« Elle m’a dit de manger des amandes, cette cruche. Non mais tu sais, elle a fait genre…. « Huuuum Madame Truduchet ? Huuum, voilà, je voulais vous demander si vous mangiez des amandes? C’est très bon les amandes, c’est plein de protéines vous savez, ça va vous aider ».
Non mais attends, Christiane, je venais de lui dire que son programme minceur à la mords-moi le nœud ne m’allait pas du tout, que j’aurais trop faim, et que moi, je voulais du chocolat. DU CHOCOLAT.
Et cette petite Madame-je-sais-tout, qui m’explique que non, que même si j’ai faim, qu’il vaut mieux que je mange « six à huit amandes Madame Truduchet ». Non mais parce qu’en plus, il faut que je les compte, ces saletés de graines ! »
A ce moment là, le visage gentillet de Madame Truduchet était écarlate et, semblait-il, révélateur d’un état psychique plus que dangereusement agité.
Son amie, Christiane Dumont, était, de son côté, bien plus calme. Et il était d’ailleurs parfaitement bénéfique que le pauvre petit téléphone qui les reliait alors ne transmette pas à Madame Truduchet l’image du visage bienheureux d’une Christiane portant une dix septième cuillerée de Ben&Jerry’s à ses lèvres.
Elle répondit d’ailleurs la bouche pleine d’une sorte d’acquiescement monosyllabique destiné à ce que sa vieille amie puisse librement continuer sa diatribe, sûre d’être entendue.
Christiane Dumont ne savait pas trop pourquoi, mais n’allait pas fort aujourd’hui. Ca faisait plus d’une heure qu’elle écoutait les jérémiades d’Edith Truduchet, tout juste lancée dans son nouveau régime du moment.
A entendre la soit disant horreur que subissait cette pauvre Edith avec ses amandes, gna-gna-gna… Elle avait la tête qui tournait.
Elle avait toujours été une femme solide, qui se plaignait bien peu, et qui ne prêtait que peu d’importance à ses propres petits tracas, mais là, ça n’allait pas.
La glace ne la réconfortait pas trop non plus d’ailleurs.
Alors qu’Edith continuait de pétarader dans le combiné, elle réalisait qu’elle n’embêtait personne, elle, quand elle était soucieuse, et que, ma foi, c’était bien mieux comme ça. Souvent, elle se prenait un petit verre de vin pour se remettre, et hop, ca allait déjà bien mieux !
D’ailleurs, se dit-elle, avec le vertige que j’ai, qui sait, ça pourrait bien me remettre ! Après tout, quand je bois, je tangue toujours un peu. Ça va s’équilibrer comme ça!
C’est en revenant de la cuisine, après avoir sifflé d’un coup un grand verre de vin, que Christiane s’effondrait par terre, le téléphone à côté d’elle, gargouillant un dernier bruit, que son amie prit pour un énième acquiescement sans réserve.