Melvil était plutôt débrouillard, même s’il avait du mal à retirer le brouillard dans sa tête. À l’école, il était souvent perdu, le visage en point d’interrogation en permanence. Souvent, il préférait regarder par la fenêtre et attendre que le brouillard se lève dans le ciel. Il espérait ainsi que ça se lève aussi dans sa tête.
Melvil n’était pas très bavard, bien au contraire. Il restait calmement sur sa chaise, un stylo à la main, oubliant parfois de poser les mots sur son cahier.
Il avait le cœur lourd lorsque la maîtresse lui ordonnait d’aller derrière le tableau. Il était pourtant sage comme une image, même s’il ne collectionnait pas les bons points. Derrière le tableau, le temps lui paraissait infini. Il essayait de trouver de nouvelles taches au mur.
Depuis son dernier passage, il y a un petit trou dans ce mur blanc cassé. Ça doit venir de la fois où la maîtresse a repoussé le battant un peu trop fort. Melvil s’approche un peu. Il y a une petite trace bleue. Un trait ? Non, un mot, écrit en tout petit. Il plisse les yeux. C’est écrit « rêver ». Il touche avec son index et souligne le mot avec son doigt. Il sourit. Il aimerait répondre. Il fouille dans les poches de son pantalon, dans un espoir qu’il sait impossible à atteindre.
Il se gratte la tête. Il entend un ploc à ses pieds. La maîtresse semble concentrée sur le reste de la classe. Melvil se baisse et ramasse le stylo qui lui a été lancé.
Il réfléchit à la réponse qu’il pourrait donner à ce mot. Il écrit après quelques secondes de réflexion, juste en dessous : « à l’envers ». Il range très vite le stylo dans sa poche avant d’être surpris par la maîtresse.
Melvil pense qu’elle l’a oublié derrière le tableau. Il attend que la cloche sonne pour sortir de son antre. Il essaie de tourner la tête pour trouver le camarade complice qui lui a permis de s’échapper de sa prison. Il n’arrive pas à se retourner complètement. Il espère avoir sa réponse à la récré.
À la maison, les volets en bois clair sont fermés. Un plaid fleuri montre des signes de respiration profonde. La silhouette bouge à peine. Le visage est recouvert aussi pour se donner l’illusion de la nuit.
Elle travaille la nuit, elle aide, elle soigne, elle vérifie que les patients vont bien, toute la nuit.
Le matin, quand elle rentre à la maison, elle fait couler un café pendant qu’elle prépare le petit déjeuner de Melvil.
Elle va le réveiller avec un baiser sur son front tout chaud. Melvil s’étire et sourit. Le soir, avant de partir au travail, elle lui fait un bisou sur la joue ; le matin, sur le front. Le signal pour lui pour s’endormir paisiblement et celui d’un réveil plein de douceur. Quand il se lève enfin, il la rejoint à la cuisine, l’enlace et appuie sa tête sur son ventre. Elle lui caresse les cheveux. Ils ne parlent pas ou si peu. Ils ont des gestes tendres. Et ça leur suffît amplement.
Quand Melvil part, elle glisse sous le plaid fleuri et s’endort rapidement.
À l’école, la cloche a enfin sonné. Melvil sort de son coin. Il préfère le vert des feuilles des arbres dans la cour à celui de ce tableau. Après la récré, il rejoindra sa place sur sa chaise, ni vu ni connu. La maîtresse aura peut-être oublié qu’il était puni.
Dans la cour, il joue à chasser les ombres des feuillages, celles des autres enfants. Il tourne sur lui-même, le visage tourné vers le ciel. Le brouillard s’est levé, le ciel devient bleu.
Autour de lui, ça joue à chat, au foot, à la marelle, à l’élastique. Ça vit tout simplement.
Tony lui tape sur l’épaule. Melvil se retourne et sourit.
– Tu joues avec moi, lui demande Tony.
– On joue à quoi ?
– Ben chais pas. Je peux te montrer mes nouvelles cartes ? J’en ai des rares, des brillantes.
– Trop bien, montre.
– Tiens, regarde celle-là, je l’ai eue hier, j’étais trop content. Ça fait un moment que j’espère la trouver dans le paquet. Je suis allé à la librairie avec ma maman hier et quand je l’ai vue, je n’y ai pas cru.
– Dis-moi…
– T’as vu comme elle est belle l’image ? Tu collectionnes toi aussi ?
– J’aimerais bien mais à chaque fois, je tombe sur les mêmes. J’en ai qu’une seule brillante, mais je crois que c’en est une que tout le monde a.
– Ah zut, c’est dommage. J’ai plein de doubles, si tu veux on s’échange ou je te les donne si t’as pas assez pour échanger.
– Ouais, si tu veux, je te les apporte demain ?
– Trop bien ! On joue maintenant ?
– Euh oui mais dis-moi…
– Oui ?
– C’est toi qui m’as lancé le stylo tout à l’heure ?
– Quel stylo ?
– Non, rien laisse tomber.
Melvil lui touche l’épaule.
– C’est toi le chat.
Puis il se met à courir jusqu’à un arbre. Tony lui court après à toute vitesse. Il arrive à lui frôler le milieu du dos. Chat !
Tony se sauve vers le préau. Melvil accélère, se faufile entre les élastiques, saute par-dessus les marelles. Tony se cache derrière un pilier, il fait des coucous, le nargue. Melvil se dépêche, il court à droite, à gauche, fait des feintes. Il est sur le point d’attraper Tony.
Tony lance un « pouce, pouce, j’ai envie de faire pipi. » Ça lui laisse un temps de répit. Quand il a fini, Melvil l’attend pour reprendre la chasse à l’homme. Ça sonne. C’est la fin de la récré. Tony lui dit : on reprend après la cantine ?
Ils se rangent deux par deux avant de monter en classe. Melvil s’est bien amusé pendant la récré avec Tony, mais il a oublié de chercher qui lui avait envoyé le stylo.
Dans la classe, il reprend sa place, sur sa table, un petit papier plié avec un petit mot écrit à l’encre bleue « rêver ». Il cherche des yeux qui est l’auteur de ce petit mot, mais les enfants font tous du bruit pour de rasseoir. Melvil est content d’avoir reçu ce mot, ça lui enlève beaucoup de brouillard dans la tête, même si ça lui ajoute un peu de mystère.
La maîtresse a bien oublié qu’il était puni, elle n’a fait aucune remarque sur son retour à sa place. Melvil inspire, reprend ses esprits, il n’a rien fait de mal.
À la maison, Aïcha se lève. Elle plie le plaid fleuri, ouvre les volets en bois clair. Elle se passe de l’eau sur le visage avant de prendre une douche. Une fois habillée, elle va dans la chambre de son fils pour commencer le ménage. Melvil a fait son lit, il a rangé ses jouets, son bureau est propre. Sur son oreiller, il y a un papier plié sur lequel il est écrit « Pour maman ».
Aïcha l’ouvre. Il y a un joli dessin avec un soleil, des nuages, une maison avec une cheminée. Sur certaines fenêtres, il y a des volets fermés, sur d’autres fenêtres non. Il y a des arbres aussi sur le dessin, et puis écrit au feutre « Maman, je t’aime ». Aïcha accroche ce dessin sur le réfrigérateur. Elle aimerait pouvoir passer plus de temps avec lui, l’aider à se libérer de son brouillard. Le problème, c’est que, elle aussi, elle a du brouillard dans sa tête, des choses qui la tracassent. Elle n’en parle pas, elle n’en parle jamais mais Melvil sait, c’est aussi pour ça qu’il a du brouillard dans sa tête.
Aïcha prépare le goûter, mais aussi le dîner. Elle fait un gâteau à la noix de coco. Elle en prend deux morceaux en sortant.
Melvil a écouté un peu le cours d’histoire. Ça parlait de fumée blanche, de la mort du pape. De la mort des rois aussi. De la mort du peuple, à cause de maladies qui n’existent plus, à cause du manque de nourriture. Melvin se demande s’il y avait des personnes comme sa maman pour aider les gens malades à ces époques. Il y aurait eu peut-être moins de morts.
Et puis son cœur se serre. Il se rappelle le corbillard, il se rappelle les pleurs, il se rappelle qu’il n’a rien pu faire, sa mère non plus. Il ne lui en veut pas, non, mais il ne comprend pas pourquoi personne n’a pu aider son père à rester vivant. Parfois, le mercredi après-midi, il lui arrive d’entendre sa mère pleurer. Quand Aïcha est surprise par Melvil, elle lui dit : ne t’inquiète pas, c’est juste une poussière.
Melvil détourne son regard vers la fenêtre. Il essaie de ravaler la poussière dans son œil droit. Il inspire et revient au cours d’histoire. Pour un très court instant. Il aperçoit le petit papier. Il répond dessus : « À l’envers ». Il ne sait pas à qui il doit le donner. Il réfléchit. Ça doit être quelqu’un qui a dû aller derrière le tableau à un moment, quelqu’un qui a été aussi puni par la maîtresse. Rien ne lui vient. Il a l’impression que c’est toujours lui qui est puni. Injustement. Toujours injustement. Il ne perturbe jamais le cours. Jamais. D’accord, il n’écoute pas toujours. D’accord, il se perd dans ses pensées, dans son brouillard, mais ça ne mérite pas d’être puni derrière le tableau.
La maîtresse change de tactique. Melvil ne s’en aperçoit pas. Il entend : « Melvil, vous avez une question ? »
Ça le ramène à l’instant présent, dans la classe. Melvil ose :
– Euh, oui, Madame, mais je ne sais pas si je peux demander.
– Je t’en prie Melvil.
– Je trouve qu’il y avait beaucoup, beaucoup de morts avant. À cause des maladies qu’on ne soignait pas, à cause des guerres, à cause de la famine. Franchement, ça devait être dur de vivre à ces époques-là. Mais je me demandais s’il y avait des personnes, comme ma maman, qui aidaient les gens à aller mieux, à se soigner. Parce qu’en vrai, même aujourd’hui, il y a des gens qui meurent et on ne sait pas pourquoi.
– Très bonne remarque, Melvil. Effectivement, l’espérance de vie était beaucoup moins élevée qu’aujourd’hui. Il y a eu au fur et à mesure des progrès en sciences, en médecine. Il y avait des gens comme ta maman, pas assez sûrement. Des gens qui ont fait des expériences pour trouver des remèdes. Parfois cela marchait, parfois non. À chaque époque, il y a eu des choses qui ont évolué, il y a eu des choses qui sont reparties à l’envers, il y a eu des révolutions, il y a eu des compromissions, des trahisons. Il y a eu des combats menés pour une vie meilleure, d’autres combats liés à des désirs de grandeur.
Melvil note sur son cahier : que nous apprend l’histoire ? Retient-on les leçons ? Melvil doute.
Il repense à son papier plié. Qui lui intime de rêver ? Il cherche un regard complice dans la classe. Tout le monde est concentré. Il sort le stylo de sa poche pour voir s’il ressemble à un autre stylo. C’est un bic bleu, quasiment toute la classe a le même. Il cherche qui écrit en bleu, puis se ravise : si ça se trouve, la personne ne peut plus écrire en bleu, parce qu’elle a lancé son stylo bleu.
La cloche sonne. Il sort en dernier, espérant attraper le regard de l’élève lanceur de stylo. Il n’a pas vu la détresse dans les yeux de Lisa. Il sort de la classe. Il ne voit pas Lisa revenir dans la salle.
Elle écrit rapidement sur le papier : « pourquoi rêver à l’envers ? ».
Melvil se rend compte qu’il a oublié sa gourde dans sa case. Il revient sur ses pas lorsque Lisa sort de la classe. Elle rougit, il ne s’en aperçoit pas.
Sur sa table, le mot a changé de place, et une phrase a été ajoutée. Il y répond : « parce que rêver à l’endroit ne suffit pas ». Il sourit et comprend enfin. Il ajoute « merci Lisa ».
À la cantine, ils ont des frites et des steaks hachés, des carottes râpées en entrée et une mousse au chocolat en dessert. La récréation est plus longue. Melvil et Tony reprennent leur jeu. D’autres enfants se joignent à eux. Ils font deux équipes. Ça devient une partie de gendarmes et voleurs.
Lisa est assise sur un banc. Melvil s’approche et lui lance avec un clin d’œil :
– Tu viens jouer ou tu préfères « rêver » ?
– Je ne cours pas vite.
– T’inquiète, l’essentiel, c’est de ne pas se faire attraper, donc bien se cacher et surtout bien tendre la main pour se faire sauver par l’équipe. Allez viens, on va s’amuser.
Aïcha sort de la maison. Il est bientôt 16 heures. Elle a pris deux parts de gâteau à la noix de coco, une brique de jus de fruit. Elle a hâte de voir Melvil.
Dans l’après-midi, Melvil se demande quand Lisa a bien pu mettre le mot derrière le tableau. Elle n’est jamais punie. Il perd le fil des cours de l’après-midi, il ne suit ni le cours de français, ni le cours de maths. Il réfléchit. Il est amoureux de Lisa depuis la maternelle. Est-elle aussi amoureuse de lui ? Depuis tout ce temps ? Il a plein de questions qui lui montent à la tête, ça lui fait encore plus de brouillard. Il ne veut pas que le doute s’installe. Il attend patiemment la fin de la journée. Il voudrait pouvoir parler avec Lisa. Toujours. Pour lui dire quoi ? Ce n’est pas son fort, l’expression orale. La cloche sonne.
Il voudrait dire à sa mère qu’il a une amoureuse, mais il a peur de lui faire de la peine. Elle l’attend sur le trottoir, un sourire doux aux lèvres. Il lui saute dans les bras. Elle lui tend un premier morceau de gâteau.
Melvil jette un regard complice à Lisa qui passe devant lui. Demain peut-être, quand le jour se lèvera, il n’y aura plus de brouillard dans sa tête. Il y croit. Enfin.
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PUBLICATIONS DES PARTICIPANTS
J’ai fréquenté durant plusieurs années les ateliers d’écriture Sous les Toits de Cécile et Philippe, que je viens de retrouver en novembre avec Les Petits Papiers. Depuis la pandémie, je me suis lancée un peu plus « sérieusement » dans l’écriture et mené certains projets à bien. Après « le Fils de l’autre », que j’ai déjà présenté sur ce blog, « Avenue du Père-Lachaise » est mon deuxième roman. Il est né de ce qui devait, au départ, être un recueil de nouvelles. Celles-ci étaient souvent liées les unes aux autres en une sorte de « suite », je les ai remaniées pour en faire cet OLNI (objet littéraire non identifié), qui a trouvé son éditrice, les Editions Marie Romaine, https://www.editionsmarieromaine.fr/. Ce roman choral est sorti en janvier 2024. En voici le pitchDeux femmes, trois hommes, un lieu : le cimetière du Père-Lachaise, à Paris. Au fil de ce roman, des vies se télescopent, des destins se lient, des êtres se trouvent ou se séparent. Les personnages rebondissent d’un chapitre à l’autre, tous réunis dans cette mystérieuse nécropole par l’absence, le manque, le deuil, l’espoir d’une renaissance. Si la mort a un jour croisé leur chemin et redessiné leur parcours, sa présence n’arrive jamais à obscurcir cette valse mi-joyeuse, mi-tragique, au terme de laquelle l’un d’eux va disparaître.Et le lien pour découvrir le livre : https://www.editionsmarieromaine.fr/product-page/avenue-du-p%C3%A8re-lachaise-monique-blond Merci pour votre lecture !
La danse du papillon provient d’un texte court produit pendant un atelier d’écriture que j’avais suivi il y a une trentaine d’années. Par la suite, j’ai repris cet écrit à plusieurs reprises, tout en rédigeant d’autres textes sans rapport avec cette ébauche. C’est plus tard que, disposant de temps et de disponibilité d’esprit, j’ai ressorti de mon ordinateur les brouillons successifs du petit texte initial pour travailler encore et encore une histoire dont je ne savais pas très bien où elle allait. Et petit à petit, quelque chose a commencé à prendre forme, qui s’était éloigné du tout premier texte d’atelier, qui puisait aussi dans d’autres textes moins anciens et se nourrissait de fragments nouveaux, parmi lesquels des ébauches écrites pendant des séances de l’Atelier sous les toits. Le soir, des personnages s’invitaient dans mes rêveries, rechignant parfois contre ce que je venais de leur faire faire ou contre le prénom que je leur avais donné, formant petit à petit l’histoire à ma place. Je griffonnais quelques notes et le lendemain, j’essayais de traduire ces notes en écriture… essais parfois fructueux, pas toujours ! Parvenir à la forme aboutie de La danse du papillon m’a pris plus de six ans. Si je reviens sur ce travail d’écriture, je peux distinguer plusieurs aspects. D’abord, le travail de la phrase : portée à écrire de longues phrases pleines de digressions et d’incises dans tous les sens, j’ai dû énormément les retravailler. Pendant plusieurs années, j’écrivais chaque jour un ou deux paragraphes, ou seulement deux ou trois lignes, et je les raturais et les réécrivais indéfiniment les jours suivants en me disant que c’était nul, et moi avec. L’écriture de La danse du papillon m’a servi d’exercice d’écriture mais aussi, en étant aussi quotidiennement présente, m’a coupée d’autres formes, comme par exemple la forme poétique dont je me suis éloignée à regret. Ensuite le travail de la structure : comment organiser l’histoire, présenter les évènements, ménager un certain suspens. Longtemps, le récit n’avait aucune structure, probablement aussi parce que les grandes lignes de l’histoire n’étaient pas encore clairement définies. Puis, quelque chose a « pris » et la structure est apparue. Evidemment, je n’avais pas fait de frise chronologique et mes personnages apparaissaient n’importe quand, à rebrousse-temps : pourquoi pas, en théorie, un récit temporellement déstructuré, mais cela ne se prêtait pas à l’histoire que je voulais raconter. Je me suis donc emmêlé les pinceaux jusqu’à ce que ça tienne à peu près et que je déclare la structure achevée. Désireuse d’en finir, je n’ai pas écouté la petite voix intérieure qui tentait de me dire qu’en fait la structure était bancale. Cécile, à qui j’ai confié la relecture de la première version de ce récit dans le cadre de l’Atelier Face à Face, m’en a aussitôt fait la remarque. Il a fallu me remettre à la tâche, couper, tailler et retailler et m’apercevoir qu’avec la nouvelle combinaison, ça ne collait plus, des évènements se produisent dans le mauvais sens, des gens mouraient avant d’être nés etc…. Finalement, ça c’est fait, en quelques mois. La manuscrit terminé, j’en ai éprouvé à la fois de la joie et de la légèreté. Je n’avais pas l’idée que cet écrit puisse être publié. Je l’ai offert à mes proches en format A4 et c’est de mon entourage qu’est venu l’encouragement à chercher un éditeur… J’ai mis du temps à faire la démarche, je ne me sentais pas légitime et je me demandais ce qu’un bouquin de plus viendrait ajouter à des masses et des masses de livres publiés chaque semaine…. Nombreux ont été les refus implicites (pas de réponse sous 4 mois signifie un refus) et les refus par courrier, certains assortis de commentaires encourageants, jusqu’à ce que les éditions de l’Harmattan acceptent de le publier. Je continue à me demander si publier est une fin en soi : ce qui a compté le plus, c’est d’avoir écrit. Mais maintenant, je ne peux plus faire abstraction du fait que ce livre est publié et c’est vrai que savoir son texte lu par d’autres yeux, d’autres oreilles, par des âmes éloignées que l’on ne connaît pas, et parfois en recevoir un témoignage, c’est tellement fort ! D’une certaine façon, on en fait l’expérience à une autre échelle en atelier d’écriture ou dans le blog de l’Atelier : le partage de ce que l’on a écrit, le retour des lecteurs ou des auditeurs (selon la forme de l’atelier) est une expérience du risque, de la remise en question mais aussi du partage et de la joie. La danse du papillon se commande dans toutes les librairies, sur les sites de vente en ligne et sur le site des éditions de l’Harmattan : https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_danse_du_papillon_aliette_zumthor_sallee-9782140294846-74491.html
Tout est parti d’un courrier de lecteur, découvert en septembre 2019 : un professeur de physique-chimie reconnaît, dans sa classe, le fils de son ancien harceleur, qui ressemble trait pour trait à son père. Il s’inquiète auprès de la psychologue de sa réaction possible envers cet élève : ne sera-t-il pas tenté de lui faire payer les persécutions du père, même inconsciemment ? La thérapeute lui répond, entre autres choses, qu’il y a là matière à écrire un roman ! Le samedi, à l’atelier Petits Papiers, chez Cécile et Philippe, je choisis d’écrire un texte inspiré de cette histoire, au gré des fameux « petits papiers ». Les retours plutôt positifs m’encouragent à peaufiner à la maison ma nouvelle Le Portrait de son père, que j’envoie à trois ou quatre revues. L’envie d’aller plus loin ne me quitte pas et je m’inscris à un atelier Premier Roman (en formation pro), pour transformer la nouvelle en roman. En avril 2020, la revue Brèves m’appelle pour m’informer qu’elle souhaite publier Le Portrait de son père dans son numéro 116 (collectif « Jeunesse »). Cela renforce encore ma motivation pour le roman, dont j’achève le premier jet en juin. Je poursuis la réécriture les mois suivants. En plus des retours obtenus en atelier, je fais « diagnostiquer » mon texte en janvier 2021 par un site professionnel, puis, après l’avoir remanié, je commence à envoyer mon manuscrit à des éditeurs en septembre 2021, assorti d’une lettre de présentation longuement travaillée, d’un synopsis, etc. Je continue mes envois jusqu’en mars 2022. Sur la quarantaine d’éditeurs contactés, j’obtiendrai six réponses, toutes négatives, mais parfois encourageantes (quand même !). Enfin, en avril 2022, un éditeur (IGB) me téléphone : il a aimé mon roman, mais attend d’avoir l’avis de son comité de lecture et de son associée pour me donner un accord définitif. La même semaine (!), les Editions Il est Midi me contactent à leur tour pour me proposer directement un contrat. C’est avec eux que je signe, en juin 2022. Mon roman, le Fils de l’autre, sort le 10 octobre. L’expérience a été intéressante, même si le livre n’est vendu que sur commande (en librairie, à la Fnac, chez Amazon et sur tous les sites marchands), donc peu visible. Par ailleurs, Il est Midi n’organise pas de dédicaces et ne participe pas à des salons. Enfin, je n’ai jamais rencontré mes éditeurs, nous n’avons échangé que par mail et au téléphone. J’ai donc réalisé moi-même mon dossier de presse et obtenu deux chroniques (sur Femina.fr et Télé-7-Jours) et deux interviews. Un club de lecture, à Pierrefonds, m’a également invitée à une journée de présentation, et je me suis inscrite à deux salons en 2023 (réponse en attente). L’aventure continue, sans bruit, mais c’est formateur… Encore merci à Cécile et Philippe, dont l’atelier Petits Papiers m’a permis de poser les jalons de mon projet. Je leur ai même volé une très jolie phrase, tirée au hasard des « petits papiers » et que j’ai gardée dans le roman, bien évidemment ! Monique Coant-Blond Pour en savoir plus sur le livre, n’hésitez pas à aller sur mes pages Facebook https://www.facebook.com/profile.php?id=100082078084319 et Instagram https://www.instagram.com/emsie_blond/?hl=fr ou, pourquoi pas, sur le site de l’éditeur https://editions-il-est-midi.eproshopping.fr/1740324-LE-FILS-DE-L-AUTRE-Monique-Coant-Blond
LIVRES AIMÉS
J’ai aimé l’atmosphère; j’ai souri ; j’ai admiré le style; j’ai râlé de frustration lorsque je découvrais les personnages petit à petit et non bien campés en début de livre ; j’ai frémi devant le suspens de l’histoire et des personnages; je me suis laissée bercer par l’ambivalence constante entre rêve et réalité; j’ai été touchée quand j’ai enfin compris les visites d’amitié et de souvenirs de ce groupe hétéroclite et j’ai même versé une larme en refermant le livre.
En passant dans le rayons BD (au RDC, pour les grands, pas au 3e chez les enfants) d’une médiathèque, je me suis arrêtée sur Profession du père, de Sébastien Gnaedig. C’est une adaptation du roman de Sorj Chalandon. Je vous le dis tout de suite : je n’ai pas lu la version sans images. Mais la version adaptée a renforcé l’envie de la découvrir, même si je peux m’attendre à une violence accrue. En noir et blanc, en quelques dessins, l’intensité est présente. La dérive d’une homme dans une période sombre de l’histoire de France. « Les événements » dans nos livres d’histoire, pour ne pas dire « la guerre » d’Algérie. Je ne sais pas ce qu’en pensent celles et ceux qui ont lu S. Chalandon. Cette adaptation est une introduction, une ouverture. Profession du père est publié aux éditions Futuropolis en 2018.
Le point de départ de l’auteure est que nous avons été, ou serons, toutes et tous un jour confrontés à la mort de notre mère. La narratrice, journaliste célibataire de 31 ans, décrit ce qui l’oppose à sa sœur, mariée, 2 enfants. Leur mère meurt brutalement. Assassinée. Le lecteur suit avec la narratrice l’enquête, les arrangements pour vider la maison, ce que deviennent les relations familiales et sociales lorsque l’on perd sa mère aussi dramatiquement. Des secrets vont au fil des pages transformer des vérités jusqu’ici bien établies. Il y a beaucoup d’humour dans ces pages. Et des rebondissements. Le récit m’a parlé, souvent. Mère disparue est paru en 2007, édité par les éditions Philippe Rey.
Trois livres en forme de trilogie de Deborah Levy, auteure sud-africaine vivant en Grande-Bretagne : Le goût de la vie, Ce que je ne veux pas savoir et Etat des lieux. Les ouvrages sont traduits par Céline Leroy. Une écriture très ancrée dans la vie, mais en même temps très subtile, où l’auteure à la fois s’interroge sur la présence du passé dans le présent, et très souvent décale notre regard sur des évènements très simples et quotidiens pour en dégager un aspect neuf. Elle y excelle lorsqu’elle questionne, sans verser dans la démonstration, les rapports de genre, son travail d’écrivaine, ses rêves non réalisés. Elle est souvent drôle, légère et toujours intéressante. Merci à la traduction excellente.
Le cercle des menteurs ou Contes Philosophiques du monde entier rapportés par Jean-Claude Carrière. Habituellement, le terme de « contes philosophiques » me donne envie de rebrousser chemin car c’est un genre dont le ton appuyé, l’intention de donner des leçons produit souvent des textes ennuyeux et « voulus » (ce n’est que mon avis !). Ici, c’est tout le contraire : histoires courtes, du conte à la blague, racontées avec le brio qu’a Jean-Claude Carrière pour s’exprimer. Si l’on connait sa voix, on a l’impression en lisant qu’il est présent et qu’il conte à haute voix. Le premier comme le deuxième tome sont des régals. (en photo le deuxième tome)
Un texte très court (78 pages) sur la maladie contractée à son travail par le père du narrateur. Ce que j’ai aimé dans cette écriture, c’est que sous l’apparente pauvreté émotionnelle du texte, l’auteur, en nous livrant la stricte description des faits et gestes des protagonistes, sans à aucun moment ne juger quiconque, nous laisse toute la place pour mobiliser notre propre émotion et penser par nous-mêmes.
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