Place 72, voiture 12

Il était assis sur le quai de la gare, un cahier sur les genoux, un crayon à la bouche, les yeux levés en haut à gauche pour faire venir l’inspiration. Certains jours, il écrivait en rimes, certaines nuits, il écrivait en prose. Aujourd’hui, il ne savait pas de quel côté la balance allait pencher. Il s’était rendu compte qu’en rimes, c’était un peu plus compliqué, surtout quand il voulait faire des rimes en i les jours de pluie. Après trois strophes, il constatait, un rayon de soleil sur le visage, que l’écriture avait glissé sur le papier. Quand il écrivait en prose, il avait plutôt tendance à raconter sa vie ou celle de ses ancêtres, surtout celle d’Édouard.
Il était en pleine réflexion, si ce n’est divagation, sur le style de ses prochaines lignes quand le train arriva en gare.
Il s’installa en voiture 12, place 72. Il avait exigé la place 72 pour que ça rime avec le numéro de voiture. Il avait le choix entre 72 et 92 mais la voiture 12 était une petite voiture dont, fort heureusement pour lui, le dernier siège était le 72.
Il prit place côté fenêtre, dans le sens du train. Il déplia la tablette, posa son cahier encore vierge et le crayon sur la reliure. Il regarda une dernière fois cette gare perdue au milieu de nulle part. Le train s’ébranla. Il continua à laisser son regard se perdre dans l’horizon. Au bout de quelque temps, il entendit le chef de bord annoncer l’arrivée imminente du train.
Il se précipita alors sur son cahier et y griffonna des paysages, des meules de foin, des vaches affalées, des chevaux, tout ce qu’il avait pu apercevoir par la fenêtre du train.
Le train était à quai depuis maintenant une bonne demi-heure quand il repartit dans l’autre sens. Ni vu, ni connu, il s’amusa à voir si ses dessins rimaient avec le paysage qui défilait à nouveau devant ses yeux ébahis.

Ce contenu a été publié dans Atelier Papillon. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire