Je suis venue sans idée, sans amorce pour écrire aujourd’hui, pour éviter de penser. Mes pensées se tournent vers lui et lui, il n’en a pas la moindre idée. J’aurais peut-être dû aller chez ma mère pour planter des pensées, des géraniums et des myosotis pour qu’il ne m’oublie pas. Au lieu de ça, je pioche des petits papiers dans une urne pleine de promesses, pleine de pensées et d’idées. En voilà une idée ! Un petit mot, une petite idée qui font germer une petite phrase et même une petite histoire.
Comme un petit miracle, les mots des uns et ceux des autres forment un sens, ont le sens qu’on leur donne. On fait naître une petite histoire sur les lignes des cahiers. Cette histoire vaudra-t-elle la peine qu’on la déclare à l’état civil ? Nom, prénom, date de naissance, lieu de naissance, nom du père, nom de la mère et, à la fin, une petite signature de l’officier d’état civil qui constate la naissance de cette petite crevette. Osera-t-il dire aux parents ce qu’il pense de l’enfant qui a les joues roses et le visage rond, qui a l’air heureux et paisible quand il dort ? Sûrement pas. Il est là pour mettre un sceau et enregistrer les naissances. Ce que les histoires deviennent, il ne le saura probablement jamais. Il se prend à rêver que ce sont de belles histoires qui finissent bien, où tout le monde vit heureux et a beaucoup d’enfants à la fin. Il ne veut pas que les tourments prennent plus de place qu’il ne faut. Quand il demande le titre de l’histoire aux parents, il se dit que ça promet plein de peurs, d’angoisses et de mauvais moments. Pauvre petite histoire, à peine née, et déjà prise dans la houle, dans la tempête. Une première phrase qui choque, qui interpelle le lecteur. Au moins quelqu’un s’intéressera à elle. Il a bien vu depuis le temps qu’il travaille à l’état civil que les gens n’aiment pas les histoires lisses et sans encombres. Les gens aiment quand ça fait mal mais seulement quand ça finit bien. L’officier est là aussi pour constater la fin : des fins heureuses, des « et à la fin, il meurt ! », des fins que personne ne comprend, des fins « mais pourquoi cette histoire ? », des fins qui font qu’on a du mal à commencer une nouvelle histoire.
Heureusement qu’il a ses week-ends pour lui laisser le temps de s’imprégner de toutes ces histoires. Ça soulève trop d’émotions en lui, c’est pour ça qu’il a décidé de ne plus rien dire du tout des espoirs qu’il fonde sur une histoire lorsqu’on vient la déclarer.
Le week-end, il jardine aussi. Il arrose ses brins d’herbe qui veulent être plus grands que le figuier. Et il plante ses pensées. Ce sont les premières fleurs du printemps, elles vivent, meurent, repoussent, reviennent à la charge. Elles sont présentes toute l’année si on s’en occupe bien. Et lui, même s’il voudrait encore rêver, il n’arrive pas à échapper à ses pensées.
Il est venu écrire sans idée préconçue pour ne pas penser à elle. Il a besoin de temps pour réfléchir à l’histoire qu’il pourrait avoir tous les deux. Sauf qu’il a décidé de partir enregistrer et déclarer les histoires nées à l’étranger, n’importe où sauf ici, n’importe où loin d’ici. Mais elle, dans tout ça, elle fera quoi ? Comme il ne sait pas, c’est silence radio, il tente d’occuper ses pensées autrement.
Le jardinage ne lui réussit pas, ça ne l’éloigne pas de ses pensées. Il aimerait jeter un coup d’œil à la fin de cette histoire pour voir si elle se passe bien, s’ils s’aimeront toujours, si l’histoire finit bien. Et puis, il se ravise, il voudrait prendre son temps pour savourer chaque instant, chaque mot, chaque phrase qui se déroulent d’heure en heure, de jour en jour.
Elle, elle en est au même chapitre que lui, le chapitre qu’ils ont en commun dans leurs histoires de vie. Les histoires n’ont pas commencé en même temps. C’est un autre officier d’état civil qui lui a dit mais il est tenu par le secret professionnel, il ne peut pas lui dire ce qui s’est passé dans les chapitres précédents de son livre à elle. Il lui a dit : « C’est seulement elle qui peut te raconter sa vie et seulement si elle en a envie ».
Pour qu’ils puissent partager plus qu’un petit chapitre, voire partager cette histoire jusqu’à la dernière ligne, il faut partager ses idées, ses pensées, piocher des petits papiers dans une urne et construire une histoire à deux. S’il veut vraiment cela, il sortira de son silence radio, peut-être à l’issue du week-end quand il se sera bien occupé de son jardin.
Lundi, à la première heure d’ouverture, la première déclaration sera une déclaration d’amour ou une déclaration de rupture. Perdu dans ses pensées, il laisse le destin choisir à sa place ce dont il a vraiment envie au fond de lui : partir seul, ne plus s’attacher à personne pour ne plus avoir mal ou prendre le risque de croire et vivre une fin heureuse.
Il en a vu tellement des fins malheureuses qu’il est prêt à partir, à la laisser sur le carreau ou sur le sable à tenter de le joindre avec un téléphone volé à la réception de l’hôtel et un cerf-volant volé à un enfant.
Elle aussi, elle en a vu des fins malheureuses et des chapitres qui donnent envie de vomir, qui font couler des larmes en n’en plus finir, des chapitres qui la laissaient plantée là, à ne même plus savoir comment tourner la page, des chapitres qui l’ont prévenue : « à la vue des hommes, fuis !». Elle en a décidé autrement, elle ne veut pas finir comme cette vieille folle à Deauville, quoiqu’elle a l’air heureux puisqu’elle croit à son histoire, cette dame.
En tout cas, elle ne veut pas rester sur le carreau à attendre qu’il sorte de son silence radio. Pour ses prochains chapitres, elle veut une belle histoire, pleine d’amour, de promesses tenues, de moments nus sur la plage en bonne compagnie, pas seule avec un téléphone ou un cerf-volant ! Elle veut un bonheur qu’elle pensait jusqu’alors introuvable. Elle a décidé de ne plus chercher, c’est comme ça qu’elle va trouver. Aujourd’hui, elle veut vivre heureuse et libre. Libre d’utiliser ou non les petits papiers dans l’urne, libre d’écrire sa propre histoire. Libre de ne plus souffrir et de choisir que la vie est belle quoiqu’il arrive. Elle ne veut plus s’écrouler, s’effondrer. Elle veut rester debout et croire en l’avenir, ne plus se laisser envahir par les fins malheureuses, les comprendre et les accepter mais être plus forte pour ne pas finir en charpie.
On dit trop souvent « il faut souffrir pour être belle ». Pour elle, il faut être juste heureuse pour être belle. Et Coralie, la vieille folle, sur sa plage de Deauville, elle est sûrement belle. D’ailleurs, Rodolphe, l’enfant au cerf-volant, trouve aussi.
Alors heureuse, elle le sera pour tous les chapitres qu’il lui reste à écrire. L’auteur lui a donné la main jusque-là et lui a dit : « vas seule maintenant trouver le chemin ». Elle a pris la route, elle est heureuse. Elle attend que l’officier d’état civil l’appelle pour être encore plus heureuse. Mais s’il ne le fait pas, elle ne le laissera pas la rendre malheureuse. Elle lui a proposé d’être heureux avec elle. Peut-être qu’il y réfléchit, perdu dans ses pensées.
Pour elle, c’est tout réfléchi, c’est tout compris. Le choix se fera entre être heureuse ou être encore plus heureuse. Ecrire la rend heureuse, même si ça n’a aucun sens, ça donne du sens à sa vie. Il lui a dit d’attendre, de faire preuve de patience. Peut-être qu’elle attendra. Peut-être pas. En attendant, elle a planté des patiences, des fleurs qui prennent leur temps pour germer, pousser, fleurir, s’épanouir. Des fleurs, qui une fois là, ne meurent jamais. C’est elle qui le dit.
Elle n’a pas trop la main verte, elle le sait, ce n’est pas son point fort, tout comme elle n’est pas patiente. Elle veut bien faire un petit effort, même être un peu essoufflée après les deux kilomètres supplémentaires et ne pas râler parce qu’à l’arrivée la vue est superbe. Elle y croit. Lui, elle ne sait pas. Elle le saura peut-être aujourd’hui, peut-être lundi. Elle sait qu’il lui sourit. Elle sait qu’elle en rougit. Elle sait que c’est avec lui qu’elle veut écrire les prochaines lignes, les prochaines pages de sa vie.
Mais lui, il reste à l’écart, constate les naissances d’autres histoires. Elle attend et patiente qu’il comprenne qu’il a lui aussi une histoire à écrire. En attendant, elle vit sa vie, même si c’est sans lui.
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PUBLICATIONS DES PARTICIPANTS
J’ai fréquenté durant plusieurs années les ateliers d’écriture Sous les Toits de Cécile et Philippe, que je viens de retrouver en novembre avec Les Petits Papiers. Depuis la pandémie, je me suis lancée un peu plus « sérieusement » dans l’écriture et mené certains projets à bien. Après « le Fils de l’autre », que j’ai déjà présenté sur ce blog, « Avenue du Père-Lachaise » est mon deuxième roman. Il est né de ce qui devait, au départ, être un recueil de nouvelles. Celles-ci étaient souvent liées les unes aux autres en une sorte de « suite », je les ai remaniées pour en faire cet OLNI (objet littéraire non identifié), qui a trouvé son éditrice, les Editions Marie Romaine, https://www.editionsmarieromaine.fr/. Ce roman choral est sorti en janvier 2024. En voici le pitchDeux femmes, trois hommes, un lieu : le cimetière du Père-Lachaise, à Paris. Au fil de ce roman, des vies se télescopent, des destins se lient, des êtres se trouvent ou se séparent. Les personnages rebondissent d’un chapitre à l’autre, tous réunis dans cette mystérieuse nécropole par l’absence, le manque, le deuil, l’espoir d’une renaissance. Si la mort a un jour croisé leur chemin et redessiné leur parcours, sa présence n’arrive jamais à obscurcir cette valse mi-joyeuse, mi-tragique, au terme de laquelle l’un d’eux va disparaître.Et le lien pour découvrir le livre : https://www.editionsmarieromaine.fr/product-page/avenue-du-p%C3%A8re-lachaise-monique-blond Merci pour votre lecture !
La danse du papillon provient d’un texte court produit pendant un atelier d’écriture que j’avais suivi il y a une trentaine d’années. Par la suite, j’ai repris cet écrit à plusieurs reprises, tout en rédigeant d’autres textes sans rapport avec cette ébauche. C’est plus tard que, disposant de temps et de disponibilité d’esprit, j’ai ressorti de mon ordinateur les brouillons successifs du petit texte initial pour travailler encore et encore une histoire dont je ne savais pas très bien où elle allait. Et petit à petit, quelque chose a commencé à prendre forme, qui s’était éloigné du tout premier texte d’atelier, qui puisait aussi dans d’autres textes moins anciens et se nourrissait de fragments nouveaux, parmi lesquels des ébauches écrites pendant des séances de l’Atelier sous les toits. Le soir, des personnages s’invitaient dans mes rêveries, rechignant parfois contre ce que je venais de leur faire faire ou contre le prénom que je leur avais donné, formant petit à petit l’histoire à ma place. Je griffonnais quelques notes et le lendemain, j’essayais de traduire ces notes en écriture… essais parfois fructueux, pas toujours ! Parvenir à la forme aboutie de La danse du papillon m’a pris plus de six ans. Si je reviens sur ce travail d’écriture, je peux distinguer plusieurs aspects. D’abord, le travail de la phrase : portée à écrire de longues phrases pleines de digressions et d’incises dans tous les sens, j’ai dû énormément les retravailler. Pendant plusieurs années, j’écrivais chaque jour un ou deux paragraphes, ou seulement deux ou trois lignes, et je les raturais et les réécrivais indéfiniment les jours suivants en me disant que c’était nul, et moi avec. L’écriture de La danse du papillon m’a servi d’exercice d’écriture mais aussi, en étant aussi quotidiennement présente, m’a coupée d’autres formes, comme par exemple la forme poétique dont je me suis éloignée à regret. Ensuite le travail de la structure : comment organiser l’histoire, présenter les évènements, ménager un certain suspens. Longtemps, le récit n’avait aucune structure, probablement aussi parce que les grandes lignes de l’histoire n’étaient pas encore clairement définies. Puis, quelque chose a « pris » et la structure est apparue. Evidemment, je n’avais pas fait de frise chronologique et mes personnages apparaissaient n’importe quand, à rebrousse-temps : pourquoi pas, en théorie, un récit temporellement déstructuré, mais cela ne se prêtait pas à l’histoire que je voulais raconter. Je me suis donc emmêlé les pinceaux jusqu’à ce que ça tienne à peu près et que je déclare la structure achevée. Désireuse d’en finir, je n’ai pas écouté la petite voix intérieure qui tentait de me dire qu’en fait la structure était bancale. Cécile, à qui j’ai confié la relecture de la première version de ce récit dans le cadre de l’Atelier Face à Face, m’en a aussitôt fait la remarque. Il a fallu me remettre à la tâche, couper, tailler et retailler et m’apercevoir qu’avec la nouvelle combinaison, ça ne collait plus, des évènements se produisent dans le mauvais sens, des gens mouraient avant d’être nés etc…. Finalement, ça c’est fait, en quelques mois. La manuscrit terminé, j’en ai éprouvé à la fois de la joie et de la légèreté. Je n’avais pas l’idée que cet écrit puisse être publié. Je l’ai offert à mes proches en format A4 et c’est de mon entourage qu’est venu l’encouragement à chercher un éditeur… J’ai mis du temps à faire la démarche, je ne me sentais pas légitime et je me demandais ce qu’un bouquin de plus viendrait ajouter à des masses et des masses de livres publiés chaque semaine…. Nombreux ont été les refus implicites (pas de réponse sous 4 mois signifie un refus) et les refus par courrier, certains assortis de commentaires encourageants, jusqu’à ce que les éditions de l’Harmattan acceptent de le publier. Je continue à me demander si publier est une fin en soi : ce qui a compté le plus, c’est d’avoir écrit. Mais maintenant, je ne peux plus faire abstraction du fait que ce livre est publié et c’est vrai que savoir son texte lu par d’autres yeux, d’autres oreilles, par des âmes éloignées que l’on ne connaît pas, et parfois en recevoir un témoignage, c’est tellement fort ! D’une certaine façon, on en fait l’expérience à une autre échelle en atelier d’écriture ou dans le blog de l’Atelier : le partage de ce que l’on a écrit, le retour des lecteurs ou des auditeurs (selon la forme de l’atelier) est une expérience du risque, de la remise en question mais aussi du partage et de la joie. La danse du papillon se commande dans toutes les librairies, sur les sites de vente en ligne et sur le site des éditions de l’Harmattan : https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_danse_du_papillon_aliette_zumthor_sallee-9782140294846-74491.html
Tout est parti d’un courrier de lecteur, découvert en septembre 2019 : un professeur de physique-chimie reconnaît, dans sa classe, le fils de son ancien harceleur, qui ressemble trait pour trait à son père. Il s’inquiète auprès de la psychologue de sa réaction possible envers cet élève : ne sera-t-il pas tenté de lui faire payer les persécutions du père, même inconsciemment ? La thérapeute lui répond, entre autres choses, qu’il y a là matière à écrire un roman ! Le samedi, à l’atelier Petits Papiers, chez Cécile et Philippe, je choisis d’écrire un texte inspiré de cette histoire, au gré des fameux « petits papiers ». Les retours plutôt positifs m’encouragent à peaufiner à la maison ma nouvelle Le Portrait de son père, que j’envoie à trois ou quatre revues. L’envie d’aller plus loin ne me quitte pas et je m’inscris à un atelier Premier Roman (en formation pro), pour transformer la nouvelle en roman. En avril 2020, la revue Brèves m’appelle pour m’informer qu’elle souhaite publier Le Portrait de son père dans son numéro 116 (collectif « Jeunesse »). Cela renforce encore ma motivation pour le roman, dont j’achève le premier jet en juin. Je poursuis la réécriture les mois suivants. En plus des retours obtenus en atelier, je fais « diagnostiquer » mon texte en janvier 2021 par un site professionnel, puis, après l’avoir remanié, je commence à envoyer mon manuscrit à des éditeurs en septembre 2021, assorti d’une lettre de présentation longuement travaillée, d’un synopsis, etc. Je continue mes envois jusqu’en mars 2022. Sur la quarantaine d’éditeurs contactés, j’obtiendrai six réponses, toutes négatives, mais parfois encourageantes (quand même !). Enfin, en avril 2022, un éditeur (IGB) me téléphone : il a aimé mon roman, mais attend d’avoir l’avis de son comité de lecture et de son associée pour me donner un accord définitif. La même semaine (!), les Editions Il est Midi me contactent à leur tour pour me proposer directement un contrat. C’est avec eux que je signe, en juin 2022. Mon roman, le Fils de l’autre, sort le 10 octobre. L’expérience a été intéressante, même si le livre n’est vendu que sur commande (en librairie, à la Fnac, chez Amazon et sur tous les sites marchands), donc peu visible. Par ailleurs, Il est Midi n’organise pas de dédicaces et ne participe pas à des salons. Enfin, je n’ai jamais rencontré mes éditeurs, nous n’avons échangé que par mail et au téléphone. J’ai donc réalisé moi-même mon dossier de presse et obtenu deux chroniques (sur Femina.fr et Télé-7-Jours) et deux interviews. Un club de lecture, à Pierrefonds, m’a également invitée à une journée de présentation, et je me suis inscrite à deux salons en 2023 (réponse en attente). L’aventure continue, sans bruit, mais c’est formateur… Encore merci à Cécile et Philippe, dont l’atelier Petits Papiers m’a permis de poser les jalons de mon projet. Je leur ai même volé une très jolie phrase, tirée au hasard des « petits papiers » et que j’ai gardée dans le roman, bien évidemment ! Monique Coant-Blond Pour en savoir plus sur le livre, n’hésitez pas à aller sur mes pages Facebook https://www.facebook.com/profile.php?id=100082078084319 et Instagram https://www.instagram.com/emsie_blond/?hl=fr ou, pourquoi pas, sur le site de l’éditeur https://editions-il-est-midi.eproshopping.fr/1740324-LE-FILS-DE-L-AUTRE-Monique-Coant-Blond
LIVRES AIMÉS
J’ai aimé l’atmosphère; j’ai souri ; j’ai admiré le style; j’ai râlé de frustration lorsque je découvrais les personnages petit à petit et non bien campés en début de livre ; j’ai frémi devant le suspens de l’histoire et des personnages; je me suis laissée bercer par l’ambivalence constante entre rêve et réalité; j’ai été touchée quand j’ai enfin compris les visites d’amitié et de souvenirs de ce groupe hétéroclite et j’ai même versé une larme en refermant le livre.
En passant dans le rayons BD (au RDC, pour les grands, pas au 3e chez les enfants) d’une médiathèque, je me suis arrêtée sur Profession du père, de Sébastien Gnaedig. C’est une adaptation du roman de Sorj Chalandon. Je vous le dis tout de suite : je n’ai pas lu la version sans images. Mais la version adaptée a renforcé l’envie de la découvrir, même si je peux m’attendre à une violence accrue. En noir et blanc, en quelques dessins, l’intensité est présente. La dérive d’une homme dans une période sombre de l’histoire de France. « Les événements » dans nos livres d’histoire, pour ne pas dire « la guerre » d’Algérie. Je ne sais pas ce qu’en pensent celles et ceux qui ont lu S. Chalandon. Cette adaptation est une introduction, une ouverture. Profession du père est publié aux éditions Futuropolis en 2018.
Le point de départ de l’auteure est que nous avons été, ou serons, toutes et tous un jour confrontés à la mort de notre mère. La narratrice, journaliste célibataire de 31 ans, décrit ce qui l’oppose à sa sœur, mariée, 2 enfants. Leur mère meurt brutalement. Assassinée. Le lecteur suit avec la narratrice l’enquête, les arrangements pour vider la maison, ce que deviennent les relations familiales et sociales lorsque l’on perd sa mère aussi dramatiquement. Des secrets vont au fil des pages transformer des vérités jusqu’ici bien établies. Il y a beaucoup d’humour dans ces pages. Et des rebondissements. Le récit m’a parlé, souvent. Mère disparue est paru en 2007, édité par les éditions Philippe Rey.
Trois livres en forme de trilogie de Deborah Levy, auteure sud-africaine vivant en Grande-Bretagne : Le goût de la vie, Ce que je ne veux pas savoir et Etat des lieux. Les ouvrages sont traduits par Céline Leroy. Une écriture très ancrée dans la vie, mais en même temps très subtile, où l’auteure à la fois s’interroge sur la présence du passé dans le présent, et très souvent décale notre regard sur des évènements très simples et quotidiens pour en dégager un aspect neuf. Elle y excelle lorsqu’elle questionne, sans verser dans la démonstration, les rapports de genre, son travail d’écrivaine, ses rêves non réalisés. Elle est souvent drôle, légère et toujours intéressante. Merci à la traduction excellente.
Le cercle des menteurs ou Contes Philosophiques du monde entier rapportés par Jean-Claude Carrière. Habituellement, le terme de « contes philosophiques » me donne envie de rebrousser chemin car c’est un genre dont le ton appuyé, l’intention de donner des leçons produit souvent des textes ennuyeux et « voulus » (ce n’est que mon avis !). Ici, c’est tout le contraire : histoires courtes, du conte à la blague, racontées avec le brio qu’a Jean-Claude Carrière pour s’exprimer. Si l’on connait sa voix, on a l’impression en lisant qu’il est présent et qu’il conte à haute voix. Le premier comme le deuxième tome sont des régals. (en photo le deuxième tome)
Un texte très court (78 pages) sur la maladie contractée à son travail par le père du narrateur. Ce que j’ai aimé dans cette écriture, c’est que sous l’apparente pauvreté émotionnelle du texte, l’auteur, en nous livrant la stricte description des faits et gestes des protagonistes, sans à aucun moment ne juger quiconque, nous laisse toute la place pour mobiliser notre propre émotion et penser par nous-mêmes.
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