Mon grand – père
Les cafetiers appliqués essuyaient leurs verres. Ils avaient des gestes précis. Chemise blanche, pantalons serrés noirs, tablier noir, joues cramoisies ou blafardes selon les gènes.
Qu’ est ce qu’ il aimait circuler dans Paris ! Le sirop de la rue l’enivrait depuis bien longtemps maintenant. On lui disait qu’ il ressemblait à Maurice Chevalier. Un petit air peut- être, c’ est vrai qu’ il aimait la vie, la croquer, encore maintenant .
La vieillesse était là mais pas vraiment pour lui.
Dans son garage il planquait les billets de banque , des liasses. Il ne voulait pas que sa bourgeoise les trouve.
il en fourrait près des outils dans l’ établi, sous la baignoire , sous la lessiveuse dans la buanderie . Avec les billets, un jour il partirait à Tahiti pour croquer de la vahiné.
Le jour, il était vif, fringant, jeune encore, il fumait vite ses gauloises, près de la camionnette, mangeait très vite.
il aimait le rythme des jours : sauter de sa camionnette, serrer la poignée de main des pharmaciens, il les connaissait tous, sa tournée était la même depuis longtemps .
Le soir autour de la table peu éclairée avec Germaine, il faisait les comptes de la journée.
La pièce de leur pavillon de banlieue était quasi dans la pénombre . Il restait habillé en bleu, pas d’invité en semaine , on ne faisait pas de chichi .
A la maison , ils écoutaient leur feuilleton « ZAPY Max « . Tous les dimanches l’ homme allait faire une sieste dans la chambre où un faux Wateau crouteux trônait au dessus du lit.
Cet homme de mauvais goût matcho , irritable, coléreux, joueur, coureur de jupons, pourfendeur de la grisaille du quotidien , dévoreur de vie, surgit ,ce jour, de ma mémoire, je lui envoie de tendres baisers .