Le crocodile

Le crocodile versait ses larmes dans la prairie, derrière la maison. Il avait été secoué par la nouvelle et ses larmes tombaient, tombaient au risque d’inonder la prairie. La nouvelle était arrivée par la route. La voiture qui venait l’annoncer klaxonnait, klaxonnait « pouêt, pouêt », alors que c’était interdit. Qui aurait eu l’idée de déranger la tranquilité des habitants du village. Ce jour-là, le soleil était radieux, il illuminait ce paysage calme. Rien ne laissait présager cette nouvelle. Les habitants étaient comme endormis par le rayonnement de la chaleur. Les oiseaux semblaient sans voix, cachés dans l’unique arbre du coin. La maison était immobile dans sa prairie. Ses volets entrouverts ressemblaient à deux yeux rieurs et la porte à une bouche souriante. Dans la mare aux poissons, la grenouille esquissait quelques brasses. Bref, le calme régnait. Pourtant, notre crocodile s’était levé de bonne humeur ce matin, confiant. Rien d’horrible n’avait été annoncé à la radio. Le monde était calme après de nombreuses années de misère et de révoltes. Alors notre crocodile semblait à l’image de ce monde devenu calme, de bonne humeur et serein face à son avenir. Rien ne le préparait à ce qui venait d’être littéralement crié par cette voiture klaxonnante. La nouvelle était tombée comme un couperet « un zoo allait ouvrir ses portes prochainement ». Le crocodile y vit comme une menace à sa vie. Il se sentait perdu. Ne voyait plus la lumière lui qui se sentait de nulle part et de partout à la fois. Quand bien même il n’était pas né dans cette prairie, il s’y sentait comme chez lui. Il avait été bien accueilli, il se sentait « intégré », faisant partie de la vie de ce lieu où il avait trouvé sa place et où tout le monde l’aimait.

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