On parle souvent des marins

On parle souvent des marins. De ces hommes du pays qui, un beau jour, alors qu’ils atteignent tout juste l’age adulte, formidables héros, marchent sur la petite passerelle, montent sur l’énorme batiment flottant, et, d’un signe de la main, partent pour des mois défendre la mer, défendre les côtes, défendre le pays.

On parle de leur courage, de leurs exploits, on parle de leur carrière, on parle même de la vie à bord. On écrit de grands romans contant leurs aventures qu’on pourra lire le soir aux petits garçons pour qu’ils rêvent la nuit d’aventures lointaines et héroiques.

On parle un peu moins souvent des mères de marins, des femmes de marins, des filles de marins. De toutes les petites mains qui s’agitent et volètent depuis le quai, en un dernier geste pour leur proche qui part. Souvent, Elles n’apparaissent pas sur la photo, on ne voit que leurs mains. Tellement de petites mains, et au loin, les silhouettes des être chers.

L’image est jolie, presque poétique.

Et puis, toutes ces femmes sont bien petites, elles n’avaient qu’à être plus grandes, s’imposer, grandir, et s’étirer, encore et encore, pour entrer dans le champ. Pour exister toutes entières. Pour être plus que de petites mains.

Peut-être se dit-on aussi qu’il serait moins poétique, surement, de figer éternellement leurs visages, déformés par les pleurs, leur tournure, défaite et débraillée de trop vouloir enlacer et embrasser une dernière fois?

Peut-être cela aussi, devrait-il apparaitre sur a photo. Pour reconnaitre l’héroisme qu’il y a à laisser partir un fils, un mari, un père, sans même contester, sans même se plaindre d’avoir à être forte. Sans se plaindre d’avoir à être seule. D »affronter la vie, avec tout le travail supplémentaire avec le soutien aux abonnés absents.

L’héroisme qu’elles montrent, sans même y penser. Sans s’indigner, se rebeller, hurler, s’accrocher. En acceptant de rester, là, sur le quai. Au nom de quoi, au nom de l’aventure, au nom du vaste monde, au nom de rien. Juste parce que.

Ont-elles eu leur mot à dire, les filles de la mer, quand elles n’ont pas connu leur père? Il n’y a pas de livre qui explique aux petites filles qu’elles peuvent être autre chose qu’une main, impuissante, impersonnelle, qui fait aimablement signe à celui qui part.

 

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