Je me souviens du grand saule.

« Objets inanimés avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme & la force d’aimer » me dit Lamartine, poète ami de mon enfance, de ma famille ; et s’il me revient, aujourd’hui, le souvenir vivant de ces vers, c’est que, au bout de notre lac, se trouve un saule que le poète à bien connu, tant ces arbres savent vivre longtemps. J’en ai maintenant la responsabilité.

En effet, comme tous les arbres, il a grandit & prospérer au point d’envahir une trop grande partie du plan d’eau : faisant de l’ombre aux jeunes alevins de carpes. Il pleure à en précipiter sa noble ramure jusqu’à l’onde sombre ou verte.

Je devrais m’en séparer, me dit-on depuis longtemps. Les grands arbres doivent laisser la place aux jeunes pousses. Je ne parviens pas à me décider, même si j’en comprends les raisons. Ce saule a connu non seulement le poète, mais, & c’est beaucoup plus fort pour moi, il a connu notre enfance, la mienne & celle de mes frères & sœur. Celle de mon père aussi.

Les rayons du soleil ont des années durant joué à cache-cache dans ses branches touffues ou aérées. Le vent d’avant l’orage de fin d’été venait faire éclater milles reflets argentés sur ses feuilles.

Les jours de grand chagrin, nous savions trouver en son pied un abris, un refuge.

Je me souviens y avoir conduit, non sans émotion, sous différents prétextes, de jeunes amies auxquelles, n’osant leur parler d’elles-même ou de moi, je leur racontais très sérieusement, tout en cherchant leurs mains, les histoires du saule de Lamartine.

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