S’évader

J’enjambe la rembarde pour me glisser vers un ailleurs que je ne connais pas encore. Une liberté à découvrir. Je ne sais pas du tout où je vais , ni ce qui m’attends. Je sens les herbes hautes me fouetter les mollets mais je ne laisse pas ce détail me distraire. Je ne cours pas mais mon pas est pressé. Je veux mettre le plus de distance entre moi et eux. Entre moi et toute ma vie. Entre moi et cet endroit. Mon sac claque dans mon dos. J’y ai glissé les seules possessions que je juge importantes. Un seul sac pour n’alerter personne de mon évasion. Arrivée en haut de la colline, je me retourne un instant. Un dernier regard à cette ville maudite. Je veux tout laisser ici. Les souvenirs, les peurs, l’avenir malheureux. Je n’emporte que ton sourire avec moi. Tu es la seule chose qui me manquera même si je sais que tu n’approuveras pas mon choix. Tu n’as jamais compris mes doutes et ma rébellion. Toi qui a toujours suivi religieusement les enseignements. Toi qui a toujours cru à tout. Toi qui a toujours envisagé ton avenir ici. Je détourne mon regard et essuie la seule larme qui a coulé sur ma joue. Je ne sais pas ce que la suite me réserve. Je n’ai pas de plan, pas de ressource. Mais tout mieux que cette prison. Je veux rejoindre la civilisation et expérimenter la vie en dehors de la communauté. Et si je dois aller en Enfer, j’y vais avec joie. Là-bas c’est déjà l’enfer sur terre. Je me dirige comme je peux dans le noir. L’objectif est de rejoindre la ville la plus proche qui n’est la communauté. Et je dois faire vite. Au petit matin tout le monde saura que je suis partie. je dois être le plus loin possible avant. J’essaye de ne pas réfléchir à ce qui se passerait si ils me retrouvaient. Je ne veux jamais y retourner. Jamais y repenser même si je sais que c’est impossible. Je ne peux pas effacer 18 ans de ma vie. Je vais faire de mon mieux pour els remplacer par une toute autres vie pour les prochains. Mes pieds et mes jambes fatiguent mais je pousse mon corps le plus possible. Je dois avancer et m’échapper. J’ai noté dans un carnet tout ce que j’ai entendu du monde extérieur. Et surtout les contacts des gens qui pourraient m’aider. J’espère m’en sortir dans ce monde que je ne connais pas. Dont je ne connais pas les codes. Auquel je n’ai pas été préparée. Mais tout mieux que là-bas. Tout mieux que la perspective qui m’attendait. Le soleil commence à se lever et je distingue au loin ma destination. Je ralentis un peu mais ne m’arrête pas. Je ne suis pas encore sauvée. Je me remémore les directions et essaye de m’orienter au mieux. Tout est étrange. Je ne me sens pas à ma place mais je persévère. C’est un sentiment que je connais bien. je cherche un endroit pour enfin appeler le numéro que je connais par cœur. Je finis par poser la question à quelqu’un qui me regarde de haut en bas puis me tend un téléphone. Je compose tant bien que mal le numéro et attends. une voix inconnue me répond et je dis : « J’ai besoin d’aide. »

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