Ici, il y a des carreaux de toutes les couleurs dans la cuisine.
Ici, il y a des papillons suspendus aux fenêtres.
Ici, l’accueil est chaleureux même pour les retardataires.
Ici, il y a un tout petit bateau en bois près de La jeune femme et la mer, un thermos venus de la lointaine Indochine, des oiseaux de papier qui rêvent de Normandie l’hiver, des chansons désuètes adulées par les milleniums, du thé de Noël au moment de la galette des rois, des voix qui ont toutes leurs couleurs et chacune sa chaleur.
Ici, il y a des petites phrases écrites pour la liberté d’être et de penser.
« Il ouvre ses bras sur un soleil radieux. »
« Les pieds dans l’eau, il est doué pour le bonheur. »
Ici, écrire sur le sable « soudain l’été dernier » est juste une joie.
Partager avec des inconnus le plus profond de soi et même l’inconnu des ses mensonges est une joie.
Ici, la vraie vie me semble nichée au cœur de ce qui est écrit.
« Nicole ? Nicole ? Nicole ? »
Oups, ça y est, c’est elle !
« Nicole, je suis rentrée ! »
Il va falloir y retourner dans la vraie vie. Il va falloir quitter les bateaux et les cerises. Firmine et les histoires d’amour. New York et la terre rouge. Remettre le masque de celle qui est là. Quitter la mer pour la mère, l’amertume au bord du cœur.
Mais encore quelques instants. Elle n’a qu’à crier si elle veut.
Nicole, c’est pas moi qui m’y colle !
Ici, il y a une odeur de bon chocolat.
Ici, il y a des urnes remplies de possibles.
Ici, il fait bien chaud au bout du temps qui passe.
Ici, on ne sait pas qui on est et nous savons tout de tous à travers nos imaginations débordantes, nos stylos qui roulent à cent à l’heure sur la page, nos cocktails de mots et nos bouches et nos oreilles et nos yeux et notre tristesse et nos peurs et nos souvenirs qui n’ont pas l’air d’aller y voir si je les trouve.
Ici, il y a des CD de Gainsbourg et Le premier homme de Camus.
Ici, il n’y a pas de bruits de voitures ni de passants. La ville sans la ville. Les toits de Paris sans Paris. Le gris de Paris sans l’hiver.
Ici… « Nicole ! Nicole ! Viens ma chérie ! Il faut que je te raconte ! J’ai fait une expérience in-croy-yable ! J’ai participé à un atelier d’écriture. On était dix. Trois hommes. Sept femmes. Pas trop de jeunes. Et c’était pas du tout scolaire. C’était super. On a écrit à partir de petits papiers. Tu sais, comme dans la chanson de Rika Zaraï ou Régine peut-être… Laissez parler les p’tits papiers… la la la la lala lala… »