Lâcher prise

Un souffle d’air frais sur le visage. Quelques voix d’enfants, des rires, des cris. A travers ces cils, son regard cherche d’où viennent ces papotages qui franchissent les murailles de verdure, de fleurs et de ciment. Il ne pensait pas s’assoupir sur ce banc. Ça ne se fait pas de s’endormir comme cela, au milieu de nulle part, au milieu de tous. Il pensait passer cet après-midi à musarder dans les allées, à faire sa moisson d’images de fleurs, d’odeurs pour recharger ses batteries, pour chasser le sinistre de son quotidien de béton. Mais il s’était surpris lui-même, il n’en revenait pas. Il avait laissé tomber sa garde, lâcher la barre. Il eut envie de rire, la joie menaçait d’éclater sur son visage. Des fourmillements montaient dans ses jambes ; ses pieds auraient voulu danser, courir, sauter. Il retrouvait son petit garçon au fond de lui, celui qui ne voulait jamais rester assis, qui était prêt à foncer sous les fourrés pour partir à la chasse au trésor ou à grimper aux branches pour regarder plus loin. Franchement, quelle expérience ! S’il le voyait en cet instant, ses enfants et sa femme se demanderaient s’il avait bu, s’il avait pris des cachets, lui qui voulait toujours leur imposer ses règles, ses principes, ses ordres déguisés en conseil. Il sentait sa respiration plus libre, ses narines frémissaient. Une abeille tournait autour de ses mains, cherchant à se poser dans cette forêt de poils bruns. Il la regardait, espérant qu’elle finirait par trouver une plage de peau sensible qui lui permettrait de sentir le chatouillement de ses petites pattes et sa trompe explorant son épiderme. Aux fourmillements de la vie dans ses membres, succéda le relâchement, l’impression de peser une tonne, une tonne de détente.

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