Le chat et le cerf

Le chat roux, nommé Lisbonne, parcourut 1000 bornes et s’arrêta net. Il avait rempli son contrat, compté les kilomètres, il en avait plein les pattes. C’est en lisière de forêt que sa folle échappée prit fin. Il regarda tout autour de lui. Du vert, du vert, du vert. Lui qui avait suivi les rivages les plus sauvages, connu le cagnard le plus écrasant, il sentit comme un grand courant de fraîcheur lui couvrir le poil. Il huma l’humus, tapota la terre boueuse, gratta le liège sur le tronc des chênes qui se présentaient à lui. Dans les feuilles sèches et épaisses tombées au sol, il se fit un siège confortable. Ce sage repos lui parut bon. Bientôt, pourtant, il ressentit la faim lui tirailler l’estomac. Toujours blotti contre les feuilles aussi rousses que lui, il se demanda comment sortir de cette douce cache. Il regarda les rayons du soleil luire sur les branches, entendit un cerf qui s’avançait vers lui. Il ne pensa pas à se sauver. Sans hésitation, au contraire, le chat se mit sur ses pattes et se présenta au roi de la forêt :

–       Je m’appelle Lisbonne, j’ai marché 1000 bornes et je cherche à me nourrir.

–       Ah oui, lui dit le cerf. Moi, je ne te dirai pas mon nom, je tairai mes exploits, et je n’ai rien non plus dans l’estomac.

Le chat ne répondit pas. Il se gratta la tête et agita ses fines moustaches.

–       Et pourquoi tiens-tu à taire tes exploits ?

–       Parce que je ne suis pas comme toi.

Le chat baissa les yeux, blessé. D’un coup, il se défendit :

–       Mais je suis fier d’avoir marché 1000 bornes, quel mal à ça ?

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2 réponses à Le chat et le cerf

  1. Thierry dit :

    Eh bien !! c’est magnifique, ma chère Cécile. Énigmatique !!! un peu, mais c’est beau cette interrogation.
    Ce n’est pas un texte de notre dernière fois ?

  2. Cécile C dit :

    Enigmatique, oui, je trouve aussi. Cette interrogation est venue toute seule, au bout de mon stylo, et finalement m’a intéressée. Qui est le modeste, qui est le fier dans cette fable ? Ce texte a été écrit à l’atelier suivant, celui du 21 septembre…

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