« Regarde devant toi » lui disait sa mère quand elle lui apprenait à faire du vélo sur un parking le long du canal du Loing. Et quand on allait trop vite maman nous sortait une vieille expression « Non pas ventre à terre ! »
« Ventre à terre« , on se moquait toujours de sa mère à ce propos… On ignorait d’où elle venait.
La cousine parisienne de mon père, Diane, femme assez huppée qui avait fait un très « beau » mariage, se moquait toujours de ma mère, de son côté paysan, terrien, gentillement il faut bien dire.
Diane, qui habitait un magnifique appartement du 6è arrondissement avec une vue imprenable sur l’Observatoire.
J’étais souvent invitée chez Diane. Tout était si beau et si travaillé chez elle. Tapisseries fragiles, mobilier ancien et précieux, cuisine high tech, salle de bain en marbre. A chaque fois je me sentais un peu gauche dans cet univers. Il y avait toujours de la nourriture exotique. Toute la vaisselle était en porcelaine blanche, il y avait aussi un frigo américain qui produisait des glaçons instantannèment, ça m’impressionnait beaucoup. Tout paraissait luxe, calme et volupté.
On allait voir des musées, puis on allait au resto, ah ça c’était un événement d’aller au restaurant. On n’y allait presque jamais avec mes parents, question de principe aussi. Et nous étions trop nombreux, une fratrie de cinq enfants, pensez donc.
La cousine de mon père avait aussi toujours de beaux vêtements, je me souviens de son trench Burberry dont elle avait fait grand cas.
Et elle avait toujours de la conversation, elle pouvait parler de tout avec aisance, je l’admirais. Ma mère, assez timide, parlait peu et avait toujours peur de dire des bêtises.
Mon père aussi admirait sa cousine. Je crois qu’ils avaient été amoureux plus jeunes. Je le sentais. Et je sentais le malaise indicible de ma mère, ma mère qui se pliait toujours en quatre quand Diane venait avec sa famile nous voir dans notre maison en pleine campagne solognote. Et quand les enfants de Diane venaient seuls passer les vacances scolaires chez nous. Je me souviens qu’ils venaient avec plaisir, ravis qu’ils étaient d’avoir autant d’espace, de nature et de liberté.
Après leur séjour Diane envoyait toujours une lettre dite de « chateau » comme disait ma mère, pour remercier. C’était toujours une lettre assez emphatique, ce qui avait l’art d’horripiler ma mère. Elle me faisait comprendre par ses soupirs que ce n’était que pure convenance. Je crois qu’elle se sentait méprisée.
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