Effroi prescrit

Quand elle avait décroché un rendez-vous avec ce producteur de films réputé, son entourage l’avait prévenue : pas de maquillage, pas de décolleté, pas de jupe courte, n’accepter aucun verre, même de l’eau. Elle avait bien entendu les conseils prodigués avec autant d’insistance que de discrétion, mais son excitation et sa fierté à l’idée d’être reçue par une telle célébrité lui faisaient perdre la tête. Elle ! A peine 21 ans, aucune expérience, soumettant au culot un scénario ! Elle, que l’homme qui fait et défait tout a rappelée presque aussitôt ; pas sa secrétaire, mais lui-même, disant qu’il était intéressé, qu’il souhaitait la rencontrer ! La rencontrer, elle ! La voix de dieu dans son répondeur à elle !

Sagement vêtue, son précieux scénario sous le bras, elle s’était donc rendue au rendez-vous, le soir, dans l’hôtel où il était descendu, de passage dans la ville où elle étudiait.

Elle en était là, debout devant le grand miroir de la chambre.

Lui, de trois-quarts, ses cheveux blancs coiffés en arrière, le buste large, le ventre qui déborde de la ceinture, pousse la chemise en avant.

Elle venait juste de lui tendre le scénario qu’il avait déposé sur la table sans encore l’ouvrir. Elle se tenait prête à présenter et à défendre son travail.

Puis dans un reflet du miroir elle perçut son geste rapide.

Elle se retourna

Il était sur elle, réclamait ses faveurs, la dévorant d’une bouchée

Elle, toute armure tombée, dans l’effroi qui la paralysait.

Elle, qui témoignerait vingt ans après, brisée, trop tard.

Faveurs oubliées.

Effroi prescrit.

Ce contenu a été publié dans Atelier Buissonnier. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Une réponse à Effroi prescrit

  1. Sylvie W dit :

    Brrr… pas un mot de trop mais quel montée vers l’horreur. On veut son nom!!!

Laisser un commentaire