Ce soir-là, en février, si je ne me trompe, la nuit avait déjà envahi les jardins du Luxembourg. Une brume ouatée descendait du ciel & prenait place entre les massifs & sur les allées de cette partie réservée au Sénat. On apercevait les silhouettes sombres des gardes faisant leurs rondes. Leurs mousquetons réfléchissaient par éclats les lumières vives qui tombaient des grands lustres de cristal de la « Salle des pas perdus ».
Lambert Gafoin, le nouveau questeur de cette Assemblée se rendait rapidement, l’air préoccupé, chez Lucille Moineau, l’assistante du chef du Protocole.
L’affaire qui le menait à cette heure consulter le Protocole de la République était si compliquée que le sieur Gafoin, fraîchement nommé, & qui ne devait son poste qu’à d’obscures manœuvres, lui dont on disait à l’encan qu’il avait une cervelle de moineau, n’arriverait jamais à en démêler l’écheveau tout seul.
Imaginez un peu : Monsieur le Président de la République des Iles Borromées, venant en « Visite Officielle » en France, avait demandé, cela ne s’était jamais vu, à faire un discours devant la Haute-Assemblée au complet. Il insistait pour venir en compagnie de sa maîtresse, Mademoiselle Angélique ; mais non pas épouse.
Comment Messieurs les Sénateurs pouvaient-ils accepter une telle dérogation à un ordre naturel indépassable. Seules les femmes légitimes, les épouses, pouvaient paraître devant la Représentation Nationale.
Lambert Gafoin avait besoin du doigté & du sens diplomatique de la « petite Moineau ».