Si j’étais…

Et si tu étais un objet, lequel serais-tu ? Pourquoi me demande-t-il cela ? C’est bizarre comme question. Je n’ai pas souvenir de me l’être déjà posée. Si j’étais une fleur oui, ça je me le suis déjà demandé. Si j’étais un écrivain aussi. Ou un sentiment. Ou une couleur. Ces questions me ramènent à l’enfance. Quand on jouait à être une princesse, une fée, un pirate, un cowboy et que les heures filaient à développer ces personnages, les mettre en scène, inventer un scénario. On est un peu comme un réalisateur de films, en fait, quand on est enfant. Pour notre plus grand bonheur, enfin pour le mien du moins, certains sont restés des enfants et font des films.

Finalement, l’objet que j’aimerais être, c’est une caméra. Comme elle, je raconterais des histoires, je ferais rêver les gens, leur offrirais de vivre d’autres vies, de vivre et partager des émotions. A travers son oeil, je verrais les choses différemment. Je modifierais la réalité, je ferais en sorte que les histoires les plus tristes se terminent bien. La caméra comme un oeil, l’oeil d’une personne qui imagine, invente, peut se cacher aussi derrière, qui a observé les autres et leur vie. Une retranscription d’émotions emmagasinées, offertes aux autres. Et ainsi, permettre à quelqu’un de rester une enfant. Et aux personnes qui voient les films de retrouver leur âme d’enfant ou de s’identifier aux personnages correspondant à leur vie d’adulte. Une caméra qui filmerait le fichu orange sur les cheveux blancs de la vieille dame, là-bas, assise sur son banc. A quoi pense-t-elle ? Vit-elle dans le passé, son passé ? Sa vie maintenant derrière elle. Les jours s’en vont, et c’est universel. Cette caméra pourrait également filmer une course, un marathon. Les visages déterminés ou inquiets au départ. La couleur vive ou non des maillots, les muscles prêts à entrer en action. Ces corps différents, plus ou moins grands, plus ou moins minces. Dans les yeux de certains on peut lire « aujourd’hui, je vais monter sur le podium ». Et c’est le départ. Chacun à son rythme, chacun avec son niveau, chacun avec son objectif. Les amateurs derrière les professionnels. Et ils avalent les kilomètres. Certains se font d’ailleurs avaler par eux. Les visages rougissent, les muscles sont douloureux, les points de ravitaillement les bienvenus. Car il en faut de l’énergie. La caméra tourne, fait des travellings, scrute les visages et montre les corps, souffrants mais heureux d’être là. Repousser ses limites, aller plus loin. Allez courage, s’il n’en reste qu’un ce sera toi. Se retrouver sur la ligne d’arrivée. C’est parfois, un peu mou du genou. Allez, un verre d’eau, un fruit sec et ça repart.

Le film animalier est très prisé aussi. Le vie des insectes, des ours, tout est possible. Mais où trouver des grenouilles. Que connaît-on d’elles ? La caméra parle-t-elle comme les mots ? Peut-on exprimer les mêmes choses ? peut-être différemment. Etre avec soi-même, savoir ce qu’il nous reste quand tout est dit. Laisser parler les textes, les laisser nous parler, nous émouvoir, nous surprendre, nous bousculer. Bousculer notre pensée, parfois toute faite. Bousculer nos émotions, lorsque nous nous retrouvons surpris par elles, ne sachant pas d’où elles surviennent. Apprendre des choses sur soi et sur les autres. Reconnaître ce qui nous apparaît beau. Rester pantois devant un geste, une parole. S’enrichir de tous ces moments et savoir que l’on les a vécus, que rien ne pourra nous les reprendre. Savoir que les années passées ne reviendront plus, que celles devant nous sont de moins en moins nombreuses. Qu’essayer d’en faire quelque chose est parfois uniquement ce qui nous reste. Mais, pour autant, vivre pleinement le moment. Un film, un livre, agir, écrire. Que restera-t-il de tout ça ? Oui, si j’étais un objet, j’aimerais être une caméra ou un stylo, pour écrire ou réécrire la vie.

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