En une seconde, le cerf était sur son capôt.
Une seconde, c’était d’ailleurs beaucoup dire.
A un moment la petite lucarne du pare-brise lui laissait apercevoir de grandes étendues de blé en friche et un joli petit coin de ciel bleu ; Au moment d’après, il ne voyait plus que le cerf. Les deux pattes avant dans l’habitacle, le ventre bien en face, les bois qui traînaient avec la tête au bout du cou désarticulé, sur le bas côté.
Ah si, en fait, on voyait encore un peu le ciel derrière la cuisse, en haut à gauche. Si bleu, si joli, que ça le fit sourire.
Ça devait être à cause du cirque à côté, ils avaient toujours de nouvelles attractions qui n’en finissaient pas de vous surprendre! Maintenant qu’il y pensait, il avait bien entendu parler d’un événement… une sorte fête bizarre, centrée autour de tout un arsenal de guerre qu’avaient customisé les forains. Des canons, des baïonnettes, des chars même, le tout transformé en objet festif. Les baïonnettes envoyaient des confettis, et les canons avaient une fonction spéciale pour faire voler qui voulait bien y entrer! On rentre, et pouf, projection 300 mètres plus loin!
Çà devait être ça, le cerf sur le capot.
Il se demandait si la projection d’un cerf en chair et en os revêtait un sens, ou une signification spécifique… Un animal des bois, fier, rapide… Peut-être une sorte de bénédiction?
Il réfléchit, puis finalement, se décida à aller jeter un coup d’œil.
Il prit garde, évidemment, de rouler doucement. Pour ne pas faire tomber la carcasse, somme toute désarticulée du pare-choc.
Ca allait faire grand effet quand il arriverait comme ça, en grande pompe, avec son joli trophée. Peut etre qu’il y aurait une récompense?
A cette pensée, il sourit de nouveau, et enleva distraitement la miette de blini qui le gênait au coin des lèvres. Il fallait qu’il soit présentable.