Elle reconnut ce sourire carnassier qui n’augurait rien de bon. Elle avait cuisiné au retour du marché. Elle avait épluché, lavé, écaillé, épépiné, coupé, trempé, frit, cuit, bouilli. L’odeur de la cuisine se propageait dans toutes les pièces, sur les balcons, dans la cage d’escalier, dans les jardins des voisins. Des volutes d’épices remplaçaient les nuages remplis de pluie.
Les chats s’étiraient de tout leur long sur les poufs et autre canapé, rêvassant, ronronnant, profitant de cette ambiance chaude, moite et habitée. Les chiens, au loin, aboyaient, donnant le signal que le repas était bientôt prêt. Ils auraient de bons restes pour ce soir. Les cochons, vautrés dans la fange, tentaient désespérément de profiter de la pluie pour paraître plus propres, plus roses. Ils avaient les yeux plissés, presque fermés, un sourire en coin et un peu de bave sur le côté. C’est qu’ils en auraient des épluchures de carottes, de pommes de terre, de poireaux. Ils auraient même, pour le dessert, de l’excellente pastèque. Ils mangeraient tout ce qui n’est pas rose dans la pastèque pour ne pas avoir une légère sensation de cannibalisme.
Dans sa cuisine, elle martelait délicatement les escalopes pour les attendrir. Il fallait au moins ça avant de pouvoir les paner. En cuisine, elle était créative. Elle aimait cuisiner les jours de pluie, s’enfermer dans sa bulle d’aromates et oublier la vie qui s’activait autour d’elle. Elle se doutait bien que certaines bouches salivaient déjà au premier sifflotement de la cocotte.
Elle mélangea avec la cuillère en bois, en prit un peu, souffla dessus pour tiédir et ne pas se brûler. Sa bouche s’arrondit, faisait un petit o, puis un grand A, un mmm et enfin un grand O. Quelques lettres suffisent pour goûter et apprécier.
Elle avait promis de cuisiner pour une association, l’association des cœurs à prendre. Elle s’était souvenue de quelques-unes de ses lectures sur la cuisine. Pas de livres de recettes mais bien des livres où l’on sentait bien le lien très fort entre la cuisine et l’amour. Un de ses livres l’avait décomplexée sur l’art de la cuisine : l’héroïne du livre cuisinait des choses rares mais prétendait que bien cuisiner revenait à bien savoir lire les recettes. Un autre de ses livres racontait l’histoire d’une jeune femme qui, suite à un chagrin d’amour, ouvre son restaurant et cuisine un plat spécifique à chacun de ses clients en fonction de ce qu’elle ressent être le meilleur pour eux. Des livres et des livres où la cuisine est faite non seulement avec des aliments mais aussi avec le cœur et une intention.
Oui, c’est vrai, on a besoin de manger pour vivre comme on a besoin d’eau. C’est pour ça qu’elle aimait cuisiner les jours plein d’eau. La première intention, inconsciente, de la cuisine était bien de se nourrir pour vivre. La vraie intention était bien plus consciemment de faire exploser les papilles, de redonner le sourire. On est heureux quand on a bien mangé. D’ailleurs, les mamans et les mamies sont fières de dire des tout petits : « je suis contente, ils ont bien mangé. » Satisfaction pour les faiseurs de goût. Satisfaction pour les bedaines en manque d’attention.
Elle avait donc trouvé tout à fait légitime de cuisiner pour l’association des cœurs à prendre. Cuisiner pour ces gens en mal d’amour était pour elle une intention noble et pure.
Elle poussa les portes battantes de la cuisine, une marmite dans les mains. Elle alla la poser sur la table. Elle retourna à la cuisine pour apporter les autres plats. A chaque battement de porte, la salle se remplissait de plus en plus. Les A.A., les amoureux anonymes, pensa-t-elle. Elle aperçut les deux jeunes amoureux, l’un assis sur une chaise, les yeux baissés, l’autre à l’opposé de la pièce, collée au mur. Les deux se jetaient des œillades et, quand leurs regards se croisaient, ils détournaient la tête, les joues rouges, brûlantes de timidité et de désir. Elle espérait secrètement que ce qu’elle avait préparé allait enfin pouvoir les rapprocher ces deux-là.
Elle avait sorti toutes les entrées froides, les plats chauds. Les assiettes et les couverts étaient déjà à disposition. Elle retourna en cuisine pour récupérer les desserts. Elle aimait faire les desserts, on pouvait y mettre plein de couleurs, de textures, de goûts différents. Elle ne comprenait pas trop les gens qui n’aimaient pas les desserts. Ils n’avaient sûrement pas trouvé celui qui leur convenait au goût et à l’estomac.
Elle avait disposé les desserts pour former un arc-en-ciel. Au pied de l’arc-en-ciel, un trésor. A la table des desserts, chacun trouvera qui il adore. Elle le sait, les deux timides franchiront le pas aujourd’hui. C’est le bon jour, il pleut et la cuisine est forcément excellente.
Elle jeta un œil circulaire à la salle, les yeux pétillants de bonheur. Il y avait des personnes qui picoraient comme la petite mésange bleue du voisin, il y avait des gloutons voraces. Son regard se figea. Elle reconnut ce sourire carnassier qui n’augurait rien de bon. Un habitué.
Arrogant et méprisant, il représentait la quintessence de l’homme à fuir à tout prix. Pour lui, l’association des cœurs à prendre portait bien son nom. Il l’avait pris au pied de la lettre et chaque semaine, il cherchait à prendre un cœur sans jamais rien donner. Un cœur sombre, un cœur noir, un homme mort. Il ne mangeait jamais rien, ni salé, ni sucré. Il ne buvait pas non plus. Il venait chasser sa proie. Mordre, déchiqueter, saigner, broyer. Un animal, un fauve, loin d’un homme, un vrai. Il avait jeté son dévolu sur la cuisinière. Il s’approcha à pas de loup, elle s’envola d’un battement de portes. Sa place n’était pas là. Aujourd’hui, il pleut, la chasse ne donnera rien.
Elle n’était pas un cœur à prendre. Elle aimait cuisiner dans sa bulle les jours de pluie. Son cœur, elle le donnerait peut-être un jour mais plus à n’importe qui. On lui avait rendu brisé, émietté, feuilleté, brûlé, en purée. Elle avait mis du temps pour tamiser les plaies, le regonfler comme un soufflé. Elle s’était soignée le cœur en chérissant son ventre.
Les convives commençaient doucement à partir. Les deux timides enfin main dans la main. Les deux grincheux, bras dessus bras dessous. Les deux joyeux en sautillant.
Elle était dans la cuisine à trier les restes. Elle mettait dans des boîtes à emporter les plats préférés de chacun. De l’amour à emporter. Elle avait aussi donné des restes aux chiens qu’on n’entendait plus aboyer, de la crème anglaise avec le fond de crumble pour les chats, les épluchures pour les cochons. On ne gâche pas la nourriture. On ne gâche pas l’amour.
Une fois la distribution terminée, elle releva ses manches, ouvrit le robinet d’eau chaude, un peu celui d’eau froide, prit l’éponge, y versa du liquide vaisselle. Elle fit mousser le bac rempli d’eau. Le bain des assiettes, couverts, casseroles et autres ustensiles. Elle était seule. Plus un bruit autour. Tout le monde repu. Seul le clapotis de l’eau et les cliquetis de la vaisselle. Elle essuya ensuite ses mains, hésita à la laisser sécher ou à l’essuyer.
La pluie avait cessé. Il avait plu toute la journée. Une pluie fine, ininterrompue. Elle essuya les verres et les couverts pour ne pas laisser de traces. Le reste sèchera tout seul.
Elle sortit de la cuisine. La salle avait été rangée et nettoyée. Elle mit son manteau, prit son sac, se recoiffa un peu, jeta un regard dans le miroir. Le maquillage n’avait pas tenu, ni le rouge à lèvres rouge, ni le noir sur les yeux. Elle sourit à son reflet et sortit.
Dehors, les bruits avaient changé. Ils avaient été étouffés par celui de l’averse. On entendait la musique dans les habitacles des voitures. On entendait les pas plus ou moins pressés des rues environnantes. On entendait les enfants chanter « pirouette cacahuète » et d’autres faire du vélo, de la trottinette. On entendait les mésanges adresser leurs louanges. On entendait le vent dans les feuilles. Elle ferma les yeux quelques instants pour s’imprégner de tous ces sons. Elle les rouvrit, aperçut un banc quelques mètres plus loin dans le parc. Il fait beau pour écrire, se dit-elle.
Utiliser le Blog
Commentaires récents
- Emmanuelle P dans Tout en main pour écrire un roman à succès
- Marija D dans La béquille 2
- Marija D dans La béquille 1
- Cécile C dans Au revoir Poppie
- Pascale L dans Au revoir Poppie
PUBLICATIONS DES PARTICIPANTS
J’ai fréquenté durant plusieurs années les ateliers d’écriture Sous les Toits de Cécile et Philippe, que je viens de retrouver en novembre avec Les Petits Papiers. Depuis la pandémie, je me suis lancée un peu plus « sérieusement » dans l’écriture et mené certains projets à bien. Après « le Fils de l’autre », que j’ai déjà présenté sur ce blog, « Avenue du Père-Lachaise » est mon deuxième roman. Il est né de ce qui devait, au départ, être un recueil de nouvelles. Celles-ci étaient souvent liées les unes aux autres en une sorte de « suite », je les ai remaniées pour en faire cet OLNI (objet littéraire non identifié), qui a trouvé son éditrice, les Editions Marie Romaine, https://www.editionsmarieromaine.fr/. Ce roman choral est sorti en janvier 2024. En voici le pitchDeux femmes, trois hommes, un lieu : le cimetière du Père-Lachaise, à Paris. Au fil de ce roman, des vies se télescopent, des destins se lient, des êtres se trouvent ou se séparent. Les personnages rebondissent d’un chapitre à l’autre, tous réunis dans cette mystérieuse nécropole par l’absence, le manque, le deuil, l’espoir d’une renaissance. Si la mort a un jour croisé leur chemin et redessiné leur parcours, sa présence n’arrive jamais à obscurcir cette valse mi-joyeuse, mi-tragique, au terme de laquelle l’un d’eux va disparaître.Et le lien pour découvrir le livre : https://www.editionsmarieromaine.fr/product-page/avenue-du-p%C3%A8re-lachaise-monique-blond Merci pour votre lecture !
La danse du papillon provient d’un texte court produit pendant un atelier d’écriture que j’avais suivi il y a une trentaine d’années. Par la suite, j’ai repris cet écrit à plusieurs reprises, tout en rédigeant d’autres textes sans rapport avec cette ébauche. C’est plus tard que, disposant de temps et de disponibilité d’esprit, j’ai ressorti de mon ordinateur les brouillons successifs du petit texte initial pour travailler encore et encore une histoire dont je ne savais pas très bien où elle allait. Et petit à petit, quelque chose a commencé à prendre forme, qui s’était éloigné du tout premier texte d’atelier, qui puisait aussi dans d’autres textes moins anciens et se nourrissait de fragments nouveaux, parmi lesquels des ébauches écrites pendant des séances de l’Atelier sous les toits. Le soir, des personnages s’invitaient dans mes rêveries, rechignant parfois contre ce que je venais de leur faire faire ou contre le prénom que je leur avais donné, formant petit à petit l’histoire à ma place. Je griffonnais quelques notes et le lendemain, j’essayais de traduire ces notes en écriture… essais parfois fructueux, pas toujours ! Parvenir à la forme aboutie de La danse du papillon m’a pris plus de six ans. Si je reviens sur ce travail d’écriture, je peux distinguer plusieurs aspects. D’abord, le travail de la phrase : portée à écrire de longues phrases pleines de digressions et d’incises dans tous les sens, j’ai dû énormément les retravailler. Pendant plusieurs années, j’écrivais chaque jour un ou deux paragraphes, ou seulement deux ou trois lignes, et je les raturais et les réécrivais indéfiniment les jours suivants en me disant que c’était nul, et moi avec. L’écriture de La danse du papillon m’a servi d’exercice d’écriture mais aussi, en étant aussi quotidiennement présente, m’a coupée d’autres formes, comme par exemple la forme poétique dont je me suis éloignée à regret. Ensuite le travail de la structure : comment organiser l’histoire, présenter les évènements, ménager un certain suspens. Longtemps, le récit n’avait aucune structure, probablement aussi parce que les grandes lignes de l’histoire n’étaient pas encore clairement définies. Puis, quelque chose a « pris » et la structure est apparue. Evidemment, je n’avais pas fait de frise chronologique et mes personnages apparaissaient n’importe quand, à rebrousse-temps : pourquoi pas, en théorie, un récit temporellement déstructuré, mais cela ne se prêtait pas à l’histoire que je voulais raconter. Je me suis donc emmêlé les pinceaux jusqu’à ce que ça tienne à peu près et que je déclare la structure achevée. Désireuse d’en finir, je n’ai pas écouté la petite voix intérieure qui tentait de me dire qu’en fait la structure était bancale. Cécile, à qui j’ai confié la relecture de la première version de ce récit dans le cadre de l’Atelier Face à Face, m’en a aussitôt fait la remarque. Il a fallu me remettre à la tâche, couper, tailler et retailler et m’apercevoir qu’avec la nouvelle combinaison, ça ne collait plus, des évènements se produisent dans le mauvais sens, des gens mouraient avant d’être nés etc…. Finalement, ça c’est fait, en quelques mois. La manuscrit terminé, j’en ai éprouvé à la fois de la joie et de la légèreté. Je n’avais pas l’idée que cet écrit puisse être publié. Je l’ai offert à mes proches en format A4 et c’est de mon entourage qu’est venu l’encouragement à chercher un éditeur… J’ai mis du temps à faire la démarche, je ne me sentais pas légitime et je me demandais ce qu’un bouquin de plus viendrait ajouter à des masses et des masses de livres publiés chaque semaine…. Nombreux ont été les refus implicites (pas de réponse sous 4 mois signifie un refus) et les refus par courrier, certains assortis de commentaires encourageants, jusqu’à ce que les éditions de l’Harmattan acceptent de le publier. Je continue à me demander si publier est une fin en soi : ce qui a compté le plus, c’est d’avoir écrit. Mais maintenant, je ne peux plus faire abstraction du fait que ce livre est publié et c’est vrai que savoir son texte lu par d’autres yeux, d’autres oreilles, par des âmes éloignées que l’on ne connaît pas, et parfois en recevoir un témoignage, c’est tellement fort ! D’une certaine façon, on en fait l’expérience à une autre échelle en atelier d’écriture ou dans le blog de l’Atelier : le partage de ce que l’on a écrit, le retour des lecteurs ou des auditeurs (selon la forme de l’atelier) est une expérience du risque, de la remise en question mais aussi du partage et de la joie. La danse du papillon se commande dans toutes les librairies, sur les sites de vente en ligne et sur le site des éditions de l’Harmattan : https://www.editions-harmattan.fr/livre-la_danse_du_papillon_aliette_zumthor_sallee-9782140294846-74491.html
Tout est parti d’un courrier de lecteur, découvert en septembre 2019 : un professeur de physique-chimie reconnaît, dans sa classe, le fils de son ancien harceleur, qui ressemble trait pour trait à son père. Il s’inquiète auprès de la psychologue de sa réaction possible envers cet élève : ne sera-t-il pas tenté de lui faire payer les persécutions du père, même inconsciemment ? La thérapeute lui répond, entre autres choses, qu’il y a là matière à écrire un roman ! Le samedi, à l’atelier Petits Papiers, chez Cécile et Philippe, je choisis d’écrire un texte inspiré de cette histoire, au gré des fameux « petits papiers ». Les retours plutôt positifs m’encouragent à peaufiner à la maison ma nouvelle Le Portrait de son père, que j’envoie à trois ou quatre revues. L’envie d’aller plus loin ne me quitte pas et je m’inscris à un atelier Premier Roman (en formation pro), pour transformer la nouvelle en roman. En avril 2020, la revue Brèves m’appelle pour m’informer qu’elle souhaite publier Le Portrait de son père dans son numéro 116 (collectif « Jeunesse »). Cela renforce encore ma motivation pour le roman, dont j’achève le premier jet en juin. Je poursuis la réécriture les mois suivants. En plus des retours obtenus en atelier, je fais « diagnostiquer » mon texte en janvier 2021 par un site professionnel, puis, après l’avoir remanié, je commence à envoyer mon manuscrit à des éditeurs en septembre 2021, assorti d’une lettre de présentation longuement travaillée, d’un synopsis, etc. Je continue mes envois jusqu’en mars 2022. Sur la quarantaine d’éditeurs contactés, j’obtiendrai six réponses, toutes négatives, mais parfois encourageantes (quand même !). Enfin, en avril 2022, un éditeur (IGB) me téléphone : il a aimé mon roman, mais attend d’avoir l’avis de son comité de lecture et de son associée pour me donner un accord définitif. La même semaine (!), les Editions Il est Midi me contactent à leur tour pour me proposer directement un contrat. C’est avec eux que je signe, en juin 2022. Mon roman, le Fils de l’autre, sort le 10 octobre. L’expérience a été intéressante, même si le livre n’est vendu que sur commande (en librairie, à la Fnac, chez Amazon et sur tous les sites marchands), donc peu visible. Par ailleurs, Il est Midi n’organise pas de dédicaces et ne participe pas à des salons. Enfin, je n’ai jamais rencontré mes éditeurs, nous n’avons échangé que par mail et au téléphone. J’ai donc réalisé moi-même mon dossier de presse et obtenu deux chroniques (sur Femina.fr et Télé-7-Jours) et deux interviews. Un club de lecture, à Pierrefonds, m’a également invitée à une journée de présentation, et je me suis inscrite à deux salons en 2023 (réponse en attente). L’aventure continue, sans bruit, mais c’est formateur… Encore merci à Cécile et Philippe, dont l’atelier Petits Papiers m’a permis de poser les jalons de mon projet. Je leur ai même volé une très jolie phrase, tirée au hasard des « petits papiers » et que j’ai gardée dans le roman, bien évidemment ! Monique Coant-Blond Pour en savoir plus sur le livre, n’hésitez pas à aller sur mes pages Facebook https://www.facebook.com/profile.php?id=100082078084319 et Instagram https://www.instagram.com/emsie_blond/?hl=fr ou, pourquoi pas, sur le site de l’éditeur https://editions-il-est-midi.eproshopping.fr/1740324-LE-FILS-DE-L-AUTRE-Monique-Coant-Blond
LIVRES AIMÉS
J’ai aimé l’atmosphère; j’ai souri ; j’ai admiré le style; j’ai râlé de frustration lorsque je découvrais les personnages petit à petit et non bien campés en début de livre ; j’ai frémi devant le suspens de l’histoire et des personnages; je me suis laissée bercer par l’ambivalence constante entre rêve et réalité; j’ai été touchée quand j’ai enfin compris les visites d’amitié et de souvenirs de ce groupe hétéroclite et j’ai même versé une larme en refermant le livre.
En passant dans le rayons BD (au RDC, pour les grands, pas au 3e chez les enfants) d’une médiathèque, je me suis arrêtée sur Profession du père, de Sébastien Gnaedig. C’est une adaptation du roman de Sorj Chalandon. Je vous le dis tout de suite : je n’ai pas lu la version sans images. Mais la version adaptée a renforcé l’envie de la découvrir, même si je peux m’attendre à une violence accrue. En noir et blanc, en quelques dessins, l’intensité est présente. La dérive d’une homme dans une période sombre de l’histoire de France. « Les événements » dans nos livres d’histoire, pour ne pas dire « la guerre » d’Algérie. Je ne sais pas ce qu’en pensent celles et ceux qui ont lu S. Chalandon. Cette adaptation est une introduction, une ouverture. Profession du père est publié aux éditions Futuropolis en 2018.
Le point de départ de l’auteure est que nous avons été, ou serons, toutes et tous un jour confrontés à la mort de notre mère. La narratrice, journaliste célibataire de 31 ans, décrit ce qui l’oppose à sa sœur, mariée, 2 enfants. Leur mère meurt brutalement. Assassinée. Le lecteur suit avec la narratrice l’enquête, les arrangements pour vider la maison, ce que deviennent les relations familiales et sociales lorsque l’on perd sa mère aussi dramatiquement. Des secrets vont au fil des pages transformer des vérités jusqu’ici bien établies. Il y a beaucoup d’humour dans ces pages. Et des rebondissements. Le récit m’a parlé, souvent. Mère disparue est paru en 2007, édité par les éditions Philippe Rey.
Trois livres en forme de trilogie de Deborah Levy, auteure sud-africaine vivant en Grande-Bretagne : Le goût de la vie, Ce que je ne veux pas savoir et Etat des lieux. Les ouvrages sont traduits par Céline Leroy. Une écriture très ancrée dans la vie, mais en même temps très subtile, où l’auteure à la fois s’interroge sur la présence du passé dans le présent, et très souvent décale notre regard sur des évènements très simples et quotidiens pour en dégager un aspect neuf. Elle y excelle lorsqu’elle questionne, sans verser dans la démonstration, les rapports de genre, son travail d’écrivaine, ses rêves non réalisés. Elle est souvent drôle, légère et toujours intéressante. Merci à la traduction excellente.
Le cercle des menteurs ou Contes Philosophiques du monde entier rapportés par Jean-Claude Carrière. Habituellement, le terme de « contes philosophiques » me donne envie de rebrousser chemin car c’est un genre dont le ton appuyé, l’intention de donner des leçons produit souvent des textes ennuyeux et « voulus » (ce n’est que mon avis !). Ici, c’est tout le contraire : histoires courtes, du conte à la blague, racontées avec le brio qu’a Jean-Claude Carrière pour s’exprimer. Si l’on connait sa voix, on a l’impression en lisant qu’il est présent et qu’il conte à haute voix. Le premier comme le deuxième tome sont des régals. (en photo le deuxième tome)
Un texte très court (78 pages) sur la maladie contractée à son travail par le père du narrateur. Ce que j’ai aimé dans cette écriture, c’est que sous l’apparente pauvreté émotionnelle du texte, l’auteur, en nous livrant la stricte description des faits et gestes des protagonistes, sans à aucun moment ne juger quiconque, nous laisse toute la place pour mobiliser notre propre émotion et penser par nous-mêmes.
Recherche
-
Textes par auteur·e
Textes par atelier
-
Derniers textes mis en ligne
Textes par date