Gribouille

Dans mon régiment, depuis la nuit des temps, le « bleu de Prusse » dominait très largement.
Les capotes, les casoars ou shakos, les brides des équipages, les culottes, les épaulettes des cavaliers, les bretelles des cartouchières, les licols & tout le fourniment en cuir : brodequins, guêtres, selles, bottes, colliers de chevaux  … seuls la paille & le foin des écuries brillaient de pâles reflets dorés ; mais tout cela était livré dans des bâches de serge bleue.
Ce bleu nous prenait la tête. On disait même que certains de nos officiers avaient du « sang bleu ».
Un jour, ou plutôt une nuit, les hommes du bataillon s’étaient passés du cirage sur le visage. Nous partions en colonne sous la voute bleue étoilée. Je pensais au ciel de mon Auvergne natale.
Le roi, nous avait-on dit, devait constater personnellement que nous étions prêts à supporter les bleus & les bosses. Là, c’était sûr, il y en aurait encore beaucoup.
En rangs serrés, bleus de froid, nous traversions un lac, & moi, Gribouille, cheval alezan du 3ème. dragon, je n’en menais pas large, bleu parmi les bleus.

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