ses réflexions auxquelles il s’aimantait chaque jour, il se levait généralement et changeait de rythme corporel, comme pour se débarrasser de ses pensées. Puis il se mettait à sourire tout seul, se gratter la tête, et à sifflotter : « Inutile de tergiverser, il faut chanter maintenant », se disait-il. Il se demandait d’où venait ce tout petit air entraînant, et se rappelait l’humeur joyeuse et chantante de son amante. Régulièrement, il se dirigeait chez un fleuriste, pour faire plaisir à sa compagne : « Un bouquet de pensées s’il-vous-plaît ». Ce qui le replongeait inlassablement dans les siennes. Il se disait souvent que les physiciens étaient des imbéciles, puisque lui était la preuve vivante de l’existence du mouvement perpétuel. Cette idée le plongeait dans une angoisse métaphysique : « quelle est l’origine ? Le chaos ? ». Plutôt que de crier dans le silence de son interrogatoire, il décidait à nouveau d’agir. Il avait alors l’entrain du nageur qui plonge, ouvrant les bras à cette eau purifiante et chaleureuse. Il organisait notamment des soirées amicales et alcoolisées, car l’alcool lui permettait de ne pas douter. Surtout le lendemain, sûr de son mal de crâne, et de ses résolutions de sobriété future.
Le temps s’écoulait ainsi, en pensées, et en aimant cette vie.

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