Je me suis tout de suite senti bien dans ce trou noir, froid, sale. Ça ne fait pas semblant, un endroit comme ça. Parfait pour un paria. J’ai toujours cherché ma place. En fait, plus j’y réfléchis et plus je me dis que c’était pas ma place que je cherchais. C’était la même place que tout le monde. Quelque chose de lisse, dans la norme. Un deux-pièces lumineux, moderne, mais avec parquet ancien tout de même et son lot de clichés insupportables.
Un trou, ça isole. Personne ne veut y venir.
C’était en me baladant. Tout simplement. Je suis tombé dessus comme on tombe sur une plaque d’égout. Un trou en plein Paris, un truc inespéré! J’y tiens debout, assis, allongé. Je touche les parois dans toutes les positions: ça me rassure. Elles sont granuleuses, rugueuses au toucher. Juste ce qu’il faut d’accueillant.
Petit, quand j’y pense, je me cachais souvent dans l’armoire. J’aimais bien, j’espérais y découvrir des mondes imaginaires je crois, mon Narnia à moi. À l’école, j’ai continué: je restais enfermé aux toilettes, tranquille. Puis est arrivé l’âge adulte et j’ai récidivé, enfermé dans un minuscule bureau, minable. Je n’ai jamais quitté mon trou, en fait. Je ne sais pas vivre autrement. Et je finirai dans un trou. Voilà qui je suis!
On pourrait se dire que c’est triste, imaginer que je le vis mal. Détrompez-vous! Ce sont vos projections. Vous avez été dehors, récemment ? Vous avez regardé le monde, parlé à des gens, écouté les infos ? Je vous le dis, c’est pas un trou mais bien un bunker qu’il faut pour supporter ça. On est fous, tous fous à lier.
Je ne veux rien avoir à faire avec ça.
Ne venez pas me chercher, laissez-moi dans mon trou. Laissez-moi mon insouciance. Si je pouvais, je n’en sortirais plus, jamais. Je vous souhaite à tous un refuge. Un trou bien à vous. Vous me remercierez, je vous l’assure.
