Le matin est doux, le matin est moite. Les draps sont chauds et froissés d’une nuit agitée. La douche est froide, la douche est nécessaire. Les yeux sont encore à moitié fermés. Sur son corps à peine réveillé, un soupçon de parfum. Les gouttes glissent dans son cou. Sur sa nuque se pose un tendre baiser.
La buée s’estompe lentement, elle s’étire et perd de sa densité. Dans le miroir, le reflet ne montre qu’un visage encore flou. Était-ce un mirage, une hallucination ? Était-ce la suite de son rêve éphémère ?
La lumière de la salle de bain est trop vive, elle imite celle du jour le matin, elle change au fur et à mesure des heures qui passent, le soir, elle éclaire comme la lune. Dans cette salle de bain sans fenêtre, dans cet endroit où la vulnérabilité peut atteindre son paroxysme, où chacun est seul avec soi-même et son corps, cette lumière rappelle le temps qui passe. Que l’on ait 26 ans aujourd’hui, l’envie d’en avoir 8, quel que soit notre âge.
Seul le soupçon de parfum s’imprègne et renvoie à des instants d’une grande intensité.
Les yeux fermés, l’odeur monte et envahit la pièce. Elle prend la place de la buée échappée. Une goutte ambrée, une goutte sucrée. La serviette enroulée, son corps sèche à l’air presque libre.
La machine à café est enclenchée, l’eau a coulé du robinet pour remplir le réservoir. Le flot est moins bruyant que celui de la douche. Comme s’il fallait se réveiller avec plus de douceur quand on atteint la cuisine. La capsule de café pousse un petit cri lorsqu’elle est percée puis gémit au passage de l’eau chaude. La machine à café tremble, la tasse dégage une odeur âcre. La mousse chatouille ses lèvres. Son mug est envoûté, il garde pour lui seul le café torréfié tant qu’il est trop chaud. Cela dure quelques secondes, quelques minutes. Un moment d’extase, un moment de calme, un moment en suspens.
À la fenêtre, le jour se lève. A-t-il pris sa douche, son café ? A-t-il fait de beaux rêves ? Il faudra demander à la lune. Elle sait peut-être.
Le jour mélange les odeurs : un soupçon de gaz d’échappement, un soupçon de rosée, un soupçon de brume, un soupçon d’arc-en-ciel. Au fil des heures, des gouttes de pluie, des gouttes de soleil, des gouttes de sel, des gouttes d’herbe verte. Le jour change d’odeur, il glisse et s’évapore.
La tasse de café est terminée, il reste un fond. Dans la salle de bain, le reflet n’est plus flou. La brosse à dents navigue d’une molaire à une prémolaire, d’une canine à une incisive. Devant, derrière. Sa langue hésite à garder l’odeur du café bien ancrée. La brosse à dents ne lui laisse pas le temps de réfléchir.
Sur son visage maintenant plus net, une crème fluide à l’odeur neutre hydrate et matifie. Enlever toute trace de cette nuit agitée.
Des habits sont jetés sur le lit. Un habit rouge attire son attention. Il a un peu perdu l’odeur de la lessive dans le dressing. Se glisser dans un chiffon doux, un vêtement ajusté, un vêtement qui cache des formes, un vêtement qui en accentue d’autres. Un vêtement qui tient chaud, un vêtement fluide selon les saisons. Aujourd’hui, entre deux saisons, l’habit rouge fera l’affaire, en coton, en crêpe, en soie, en laine, en lin, en peau de chagrin.
Rouge passion, rouge colère, rouge est la couleur du jour. L’habit glisse et s’envole.
Il est temps d’aller dehors, d’affronter la réalité, de laisser cette drôle de nuit derrière. La porte claque, l’ascenseur sonne, les voitures klaxonnent.
Son pas est décidé puis se rétracte. Prendre son temps, ça serait bien. L’odeur des arbres, l’odeur des fleurs, l’odeur des croissants chauds. Son pas timide les suit et se laisse surprendre par l’odeur suivante. Aller tout droit, tourner à droite par hasard, tomber sur des citrouilles au pied d’un escalier. Avoir envie de s’asseoir pour leur tenir compagnie.
Il ne pleut pas ce matin mais ça sent le mouillé quand même. D’où cela vient-il ? Du chien qui vient de passer, du gardien qui arrose et nettoie le trottoir devant l’immeuble, de l’immense échafaudage qui cache le ciel ?
Son corps monte jusqu’à la deuxième marche du perron, ses doigts frôlent les citrouilles pleines de verrues. Son dos se penche et sursaute quand la porte s’ouvre.
Une odeur d’œufs brouillés et de bacon s’échappe mais la voix s’étonne et crie presque, menace d’appeler la police, de faire sonner les sirènes.
Repartir les épaules basses, tourner à gauche pour reprendre le bon chemin, se redresser à chaque passage piéton, ne pas se laisser pas abattre.
Dans le parc juste à côté, les écureuils courent, grimpent aux arbres de plus en plus haut, chargés de douces provisions. Des châtaignes grillées, ça sent bon. Une odeur d’herbe fumée perturbe cette expédition.
De quel côté aller dans une ville quadrillée ? Par quoi se laisser porter ? S’arrêter à la main rouge qui clignote, passer au bonhomme vert. Et puis, finalement non, traverser aussi quand la main rouge ne clignote plus.
Un bruit strident s’immobilise. Pas d’ambulance à l’horizon, pas de policiers ni de pompiers non plus. Les écureuils ont dû réussir à descendre des arbres sans tomber, sans se blesser. Le bruit persiste dans le silence. Par où aller pour s’en éloigner ? S’enfoncer plus loin dans le parc, faire le tour du lac. Ça sonne, ça sonne, c’est agaçant.
S’asseoir en tailleur sur une butte du parc, méditer, oublier ce bruit perçant. Inspirer, expirer. Remplir ses poumons de vert, beaucoup de vert. Le bruit insiste. Le matin tape à la porte, le jour se lève, le réveil chante sa mélodie.
Dans un début de journée brumeux, Liv éteint son réveil, la timide Angèle aussi, l’exubérante Pauline se frotte les yeux, Eva, l’avocate, saute du lit avec déjà un million de choses à faire et à ajouter sur sa liste pour éviter d’aller voir sa grand-mère, Margaux ouvre enfin les yeux, elle n’a plus mal, Valentin pose les pieds sur le sol frais, Samuel appelle sa sœur pour qu’elle arrête de pleurer dans la nuit.
C’était la pleine lune cette nuit, se disent-ils. J’ai eu une nuit agitée, une bonne douche me fera le plus grand bien. De quoi ont-ils rêvé ? Ils ne s’en souviennent plus très bien. Un matin comme beaucoup d’autres, ici ou ailleurs, loin de tout ou juste à côté. Un matin, encore un matin.
L’odeur du gel douche est agréable, ça sent les fruits rouges, la pêche blanche, la verveine, les fleurs de cerisier. Le dentifrice est mentholé. Dans l’armoire, le flacon trône, fier et droit. Un soupçon de parfum ambrée, vanillée, avec de la bergamote, un pschitt, deux pschitt et les souvenirs s’affolent.
Liv se remémore le Brésil, Angèle la térébenthine, Pauline les cocktails sans alcool, Eva les tartes aux fraises, Margaux le mercurochrome, Valentin les bouquets de hautes fleurs mauves, Samuel le pain grillé et beurré.
Et elle, l’odeur d’un habit rouge. Et lui, celle du sable chaud, les doigts de pied en éventail.
Ici, il est 11 heures, là-bas, il est 17 heures. Ici, le jour commence, là-bas, il touche à sa fin. Le jour passe le relais. La nuit commence sa course effrénée. La prochaine sera-t-elle autant agitée ? Les draps ont été changés, ils sentent la lessive et l’assouplissant. Une douce odeur apaisante pour mieux dormir, pour ne pas pleurer dans la nuit, pour juste rêver d’elle, juste rêver de lui et garder l’espoir que le lendemain, certains rêves deviennent réalité : partir au bout du monde, revoir une personne chère à son cœur, écrire un guide, supprimer le moment d’après, celui qui fait mal, se réconcilier avec son frère, pardonner ses erreurs, retrouver ton odeur.
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PUBLICATIONS DES PARTICIPANTS
J’ai fréquenté durant plusieurs années les ateliers d’écriture Sous les Toits de Cécile et Philippe, que je viens de retrouver en novembre avec Les Petits Papiers. Depuis la pandémie, je me suis lancée un peu plus « sérieusement » dans l’écriture et mené certains projets à bien. Après « le Fils de l’autre », que j’ai déjà présenté sur ce blog, « Avenue du Père-Lachaise » est mon deuxième roman. Il est né de ce qui devait, au départ, être un recueil de nouvelles. Celles-ci étaient souvent liées les unes aux autres en une sorte de « suite », je les ai remaniées pour en faire cet OLNI (objet littéraire non identifié), qui a trouvé son éditrice, les Editions Marie Romaine, https://www.editionsmarieromaine.fr/. Ce roman choral est sorti en janvier 2024. En voici le pitchDeux femmes, trois hommes, un lieu : le cimetière du Père-Lachaise, à Paris. Au fil de ce roman, des vies se télescopent, des destins se lient, des êtres se trouvent ou se séparent. Les personnages rebondissent d’un chapitre à l’autre, tous réunis dans cette mystérieuse nécropole par l’absence, le manque, le deuil, l’espoir d’une renaissance. Si la mort a un jour croisé leur chemin et redessiné leur parcours, sa présence n’arrive jamais à obscurcir cette valse mi-joyeuse, mi-tragique, au terme de laquelle l’un d’eux va disparaître.Et le lien pour découvrir le livre : https://www.editionsmarieromaine.fr/product-page/avenue-du-p%C3%A8re-lachaise-monique-blond Merci pour votre lecture !
La danse du papillon provient d’un texte court produit pendant un atelier d’écriture que j’avais suivi il y a une trentaine d’années. Par la suite, j’ai repris cet écrit à plusieurs reprises, tout en rédigeant d’autres textes sans rapport avec cette ébauche. C’est plus tard que, disposant de temps et de disponibilité d’esprit, j’ai ressorti de mon ordinateur les brouillons successifs du petit texte initial pour travailler encore et encore une histoire dont je ne savais pas très bien où elle allait. Et petit à petit, quelque chose a commencé à prendre forme, qui s’était éloigné du tout premier texte d’atelier, qui puisait aussi dans d’autres textes moins anciens et se nourrissait de fragments nouveaux, parmi lesquels des ébauches écrites pendant des séances de l’Atelier sous les toits. Le soir, des personnages s’invitaient dans mes rêveries, rechignant parfois contre ce que je venais de leur faire faire ou contre le prénom que je leur avais donné, formant petit à petit l’histoire à ma place. Je griffonnais quelques notes et le lendemain, j’essayais de traduire ces notes en écriture… essais parfois fructueux, pas toujours ! Parvenir à la forme aboutie de La danse du papillon m’a pris plus de six ans. Si je reviens sur ce travail d’écriture, je peux distinguer plusieurs aspects. D’abord, le travail de la phrase : portée à écrire de longues phrases pleines de digressions et d’incises dans tous les sens, j’ai dû énormément les retravailler. Pendant plusieurs années, j’écrivais chaque jour un ou deux paragraphes, ou seulement deux ou trois lignes, et je les raturais et les réécrivais indéfiniment les jours suivants en me disant que c’était nul, et moi avec. L’écriture de La danse du papillon m’a servi d’exercice d’écriture mais aussi, en étant aussi quotidiennement présente, m’a coupée d’autres formes, comme par exemple la forme poétique dont je me suis éloignée à regret. Ensuite le travail de la structure : comment organiser l’histoire, présenter les évènements, ménager un certain suspens. Longtemps, le récit n’avait aucune structure, probablement aussi parce que les grandes lignes de l’histoire n’étaient pas encore clairement définies. Puis, quelque chose a « pris » et la structure est apparue. Evidemment, je n’avais pas fait de frise chronologique et mes personnages apparaissaient n’importe quand, à rebrousse-temps : pourquoi pas, en théorie, un récit temporellement déstructuré, mais cela ne se prêtait pas à l’histoire que je voulais raconter. Je me suis donc emmêlé les pinceaux jusqu’à ce que ça tienne à peu près et que je déclare la structure achevée. Désireuse d’en finir, je n’ai pas écouté la petite voix intérieure qui tentait de me dire qu’en fait la structure était bancale. Cécile, à qui j’ai confié la relecture de la première version de ce récit dans le cadre de l’Atelier Face à Face, m’en a aussitôt fait la remarque. Il a fallu me remettre à la tâche, couper, tailler et retailler et m’apercevoir qu’avec la nouvelle combinaison, ça ne collait plus, des évènements se produisent dans le mauvais sens, des gens mouraient avant d’être nés etc…. Finalement, ça c’est fait, en quelques mois. La manuscrit terminé, j’en ai éprouvé à la fois de la joie et de la légèreté. Je n’avais pas l’idée que cet écrit puisse être publié. Je l’ai offert à mes proches en format A4 et c’est de mon entourage qu’est venu l’encouragement à chercher un éditeur… J’ai mis du temps à faire la démarche, je ne me sentais pas légitime et je me demandais ce qu’un bouquin de plus viendrait ajouter à des masses et des masses de livres publiés chaque semaine…. Nombreux ont été les refus implicites (pas de réponse sous 4 mois signifie un refus) et les refus par courrier, certains assortis de commentaires encourageants, jusqu’à ce que les éditions de l’Harmattan acceptent de le publier. Je continue à me demander si publier est une fin en soi : ce qui a compté le plus, c’est d’avoir écrit. Mais maintenant, je ne peux plus faire abstraction du fait que ce livre est publié et c’est vrai que savoir son texte lu par d’autres yeux, d’autres oreilles, par des âmes éloignées que l’on ne connaît pas, et parfois en recevoir un témoignage, c’est tellement fort ! D’une certaine façon, on en fait l’expérience à une autre échelle en atelier d’écriture ou dans le blog de l’Atelier : le partage de ce que l’on a écrit, le retour des lecteurs ou des auditeurs (selon la forme de l’atelier) est une expérience du risque, de la remise en question mais aussi du partage et de la joie. La danse du papillon se commande dans toutes les librairies, sur les sites de vente en ligne et sur le site des éditions de l’Harmattan : https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_danse_du_papillon_aliette_zumthor_sallee-9782140294846-74491.html
Tout est parti d’un courrier de lecteur, découvert en septembre 2019 : un professeur de physique-chimie reconnaît, dans sa classe, le fils de son ancien harceleur, qui ressemble trait pour trait à son père. Il s’inquiète auprès de la psychologue de sa réaction possible envers cet élève : ne sera-t-il pas tenté de lui faire payer les persécutions du père, même inconsciemment ? La thérapeute lui répond, entre autres choses, qu’il y a là matière à écrire un roman ! Le samedi, à l’atelier Petits Papiers, chez Cécile et Philippe, je choisis d’écrire un texte inspiré de cette histoire, au gré des fameux « petits papiers ». Les retours plutôt positifs m’encouragent à peaufiner à la maison ma nouvelle Le Portrait de son père, que j’envoie à trois ou quatre revues. L’envie d’aller plus loin ne me quitte pas et je m’inscris à un atelier Premier Roman (en formation pro), pour transformer la nouvelle en roman. En avril 2020, la revue Brèves m’appelle pour m’informer qu’elle souhaite publier Le Portrait de son père dans son numéro 116 (collectif « Jeunesse »). Cela renforce encore ma motivation pour le roman, dont j’achève le premier jet en juin. Je poursuis la réécriture les mois suivants. En plus des retours obtenus en atelier, je fais « diagnostiquer » mon texte en janvier 2021 par un site professionnel, puis, après l’avoir remanié, je commence à envoyer mon manuscrit à des éditeurs en septembre 2021, assorti d’une lettre de présentation longuement travaillée, d’un synopsis, etc. Je continue mes envois jusqu’en mars 2022. Sur la quarantaine d’éditeurs contactés, j’obtiendrai six réponses, toutes négatives, mais parfois encourageantes (quand même !). Enfin, en avril 2022, un éditeur (IGB) me téléphone : il a aimé mon roman, mais attend d’avoir l’avis de son comité de lecture et de son associée pour me donner un accord définitif. La même semaine (!), les Editions Il est Midi me contactent à leur tour pour me proposer directement un contrat. C’est avec eux que je signe, en juin 2022. Mon roman, le Fils de l’autre, sort le 10 octobre. L’expérience a été intéressante, même si le livre n’est vendu que sur commande (en librairie, à la Fnac, chez Amazon et sur tous les sites marchands), donc peu visible. Par ailleurs, Il est Midi n’organise pas de dédicaces et ne participe pas à des salons. Enfin, je n’ai jamais rencontré mes éditeurs, nous n’avons échangé que par mail et au téléphone. J’ai donc réalisé moi-même mon dossier de presse et obtenu deux chroniques (sur Femina.fr et Télé-7-Jours) et deux interviews. Un club de lecture, à Pierrefonds, m’a également invitée à une journée de présentation, et je me suis inscrite à deux salons en 2023 (réponse en attente). L’aventure continue, sans bruit, mais c’est formateur… Encore merci à Cécile et Philippe, dont l’atelier Petits Papiers m’a permis de poser les jalons de mon projet. Je leur ai même volé une très jolie phrase, tirée au hasard des « petits papiers » et que j’ai gardée dans le roman, bien évidemment ! Monique Coant-Blond Pour en savoir plus sur le livre, n’hésitez pas à aller sur mes pages Facebook https://www.facebook.com/profile.php?id=100082078084319 et Instagram https://www.instagram.com/emsie_blond/?hl=fr ou, pourquoi pas, sur le site de l’éditeur https://editions-il-est-midi.eproshopping.fr/1740324-LE-FILS-DE-L-AUTRE-Monique-Coant-Blond
LIVRES AIMÉS
J’ai aimé l’atmosphère; j’ai souri ; j’ai admiré le style; j’ai râlé de frustration lorsque je découvrais les personnages petit à petit et non bien campés en début de livre ; j’ai frémi devant le suspens de l’histoire et des personnages; je me suis laissée bercer par l’ambivalence constante entre rêve et réalité; j’ai été touchée quand j’ai enfin compris les visites d’amitié et de souvenirs de ce groupe hétéroclite et j’ai même versé une larme en refermant le livre.
En passant dans le rayons BD (au RDC, pour les grands, pas au 3e chez les enfants) d’une médiathèque, je me suis arrêtée sur Profession du père, de Sébastien Gnaedig. C’est une adaptation du roman de Sorj Chalandon. Je vous le dis tout de suite : je n’ai pas lu la version sans images. Mais la version adaptée a renforcé l’envie de la découvrir, même si je peux m’attendre à une violence accrue. En noir et blanc, en quelques dessins, l’intensité est présente. La dérive d’une homme dans une période sombre de l’histoire de France. « Les événements » dans nos livres d’histoire, pour ne pas dire « la guerre » d’Algérie. Je ne sais pas ce qu’en pensent celles et ceux qui ont lu S. Chalandon. Cette adaptation est une introduction, une ouverture. Profession du père est publié aux éditions Futuropolis en 2018.
Le point de départ de l’auteure est que nous avons été, ou serons, toutes et tous un jour confrontés à la mort de notre mère. La narratrice, journaliste célibataire de 31 ans, décrit ce qui l’oppose à sa sœur, mariée, 2 enfants. Leur mère meurt brutalement. Assassinée. Le lecteur suit avec la narratrice l’enquête, les arrangements pour vider la maison, ce que deviennent les relations familiales et sociales lorsque l’on perd sa mère aussi dramatiquement. Des secrets vont au fil des pages transformer des vérités jusqu’ici bien établies. Il y a beaucoup d’humour dans ces pages. Et des rebondissements. Le récit m’a parlé, souvent. Mère disparue est paru en 2007, édité par les éditions Philippe Rey.
Trois livres en forme de trilogie de Deborah Levy, auteure sud-africaine vivant en Grande-Bretagne : Le goût de la vie, Ce que je ne veux pas savoir et Etat des lieux. Les ouvrages sont traduits par Céline Leroy. Une écriture très ancrée dans la vie, mais en même temps très subtile, où l’auteure à la fois s’interroge sur la présence du passé dans le présent, et très souvent décale notre regard sur des évènements très simples et quotidiens pour en dégager un aspect neuf. Elle y excelle lorsqu’elle questionne, sans verser dans la démonstration, les rapports de genre, son travail d’écrivaine, ses rêves non réalisés. Elle est souvent drôle, légère et toujours intéressante. Merci à la traduction excellente.
Le cercle des menteurs ou Contes Philosophiques du monde entier rapportés par Jean-Claude Carrière. Habituellement, le terme de « contes philosophiques » me donne envie de rebrousser chemin car c’est un genre dont le ton appuyé, l’intention de donner des leçons produit souvent des textes ennuyeux et « voulus » (ce n’est que mon avis !). Ici, c’est tout le contraire : histoires courtes, du conte à la blague, racontées avec le brio qu’a Jean-Claude Carrière pour s’exprimer. Si l’on connait sa voix, on a l’impression en lisant qu’il est présent et qu’il conte à haute voix. Le premier comme le deuxième tome sont des régals. (en photo le deuxième tome)
Un texte très court (78 pages) sur la maladie contractée à son travail par le père du narrateur. Ce que j’ai aimé dans cette écriture, c’est que sous l’apparente pauvreté émotionnelle du texte, l’auteur, en nous livrant la stricte description des faits et gestes des protagonistes, sans à aucun moment ne juger quiconque, nous laisse toute la place pour mobiliser notre propre émotion et penser par nous-mêmes.
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