Les cercles de la forme

Elle avait passé la porte du club de gym, sans grande conviction, en se pinçant discrètement le nez, incommodée par les relents de sueur séchée, imprégnée dans chaque coin de la pièce. Elle avait en main une jaquette qui avait été glissée dans sa boîte aux lettres : un appât de rentrée avec des mois gratuits, des cours d’essais et tutti quanti.
Les habitués passaient au pas de course, décrochant un rapide bonjour à l’hôtesse qui leur tendait une serviette blanche. Comme un relais, ils se saisissaient de l’objet roulé et continuait jusqu’à la machine qu’ils avaient choisie : tapis de course, pédalo, rameur, vélo. Du cardio, rien que du cardio pour remodeler ces corps revenus tout bronzés de l’été.
Caroline n’en perdait pas une miette mais ne s’avançait toujours pas vers la banque d’accueil.
Dans le métro, elle avait lu un article qui prônait le bien-être, le sport, l’alimentation saine. En deux, trois paragraphes, le journaliste indiquait quelques pistes pour mieux mener sa vie.
Caroline avait lu mais ne s’était pas reconnue. Elle est sportive par intermittence. Elle avait fait du kayak pendant les vacances pour la première fois.
Elle était là depuis dix minutes à peine que les sportifs sur machine transpiraient déjà. Elle suivit le sommet de la goutte de sueur du coureur juste à côté. Elle se décala un peu pour ne pas en être aspergée. Sa sueur ok mais celle des autres, non merci.
Elle avait l’étrange sensation d’être au zoo, à observer des gens en cage, derrière la baie vitrée. Une femme qui tentait de grimper à une corde lui rappelait vaguement un koala agrippé à un bananier.
Caroline n’aimait pas cet endroit. Elle jeta le coupon dans une corbeille à papier, sortit précipitamment et fut accueillie par un concert de klaxons à l’extérieur : des sportifs venus à la salle en voiture n’arrivant pas à se garer.
Le coureur avait fini sa courte séance. Il se retrouva à ses côtés, la goutte de sueur qu’elle avait aperçue peu de temps avant s’était transformée en une marée qui inondait le visage, le crâne, les épaules, le torse du jeune homme.
Il lui sourit, espérant engager une conversation intéressante maintenant qu’il se sentait beau et fort. Caroline, elle, lui grimaça un sourire en retour. Il sentait fort et ça ne le rendait pas beau.
Le bonhomme passa au vert, elle traversa vite dans l’espoir de le semer. Ce jeu dura peu car, à peine arrivée sur le trottoir d’en face, le jeune homme cherchait du regard sa voiture mal garée.

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