Giulio

C’était dans les années soixante. Une fin d’après – midi du mois d’aout . Fenêtres ouvertes en courant d’air, rue- jardin, est- ouest. Rideaux palpitants imperceptiblement au moindre souffle d’air. Une chaleur sèche et vibrante. Dans la maison aucun bruit, aucune parole échangée. Et puis soudain une moto freine côté rue et s’arrête Net au ras de la fenêtre. Un grand brun au sourire éclatant en descend, ôte son casque, enjambe la fenêtre et saute dans le salon. Nous poussons un cri, il prononce quelques phrases mêlant français et ce que nous pensons être de l’italien. On ne comprend pas tout, on comprend « amore ». Devant notre air sans doute ahuri il répète lentement: » l’amour m’a amené dans votre famille, je suis votre cousin ». C’est ainsi que nous avons fait la connaissance de Giulio Sibilli qui venait d’épouser une lointaine cousine. Avec ses parents il avait quitté, quelques années auparavant son Haut-Adige natal. Ils avaient échangé leurs montagnes escarpées contre l’eau douce de la Seine. Ils espéraient une vie meilleure, c’était peut-être un leurre absolu. Dans notre famille il y avait bien quelques rumeurs, le père de cette cousine s’était Opposé de toutes ses forces au mariage avec cet Italien grandiloquent. Mais si beau! Nous les filles de quatorze, quinze ans nous avons pour de longues années associé l’amore avec ce grand garçon, juste un peu plus âgé que nous, si cajoleur, si enjôleur. Comme on comprenait cette cousine d’avoir tenu bon! Giulio était dans nos conversations, et sans doute aussi dans nos rêves. Tous les étés nous le ramenaient. Pour lui, ma soeur et mo avons longtemps gardé le cœur battant de nos quinze ans et puis les années ont passe . Un autre mois d’août nous sommes allés à la plage, toute la grande famille réunie et Giulio s’est mis en caleçon de bain. Absolument ébahies nous avons constaté qu’il était couvert, sur la poitrine mais surtout dans le dos d’une épaisse toison noire, du jamais vu chez les autres membres de la famille. Quel fou rire en cachette. Que de plaisanteries nous avons échangées à ce sujet par la suite » avec la cruauté des jeunes années nous l’appelions en secret notre joli petit gorille, Giulio, el gorillo.

c’est ainsi qu’on grandit et qu’on apprend la relativité…..

Ce contenu a été publié dans Atelier Buissonnier. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire