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PUBLICATIONS DES PARTICIPANTS
J’ai fréquenté durant plusieurs années les ateliers d’écriture Sous les Toits de Cécile et Philippe, que je viens de retrouver en novembre avec Les Petits Papiers. Depuis la pandémie, je me suis lancée un peu plus « sérieusement » dans l’écriture et mené certains projets à bien. Après « le Fils de l’autre », que j’ai déjà présenté sur ce blog, « Avenue du Père-Lachaise » est mon deuxième roman. Il est né de ce qui devait, au départ, être un recueil de nouvelles. Celles-ci étaient souvent liées les unes aux autres en une sorte de « suite », je les ai remaniées pour en faire cet OLNI (objet littéraire non identifié), qui a trouvé son éditrice, les Editions Marie Romaine, https://www.editionsmarieromaine.fr/. Ce roman choral est sorti en janvier 2024. En voici le pitchDeux femmes, trois hommes, un lieu : le cimetière du Père-Lachaise, à Paris. Au fil de ce roman, des vies se télescopent, des destins se lient, des êtres se trouvent ou se séparent. Les personnages rebondissent d’un chapitre à l’autre, tous réunis dans cette mystérieuse nécropole par l’absence, le manque, le deuil, l’espoir d’une renaissance. Si la mort a un jour croisé leur chemin et redessiné leur parcours, sa présence n’arrive jamais à obscurcir cette valse mi-joyeuse, mi-tragique, au terme de laquelle l’un d’eux va disparaître.Et le lien pour découvrir le livre : https://www.editionsmarieromaine.fr/product-page/avenue-du-p%C3%A8re-lachaise-monique-blond Merci pour votre lecture !
La danse du papillon provient d’un texte court produit pendant un atelier d’écriture que j’avais suivi il y a une trentaine d’années. Par la suite, j’ai repris cet écrit à plusieurs reprises, tout en rédigeant d’autres textes sans rapport avec cette ébauche. C’est plus tard que, disposant de temps et de disponibilité d’esprit, j’ai ressorti de mon ordinateur les brouillons successifs du petit texte initial pour travailler encore et encore une histoire dont je ne savais pas très bien où elle allait. Et petit à petit, quelque chose a commencé à prendre forme, qui s’était éloigné du tout premier texte d’atelier, qui puisait aussi dans d’autres textes moins anciens et se nourrissait de fragments nouveaux, parmi lesquels des ébauches écrites pendant des séances de l’Atelier sous les toits. Le soir, des personnages s’invitaient dans mes rêveries, rechignant parfois contre ce que je venais de leur faire faire ou contre le prénom que je leur avais donné, formant petit à petit l’histoire à ma place. Je griffonnais quelques notes et le lendemain, j’essayais de traduire ces notes en écriture… essais parfois fructueux, pas toujours ! Parvenir à la forme aboutie de La danse du papillon m’a pris plus de six ans. Si je reviens sur ce travail d’écriture, je peux distinguer plusieurs aspects. D’abord, le travail de la phrase : portée à écrire de longues phrases pleines de digressions et d’incises dans tous les sens, j’ai dû énormément les retravailler. Pendant plusieurs années, j’écrivais chaque jour un ou deux paragraphes, ou seulement deux ou trois lignes, et je les raturais et les réécrivais indéfiniment les jours suivants en me disant que c’était nul, et moi avec. L’écriture de La danse du papillon m’a servi d’exercice d’écriture mais aussi, en étant aussi quotidiennement présente, m’a coupée d’autres formes, comme par exemple la forme poétique dont je me suis éloignée à regret. Ensuite le travail de la structure : comment organiser l’histoire, présenter les évènements, ménager un certain suspens. Longtemps, le récit n’avait aucune structure, probablement aussi parce que les grandes lignes de l’histoire n’étaient pas encore clairement définies. Puis, quelque chose a « pris » et la structure est apparue. Evidemment, je n’avais pas fait de frise chronologique et mes personnages apparaissaient n’importe quand, à rebrousse-temps : pourquoi pas, en théorie, un récit temporellement déstructuré, mais cela ne se prêtait pas à l’histoire que je voulais raconter. Je me suis donc emmêlé les pinceaux jusqu’à ce que ça tienne à peu près et que je déclare la structure achevée. Désireuse d’en finir, je n’ai pas écouté la petite voix intérieure qui tentait de me dire qu’en fait la structure était bancale. Cécile, à qui j’ai confié la relecture de la première version de ce récit dans le cadre de l’Atelier Face à Face, m’en a aussitôt fait la remarque. Il a fallu me remettre à la tâche, couper, tailler et retailler et m’apercevoir qu’avec la nouvelle combinaison, ça ne collait plus, des évènements se produisent dans le mauvais sens, des gens mouraient avant d’être nés etc…. Finalement, ça c’est fait, en quelques mois. La manuscrit terminé, j’en ai éprouvé à la fois de la joie et de la légèreté. Je n’avais pas l’idée que cet écrit puisse être publié. Je l’ai offert à mes proches en format A4 et c’est de mon entourage qu’est venu l’encouragement à chercher un éditeur… J’ai mis du temps à faire la démarche, je ne me sentais pas légitime et je me demandais ce qu’un bouquin de plus viendrait ajouter à des masses et des masses de livres publiés chaque semaine…. Nombreux ont été les refus implicites (pas de réponse sous 4 mois signifie un refus) et les refus par courrier, certains assortis de commentaires encourageants, jusqu’à ce que les éditions de l’Harmattan acceptent de le publier. Je continue à me demander si publier est une fin en soi : ce qui a compté le plus, c’est d’avoir écrit. Mais maintenant, je ne peux plus faire abstraction du fait que ce livre est publié et c’est vrai que savoir son texte lu par d’autres yeux, d’autres oreilles, par des âmes éloignées que l’on ne connaît pas, et parfois en recevoir un témoignage, c’est tellement fort ! D’une certaine façon, on en fait l’expérience à une autre échelle en atelier d’écriture ou dans le blog de l’Atelier : le partage de ce que l’on a écrit, le retour des lecteurs ou des auditeurs (selon la forme de l’atelier) est une expérience du risque, de la remise en question mais aussi du partage et de la joie. La danse du papillon se commande dans toutes les librairies, sur les sites de vente en ligne et sur le site des éditions de l’Harmattan : https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_danse_du_papillon_aliette_zumthor_sallee-9782140294846-74491.html
Tout est parti d’un courrier de lecteur, découvert en septembre 2019 : un professeur de physique-chimie reconnaît, dans sa classe, le fils de son ancien harceleur, qui ressemble trait pour trait à son père. Il s’inquiète auprès de la psychologue de sa réaction possible envers cet élève : ne sera-t-il pas tenté de lui faire payer les persécutions du père, même inconsciemment ? La thérapeute lui répond, entre autres choses, qu’il y a là matière à écrire un roman ! Le samedi, à l’atelier Petits Papiers, chez Cécile et Philippe, je choisis d’écrire un texte inspiré de cette histoire, au gré des fameux « petits papiers ». Les retours plutôt positifs m’encouragent à peaufiner à la maison ma nouvelle Le Portrait de son père, que j’envoie à trois ou quatre revues. L’envie d’aller plus loin ne me quitte pas et je m’inscris à un atelier Premier Roman (en formation pro), pour transformer la nouvelle en roman. En avril 2020, la revue Brèves m’appelle pour m’informer qu’elle souhaite publier Le Portrait de son père dans son numéro 116 (collectif « Jeunesse »). Cela renforce encore ma motivation pour le roman, dont j’achève le premier jet en juin. Je poursuis la réécriture les mois suivants. En plus des retours obtenus en atelier, je fais « diagnostiquer » mon texte en janvier 2021 par un site professionnel, puis, après l’avoir remanié, je commence à envoyer mon manuscrit à des éditeurs en septembre 2021, assorti d’une lettre de présentation longuement travaillée, d’un synopsis, etc. Je continue mes envois jusqu’en mars 2022. Sur la quarantaine d’éditeurs contactés, j’obtiendrai six réponses, toutes négatives, mais parfois encourageantes (quand même !). Enfin, en avril 2022, un éditeur (IGB) me téléphone : il a aimé mon roman, mais attend d’avoir l’avis de son comité de lecture et de son associée pour me donner un accord définitif. La même semaine (!), les Editions Il est Midi me contactent à leur tour pour me proposer directement un contrat. C’est avec eux que je signe, en juin 2022. Mon roman, le Fils de l’autre, sort le 10 octobre. L’expérience a été intéressante, même si le livre n’est vendu que sur commande (en librairie, à la Fnac, chez Amazon et sur tous les sites marchands), donc peu visible. Par ailleurs, Il est Midi n’organise pas de dédicaces et ne participe pas à des salons. Enfin, je n’ai jamais rencontré mes éditeurs, nous n’avons échangé que par mail et au téléphone. J’ai donc réalisé moi-même mon dossier de presse et obtenu deux chroniques (sur Femina.fr et Télé-7-Jours) et deux interviews. Un club de lecture, à Pierrefonds, m’a également invitée à une journée de présentation, et je me suis inscrite à deux salons en 2023 (réponse en attente). L’aventure continue, sans bruit, mais c’est formateur… Encore merci à Cécile et Philippe, dont l’atelier Petits Papiers m’a permis de poser les jalons de mon projet. Je leur ai même volé une très jolie phrase, tirée au hasard des « petits papiers » et que j’ai gardée dans le roman, bien évidemment ! Monique Coant-Blond Pour en savoir plus sur le livre, n’hésitez pas à aller sur mes pages Facebook https://www.facebook.com/profile.php?id=100082078084319 et Instagram https://www.instagram.com/emsie_blond/?hl=fr ou, pourquoi pas, sur le site de l’éditeur https://editions-il-est-midi.eproshopping.fr/1740324-LE-FILS-DE-L-AUTRE-Monique-Coant-Blond
LIVRES AIMÉS
J’ai aimé l’atmosphère; j’ai souri ; j’ai admiré le style; j’ai râlé de frustration lorsque je découvrais les personnages petit à petit et non bien campés en début de livre ; j’ai frémi devant le suspens de l’histoire et des personnages; je me suis laissée bercer par l’ambivalence constante entre rêve et réalité; j’ai été touchée quand j’ai enfin compris les visites d’amitié et de souvenirs de ce groupe hétéroclite et j’ai même versé une larme en refermant le livre.
En passant dans le rayons BD (au RDC, pour les grands, pas au 3e chez les enfants) d’une médiathèque, je me suis arrêtée sur Profession du père, de Sébastien Gnaedig. C’est une adaptation du roman de Sorj Chalandon. Je vous le dis tout de suite : je n’ai pas lu la version sans images. Mais la version adaptée a renforcé l’envie de la découvrir, même si je peux m’attendre à une violence accrue. En noir et blanc, en quelques dessins, l’intensité est présente. La dérive d’une homme dans une période sombre de l’histoire de France. « Les événements » dans nos livres d’histoire, pour ne pas dire « la guerre » d’Algérie. Je ne sais pas ce qu’en pensent celles et ceux qui ont lu S. Chalandon. Cette adaptation est une introduction, une ouverture. Profession du père est publié aux éditions Futuropolis en 2018.
Le point de départ de l’auteure est que nous avons été, ou serons, toutes et tous un jour confrontés à la mort de notre mère. La narratrice, journaliste célibataire de 31 ans, décrit ce qui l’oppose à sa sœur, mariée, 2 enfants. Leur mère meurt brutalement. Assassinée. Le lecteur suit avec la narratrice l’enquête, les arrangements pour vider la maison, ce que deviennent les relations familiales et sociales lorsque l’on perd sa mère aussi dramatiquement. Des secrets vont au fil des pages transformer des vérités jusqu’ici bien établies. Il y a beaucoup d’humour dans ces pages. Et des rebondissements. Le récit m’a parlé, souvent. Mère disparue est paru en 2007, édité par les éditions Philippe Rey.
Trois livres en forme de trilogie de Deborah Levy, auteure sud-africaine vivant en Grande-Bretagne : Le goût de la vie, Ce que je ne veux pas savoir et Etat des lieux. Les ouvrages sont traduits par Céline Leroy. Une écriture très ancrée dans la vie, mais en même temps très subtile, où l’auteure à la fois s’interroge sur la présence du passé dans le présent, et très souvent décale notre regard sur des évènements très simples et quotidiens pour en dégager un aspect neuf. Elle y excelle lorsqu’elle questionne, sans verser dans la démonstration, les rapports de genre, son travail d’écrivaine, ses rêves non réalisés. Elle est souvent drôle, légère et toujours intéressante. Merci à la traduction excellente.
Le cercle des menteurs ou Contes Philosophiques du monde entier rapportés par Jean-Claude Carrière. Habituellement, le terme de « contes philosophiques » me donne envie de rebrousser chemin car c’est un genre dont le ton appuyé, l’intention de donner des leçons produit souvent des textes ennuyeux et « voulus » (ce n’est que mon avis !). Ici, c’est tout le contraire : histoires courtes, du conte à la blague, racontées avec le brio qu’a Jean-Claude Carrière pour s’exprimer. Si l’on connait sa voix, on a l’impression en lisant qu’il est présent et qu’il conte à haute voix. Le premier comme le deuxième tome sont des régals. (en photo le deuxième tome)
Un texte très court (78 pages) sur la maladie contractée à son travail par le père du narrateur. Ce que j’ai aimé dans cette écriture, c’est que sous l’apparente pauvreté émotionnelle du texte, l’auteur, en nous livrant la stricte description des faits et gestes des protagonistes, sans à aucun moment ne juger quiconque, nous laisse toute la place pour mobiliser notre propre émotion et penser par nous-mêmes.
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14. Musique pour un piano flottant
En cette fin d’après-midi de juillet 2012, les grilles du château de la Nolicière viennent juste de s’ouvrir. J’aperçois quelques silhouettes avancer dans l’allée. La plupart s’en vont vers la droite pour rejoindre la demeure de Maximilien mais d’autres empruntent le sentier sur la gauche. Ce sentier conduit tout droit vers l’étang où je me suis souvent baigné avec Max et sa bande. Mais l’heure n’étant pas à la baignade, je me demande ce qui se trame dans ce coin, à la tombée du jour. J’entends derrière moi un bruit de pas sur le gravier, c’est une jeune fille brune, mystérieuse, d’une beauté sidérante, qui me sourit. Un sourire désarmant dans une robe du soir blanche, toute de légèreté. Une rose rouge est posée sur son épaule.
Depuis maintenant quatre ans, parmi la bande que nous formions en juin 2008 dans les classes de terminales du lycée Barny, Maximilien est le seul à ne s’être jamais soucié d’avoir à poursuivre des études, encore moins d’avoir à travailler. Être l’unique héritier d’une famille de milliardaires permet parfois de jouir de la vie sans entrave ou, du moins, de ne pas avoir à se soucier des moyens de subsistance. En revanche au lycée, de la sixième à la terminale, il a toujours été le plus brillant d’entre nous et cela, dans toutes les matières. À défaut de s’insérer dans la vie active, il aurait pu aisément se consacrer à des études de son choix. Des circonstances malheureuses en décidèrent autrement.
Le jour où il eut le résultat de son baccalauréat S obtenu avec mention très bien, ses parents et la belle Aurélie, sa fiancée de l’époque, mourraient ensemble dans un terrible accident de voiture. Maximilien passa alors plus d’un an dans une solitude et un désarroi effrayants. Max le bienheureux était devenu l’inconsolable, prostré, enfermé dans ce qui ne prévient pas mais qui parfois arrive : le mal de vivre. Un mal de vivre que rien ni personne ne parvenait à dissiper. Nous avons longtemps pensé que le jour ne viendrait jamais où Max serait de nouveau celui que nous avions toujours connu, un esprit fin, joueur, toujours prêt à rire de tout. Et puis ce jour béni vint enfin, comme dans le final de Barbara, ça ne prévient pas ça arrive, ça s’est promené de rive en rive, c’est presque rien mais c’est là, ça vous émerveille : la joie de vivre.
Cependant, le souvenir de son baccalauréat, à la fois réussi avec une mention très bien mais surtout lié à trois morts insupportables, fit qu’il refusa définitivement d’aller réussir quoi que ce soit d’autre, à l’université ou dans une quelconque grande école. En revanche, il ne renonça jamais et ne renonce toujours pas à son goût pour la musique. Cela fait maintenant trois ans qu’il y consacre, avec une générosité sans borne, son temps et sa fortune. Des concerts extraordinaires, toujours plus extravagants les uns que les autres, sont organisés par Maximilien von Proserbiere, aux quatre coins du monde.
Aussi aujourd’hui l’heure n’est plus à réveiller le passé et ses fantômes mais bien à jouir de l’éternelle générosité de Max qui, fidèle à lui-même et à la musique, nous réserve encore un de ses concerts surprise dont il a le secret. L’événement n’a pas lieu à l’autre bout du monde mais chez lui, à la Nolicière. Pour une fois les invités n’auront pas à prendre un avion affrété par les bons soins de Max pour se rendre au concert. Ce ne sera donc ni du rock en Australie ni du jazz en Suède mais un concert à la maison. Le principe est resté cependant le même : Max envoie ses invitations au dernier moment, sans jamais dire à l’avance de quelle musique il s’agira ni quoi que ce soit de son petit festival qui dure en général au minimum trois jours.
Il règne à l’intérieur du salon d’été le brouhaha des jours de fête. J’aperçois sur la gauche, sous un autoportrait d’Andy Warhol, la jeune fille à la rose rouge de tout à l’heure. Je m’en approcherais volontiers mais elle est en grande conversation avec un groupe de personnes que je ne connais que trop bien. Un attroupement est en train de se constituer autour du piano Steinway and Sons aujourd’hui curieusement surélevé dans une sorte de grande remorque, comme pour être transporté. Plus loin, sous le tableau d’Edward Hopper, dont je sais que Max a tout fait pour qu’il ne soit pas présenté à la prochaine expo d’octobre au Grand Palais, les conversations vont bon train sur le nouveau gouvernement en place depuis deux mois : « T’as vu Hollande sur les Champs pour le 14 juillet ? » Me lance l’ami Bastien. La première image qui me vient à l’esprit est bien Hollande sur les Champs-Elysées mais deux mois avant, le 15 mai, sous une pluie battante.
– Oui je l’ai vu à la télé comme tout le monde et… pour une fois Rainman n’était pas sous la pluie
– Ouais mais Rainman, comme tu dis, c’est quand même autre chose que Sarko. On lui reproche de faire du Mitterrand mais si c’est pour investir dans la culture, les arts, la musique… ben moi je dis tant mieux ! À propos de Mitterrand, j’ai vu des archives INA qui datent de 1981… neuf ans avant notre naissance, on le voit déambuler dans le Panthéon avec une rose rouge et…
– Tiens c’est marrant, j’étais justement en train de penser à une rose rouge… Au fait ? Tu ne devais pas partir pour les jeux olympiques de Londres ?
– Entre les jeux à Londres et un concert chez Max, qu’est-ce que tu choisis ?
– Max. Et en plus je sens qu’ici on ne va pas en décoller pendant au moins trois jours. Com dab !
– À propos des J.O. de Londres, figure-toi qu’ils ont fait appel à l’architecte des concerts de Max pour la construction du stade olympique.
J’apprends par la même occasion que le concert de ce soir n’aura pas lieu dans le château, comme je l’imaginais, mais en plein air, dans les jardins du parc, près de l’étang. Je comprends maintenant pourquoi certaines personnes avançaient, au moment de mon arrivée, sur le sentier qui mène vers cet étang. Je décide de planter tout le monde dans le salon pour monter dans ma chambre prendre une douche express et me changer. Il faut dire qu’à la Nolicière, je fais en quelque sorte partie des meubles. Six mois après le drame de juin 2008, où Max perdait Charlotte et Albrecht, ses parents, ainsi que la belle Aurélie, sa fiancée qu’il connaissait depuis l’enfance, parmi la petite troupe des amis les plus proches de Max, je fus le premier, avec ma sœur Léa, dont il souhaita la présence. Une présence qui s’avéra indispensable dans les premiers temps, quasiment 24 heures sur 24 que Léa et moi avons passé à nous relayer à tour de rôle auprès de lui. Voilà pourquoi depuis fin 2008 deux chambres sont devenues les nôtres, dans cette immense demeure qu’est la Nolicière.
De retour au salon, tout le monde est déjà sorti. Je traverse le salon désert où je constate que même le Steinway a disparu et je franchis la grande porte-fenêtre, ouverte sur le parc, d’où j’aperçois la foule des grands soirs disséminée dans les jardins. Je m’en veux d’avoir manqué le départ de la belle brune à la rose rouge mais j’ai bien l’intention de la rejoindre avant le début du concert.
C’est une vraie nuit d’été où un petit vent souffle une tiédeur douce et caressante. Je me demande pourquoi les gens se rassemblent tout au bord de l’étang comme si le concert, à l’instar du monstre du Loch Ness, allait surgir de l’eau. Je sais bien qu’avec Max il faut s’attendre à tout mais… et pourtant oui, le concert ne surgira pas de l’eau mais il aura lieu à la surface de l’eau : le Steinway and Sons, transporté jusqu’au bord de l’étang grâce à la remorque aperçue dans le salon d’été, est soulevé par quatre déménageurs de piano en smoking. Ils le fixent maintenant au-dessus de l’eau sur un support en bois, une sorte de radeau et, instant magique, le piano se met à flotter à la surface de l’étang.
Il faut dire que l’endroit est déjà exceptionnel en soi : un étang aux dimensions respectables tout entouré d’énormes rochers, aux formes mystérieuses, qui font penser à des sculptures dans lesquelles s’enchâssent de magnifiques branches de chênes plusieurs fois centenaires. Je croyais bien connaître ce lieu pour m’y être souvent baigné mais là, je suis stupéfait devant l’astucieuse installation qui a été réalisée tout autour de l’étang.
Il y a d’abord, pour les plus âgés, toute une série de sièges posés directement sur les berges ; c’est ensuite tout un fourmillement de petits sièges installés ailleurs, sur plusieurs niveaux, à la fois sur les gros rochers mais aussi sur les solides branches de ces chênes hors d’âge, qui permettent aussi bien de s’asseoir dans un certain confort que de ne rien manquer de ce qui va se jouer à la surface de l’eau. Ces sièges sont donc regroupés tantôt sur un arbre, tantôt sur un rocher auxquels on accède par des marches en bois installées pour l’occasion mais aussi, réservé aux plus jeunes, par tout un système très sécurisé d’échelles en corde qui permettent d’aller se poser en hauteur dans les arbres. Le tout est magnifiquement mis en valeur par des spots, judicieusement placés, qui ont l’avantage d’éclairer tout en accentuant la beauté du lieu où minéral et végétal s’entremêlent en parfaite harmonie.
Une fois de plus, la générosité de Max n’a connu aucune limite : sont rassemblés autour de l’étang les habitués des concerts précédents mais aussi une foule de gens, de tous les milieux, venus du village voisin et d’un peu partout aux alentours. Il faut dire que Max est devenu, depuis quelque temps, une figure populaire dans la région. Il est d’ailleurs peut-être dommage qu’il ne s’intéresse pas plus à la politique car il serait sûrement élu. Je constate aussi que le dispositif ingénieux des sièges permet aux gens de se placer par affinités, sur les berges, parmi les rochers ou parmi le branchage des arbres. Du coup je me demande où a bien pu passer ma chouette bande de potes au moment où je reçois un sms du camarade Bastien :
VALENTIN NOUS SOMMES JUSTE AU-DESSUS DE TA TÊTE LOL
Il n’y a vraiment pas de quoi loler ; il a fallu qu’ils aillent se percher sur les plus hautes branches. Je ne me fais pas longtemps prier pour emprunter à mon tour l’échelle en corde et pour cause : une robe blanche, celle de ma mystérieuse brune à la rose rouge, est en train de grimper pour rejoindre le groupe. Là-haut mon siège est placé juste derrière elle. Mais là se pose pour moi le problème de savoir comment l’aborder, comment trouver un signe pour entrer en contact avec cette jeune fille dont l’impressionnante beauté renforce ma timidité. J’entends dans les conversations qu’elle s’appelle Sylvie. Sylvie du latin Silvia, féminin de Silvius, qui vient de silva, la forêt… voilà peut-être pourquoi, même en robe du soir, elle grimpe si bien aux arbres. En tout cas nous voilà maintenant rassemblés dans une situation digne du Baron perché d’Italo Calvino.
Soudain, l’éclairage baisse d’intensité. Seul le piano flottant est éclairé tandis que s’avance dans la lumière, au milieu des applaudissements, un des plus grands interprètes qu’il soit : le pianiste Kalil IVIRAYANA. Après quelques saluts chaudement soutenus par le public, il prend place à bord du radeau et s’assoit face au clavier du Steinway qui se met alors à avancer en douceur, comme à glisser à la surface de l’eau. Le spectacle est magnifique : des bougies installées sur et autour du piano se reflètent dans l’eau. Une eau dont la surface est elle-même parsemée de bougies posées sur de minuscules radeaux en bois envoyés, comme ça, au hasard d’une flottaison qui me rappelle l’Inde, les cérémonies nocturnes sur le Gange.
Mais l’enchantement n’est pas que visuel : à la fin des applaudissements, Kalil laisse filer au bout de ses doigts les premières notes du second mouvement du concerto italien de Bach BWV 971 qu’il exécute dans une sobriété majestueuse. Peut-on rêver d’un meilleur choix pour débuter ce récital de piano que ce second mouvement si lent, si beau ? On peut penser que le fait de jouer Bach sur un piano flottant n’est rien d’autre qu’une sorte de gadget, un artifice bien inutile ou même nuisible au beau son du Steinway and Sons qui se retrouve ainsi perdu, voire inaudible puisque noyé dans une ambiance d’extérieur. Il n’en est rien : un dispositif architectural, discrètement placé tout autour du groupe d’arbres et de rochers qui entourent l’étang, permet au contraire au piano de conserver la même qualité sonore que dans une salle de concert. D’après ce que je viens d’apprendre par Bastien sur les jeux olympiques de Londres, ils ont utilisé ce procédé pour installer le stade olympique, certes bien plus immense, mais d’une structure similaire, parfaitement écologique et démontable. Ici, à la Nolicière, c’est l’aspect acoustique de cette structure qui a été privilégié. Un dispositif qui passe totalement inaperçu puisque transparent et, de plus, en cas d’intempérie il est même possible d’y tendre, jusqu’au dernier moment, un toit qui recouvre l’ensemble. Ce n’est pas la première fois que Max utilise ce dispositif qui lui a souvent permis d’installer ses concerts extravagants dans les endroits les plus inattendus, voire les plus inaccessibles.
Dans le public tout le monde retient son souffle, envahis que nous sommes par la sensation de vivre un moment unique, dans une bulle hors du temps. Le second mouvement de ce concerto italien, composé en 1735, semble avoir été conçu pour traverser le temps et être joué 223 ans plus tard en ce lieu et à cet instant précis, tant le sentiment est fort d’être emporté par une grâce intemporelle, celle du génie de Bach, celle du toucher d’IVIRAYANA, celle de la générosité de Max, celle de cet étang et de ce qui se passe à la surface de l’eau où le piano continue de se déplacer, au milieu de petites flammes parsemées de-ci de-là, tandis que l’andante du concerto se poursuit dans un enchantement total. Il est d’ailleurs difficile de dire comment le radeau se déplace, on a parfois le sentiment qu’il est porté par le son lui-même, par le rythme lent des notes du concerto de Bach.
Bien loin de notre bulle, le hululement d’une chouette parvient jusqu’à nous et se mêle, en arrière-fond, avec le son du piano. Ce hululement accentue soudain le sentiment que, lors d’un concert, tout peut arriver à tout moment, que la musique de l’andante du concerto italien de Bach n’en est que plus vivante, mêlée aux bruits de la vie, aux sons de la nature. Kalil IVIRAYANA lève alors la tête, comme pour accompagner la chouette dans le lointain. Un sourire, que nous percevons tous, illumine son visage. Il s’arrête de jouer, seulement quelques secondes, comme pour mieux jouir encore de cet andante qui repart maintenant de plus belle avant de toucher au sublime. Il se produit alors un de ces moments où la merveille de l’instant présent l’emporte sur tout le reste, un moment de libération totale où s’évaporent les éternelles questions de savoir ce qui se passait avant ou ce qui se passera après. Il ne reste plus que l’instant présent, celui de la musique, celui d’un ici et maintenant dans toute sa fulgurance. Un présent qui nous fait ressentir la justesse des paroles d’IVIRAYANA qui déclarait un jour dans une interview : « Aucun disque ou enregistrement ne peut se substituer à la musique vivante, celle qui s’offre d’un être humain à un autre. Le concert est une expérience intime qu’il nous est donné de vivre dans sa singularité. Les instants de vérité y sont rares mais tellement intenses. »
Kalil IVIRAYANA achève l’andante de ce concerto italien BWV 971 exactement comme il l’a débuté, dans une sobriété majestueuse. Un final qui est alors suivi par un étonnant silence, subjugués que nous sommes par ce qui continue de vivre en nous. Un silence comme un salut à ce que nous venons d’entendre, de voir, de vivre. Je crois que c’est un petit enfant qui, le premier, applaudit en bas sur la berge, bientôt suivi par les applaudissements de tous. Devant moi la belle Sylvie se retourne légèrement. La rose rouge tombe alors de son épaule. Porté par la magie musicale de ce soir de juillet, je décide de la ramasser à ses pieds. J’ai enfin là le plus beau prétexte, le plus beau signe pour entrer en contact avec elle. Trop tard : un blondinet plus rapide que moi s’en empare et, lorsque je me relève, il est déjà à lui dire les choses que j’aurais voulu lui chuchoter dans le creux de l’oreille.
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