Danse avec les chèvres

Le matin je garde mes chèvres et l’après-midi ce sont elles qui me surveillent. Elles m’empêchent d’aller danser. Car le son du violon, c’est plus fort que moi, me fait pleurer en cadence et sautiller plus d’une fois. Mon père me dit que pleurer lave le visage des innocents mais comment le croire ? Je suis piquée comme une fleur sauvage qui lutte avec le vent. Lorsque je danse, je m’éveille, je m’évapore, je tournoie en étincelles qui me mettent en joie. C’est dangereux, méfie-toi, me répète mon père, un jour tu ne sauras plus rentrer chez toi. Mais la vérité, je le sais,  c’est qu’il ne veut pas qu’on me regarde. Il préfère me voir enclose et immobile, cachée derrière la jalousie de ses volets de bois. Enfermée, à la couture, à écouter les bruits du monde, les cris des marchand, avec leurs affaires et leurs sous. Quel ennui d’être ainsi confinée.  Je m’étiole, je fonds, je deviens  flaque. Un peu d’eau pour le porteur de cruche. Mais qu’il ne me prenne pas pour une ! Je ne suis pas plus bête qu’une chèvre, non mais des fois !

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