Il regardait son père, accoudé au fauteuil. Son short bleu laissait voir ses genoux cagneux écorchés par quelques escapades forestières.
Il regardait son père, le sourire aux lèvres et les yeux rivés sur sa bouche. Chaque parole paternelle semblait être un fruit mûr que l’enfant dégustait.
Il regardait son père, les volutes de fumée de son cigare dessinaient, juste pour lui, des ailes blanches qui s’en allaient lécher le plafond.
Il regardait son père, sa moustache frémissante à chacun de ses souffles.
Il regardait son père, son double menton dansait lorsqu’il riait.
Il regardait son père lui tapoter de temps en temps la tête d’un air satisfait. Sa main s’approchait large et forte, s’abaissait doucement pour trouver ses cheveux et rebondissait sûre de son atterrissage, accompagnée par sa voix grave d’un « c’est mon garçon ».
Il regardait son père, les paupières roses et lourdes de whisky lutter contre le sommeil digestif.
Il regardait son père s’affaisser dans le fauteuil, regarder l’horloge espérant que le dernier invité prendrait congé.
Il regardait son père lui commander un verre d’eau, sa voix pâteuse trébuchant sur les mots.
Il regardait son père, son livre ouvert sur les genoux et sa bouche ouverte émettant un ronflottement sourd et régulier.
Son verre d’eau à la main, il regardait son père. Et il attendait, il attendait le regard de son père.