Avalanche

Depuis qu’on l’a sorti de sous la neige, il n’a plus la même vie. Seul rescapé d’une avalanche, on se dit quelle chance, il doit avoir un sacré karma.

La vérité c’est qu’il ne sort plus de chez lui. Être passé si près de la mort ne lui a pas donné envie de s’encanailler. Au contraire, il reste là, cloitré, loin des bruits trop forts et des gens envahissants. Il culpabilise beaucoup d’être vivant. Il paraît qu’une avalanche c’est plus violent que de passer sous un bus. C’est certainement plus rapide qu’une locomotive à pleine vitesse. Ils étaient huit, avec le guide. Pendant l’ascension ça discutait confitures et voyages, jusqu’à ce que le tonnerre éclate dans le ciel bleu. Personne n’a compris, le guide a crié, tout est devenu noir, sa poitrine a été comprimée comme si un éléphant s’était assis dessus. Après, les souvenirs sont morcelés. Le museau du chien, la lumière qui revient, l’hélicoptère. Et puis les bips, la douleur, les muscles raides, les os cassés. La tristesse de comprendre que personne d’autre ne reverrait le soleil.

Il reste chez lui, dans le noir parfois. A force il entend les chicotements des souris qui courent dans le grenier. Il a souvent des migraines. Il commande du paracétamol sur Internet. Il se fait des laits chauds au miel. Dehors, les plantes meurent dans leur pot. Ça fait plusieurs mois qu’il n’y arrive plus. Son esprit est toujours enfermé sous la neige, ses oreilles bouchées par le vacarme. Il ne sait pas comment se libérer. La psy de l’hôpital lui a donné sa carte, il faudrait qu’il la retrouve. C’est lui qui avait eu l’idée de ce voyage, il s’en veut tellement. Il n’était même pas le plus randonneur du groupe. Il a l’impression d’avoir pris perpète mais personne ne comprend. Dehors le soleil brille, dedans c’est le néant.

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