Androgyne

Je m’appelle Vu-Kim. Dis comme ça, vous ne savez sûrement pas si je suis un garçon ou une fille. Et d’ailleurs, il ne vaut mieux pas que vous le sachiez car c’est un secret. Même mes parents ne sont pas d’accord. Mon père voulait un fils pour assurer sa lignée, pour lui apprendre les rudiments de la lutte au sabre et des arts martiaux. Ma mère voulait une fille parce qu’elle avait grandi avec sept frères, tous morts à la guerre. Elle voulait une fille, espoir de paix, pas un fils, condamné à la guerre.
Ils m’ont donné un nom composé de Vu qu’on prononce « vou » pour bien insister sur le fait que je ne serai jamais moi mais vous, c’est-à-dire tous les autres sauf moi. L’autre partie de mon prénom est Kim. Diminutif de Kimberley, donc une fille ? Ou juste Kim, donc un garçon ? Vous n’en saurez pas plus. Je suis la seule personne à savoir qui je suis. N’étant pour le reste du monde ni un garçon, ni une fille, je peux faire ce que je veux comme le chevalier d’Eon, comme Mulan pour être plus proche de ma culture.
Mon pote Gurule a le même problème avec ses parents. D’après lui, parce que lui est sûr d’être un garçon, ses parents voulaient lui donner un nom avec des consonnes gutturales pour qu’il grandisse confiant dans sa virilité et sa masculinité. Je trouvais qu’il avait un peu été bercé d’illusions vu son physique de sauterelle desséchée.
A chaque fois qu’il faisait du sport pour prendre du muscle, pour paraître plus grand, plus fort, plus viril, j’avais l’impression de le voir rapetisser. Comme Alice quand elle boit la potion magique pour passer par la petite porte. Je le soupçonnais fortement de vouloir passer par ma petite porte pour connaître le secret que je suis seul(e) à garder. Qui suis-je ? Une fille ou un garçon ? Un jour peut-être qu’il le saura, que je lui dirai, peut-être pas car ça risquerait de mettre fin à ce lourd secret.

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