Solitude

Ce jour-là, il s’est levé à l’aube. Une brume bleue s’accrochait à la cime des arbres. La rosée avait gelé sur la couverture qui l’abritait. Il la secoua avec énergie et la plia grossièrement, sachant qu’à l’heure la plus chaude il l’étendrait au sol pour achever de la sécher. Il avait eu vent des massacres au Sud du pays et marchait, depuis, droit vers le Nord. Il attendait de se trouver au bord de la rivière qui le mènerait en territoire de paix. Il trouverait l’apaisement, poserait son sac, reposerait ses jambes. Le paysage était plat et, dans le silence éphémère, il rassembla ses forces. La soif lui avait offert une vision qui s’apparentait sans doute à une illumination. Il avait vu un sourire lui adresser quelque chose qui ressemblait à une prière. Il s’était senti élu et, ce jour-là, où toutes ses capacités à tenir debout semblaient lui échapper, ce jour-là, il avait tressailli, et, abasourdi, s’était relevé. Il n’avait pourtant croisé personne – il en avait la certitude. Parvenu au sommet d’un vallon d’herbes courtes, il observa tout autour de lui. La brume ne s’était pas dissipée et les arbres étaient plus noirs qu’une tache d’encre de Chine. Pas de soleil, juste un jour laiteux encore gorgé d’eau. La couverture humide pesait dans son dos et lui glaçait les os. Il se surprit à ployer le corps, le menton vers le ciel. Le poids dans le dos l’aida à plier encore, si bien qu’il ouvrit grand la bouche et ferma les yeux. Il implora. Implora pour que la route se termine, pour que la paix advienne. Il implora le souvenir de sa mère, l’oubli, la solitude si pleine qu’elle en était devenue insupportable. Un oiseau traversa le champ gris. Quelque chose comme un croassement déchira l’espace. Il tomba à genoux, la tête au sol et les larmes jaillirent, jaillirent, jaillirent. Combien de temps s’était-il écoulé ? L’homme se redressa. Il allait repartir. Oui, il allait repartir.

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