En catimini

C’est là qu’elle m’apparut. Elle marchait à petits pas dans des brodequins blancs ornés de trois boutons noirs sur le côté. Elle était menue, vêtue d’un manteau de piqué bleu et sur sa tête son bonnet de laine, blanc lui aussi, était bien fermé sous le menton par un gros nœud de satin. Elle devait avoir six ans tout au plus. Charmante petite bonne femme, elle se hâtait dans cette froide après-midi d’hiver. Une fois passées les grilles austères, elle leva les yeux et contempla les allées désertes du jardin du Luxembourg. Elle hésita un instant. Une moue indécise orna son visage constellé de taches de rousseur. Ses yeux verts brillaient malicieusement. Elle se retourna comme pour s’assurer que personne ne la suivait. Elle avait du échapper à la vigilance de sa nourrice. Soudain elle se décida. Contournant la statue de Diane Chasseresse qui la contemplait d’un air vaguement menaçant, la petite fille trottina résolument le long d’une haie de buis qui luisait d’un vert sombre. Elle évita une chaise renversée, s’engagea derrière un énorme if taillé en pointe et disparut à mes yeux. Intriguée, tout en gardant mes distances je me déplaçai pour m’offrir une vue sur l’envers du décor. Me dissimulant derrière un faune de pierre blanche je la vis: elle s’était accroupie sous les branches basses du vieil arbre. Dans ses moufles bleues elle tenait une boite ronde en métal ornée d’étoiles dorées et rouges. Elle l’ouvrit avec gourmandise et y prit un carnet à spirales sur lequel je distinguai des dessins d’oiseaux bariolés. Alors, à ma grande surprise, la fillette se mit à chanter. Sa petite voix fluette s’éleva, se déroula entre les parterres fleuris du jardin et de sa mélodie réveilla doucement,  une à une, les figures endormies des antiques statues. L’espace d’un instant, le soleil se mit à briller. J’étais ensorcelée.

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