« Fêter ça ! »

« Allez viens Judith, viens je t’emmène ! On va passer une pure soirée ! »
Judith jeta un coup de regard furtif à sa montre. Il était 11 heures du matin.
Augustin insista de plus belle, la voix enjouée.
« Allez Judith, go ! », et il se mit à accélérer le pas comme un automate pressé, tout en sachant pertinemment qu’elle finirait par le suivre.
Elle le suivait toujours.
Il avait l’art et la manière de lui retirer tout libre-arbitre, de plonger son envie de refuser dans l’écume du lave-vaisselle de ses pensées.
« Mais Augustin, je travaille aujourd’hui. Demain aussi d’ailleurs je crois. »
« Ca n’est pas un prétexte. Surtout si tu y vas déjà demain. Ce n’est pas urgent du coup », répondit-il avec aplomb.
Judith demeura en silence et pensive un instant.
Augustin la scruta intensément avec ses yeux d’or mielleux et lui dit : « Allez, viens quoi ! Le troquet n’est vraiment pas loin, la porte à côté, à 3 minutes à pieds seulement de la rue Saint Maur ! En plus, il faut fêter ça ! »

« Fêter ça ? Fêter quoi ? »
« Ben, ça ! Nous, toi, moi, je sais pas, la vie quoi ! Du matin au soir et du soir au matin, nous nous devons de fêter ça ! » Augustin reprit : « Il y a toujours quelque chose à fêter tu sais, dans la vie pas besoin de motif officiel pour s’amuser non ? Tu ne vas pas faire l’autruche, dis, en plus ils ont une nouvelle recette de kir cassis qui devrait te plaire, c’est certain. »

Judith connaissait ce refrain par cœur. Son bel Augustin était ainsi. Mais elle aussi. Ils s’entrainaient tous deux dans cette fuite en arrière depuis des années déjà. La sombre réalité était là : sans liqueur dans leurs veines, leurs existences leur semblaient bien vaine. Ainsi, sans grande surprise, Judith se retourna vers Augustin qui commençait à s’impatienter. Au loin, un panneau publicitaire affichait une grande bière d’abbaye ce qui lui donna grand soif. Elle sauta sur les épaules d’Augustin qui se mit à rire aux éclats et ne put s’empêcher de lui dire : « Haha, sacrée toi ! Chaque jour, tu me fais le même cinéma. Allez…viens ! On va fêter ça ! »

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