Parenthèse enchantée

Le spectacle touchait à sa fin. Une joie sincère avait envahi le cœur des adultes qui accompagnaient leurs enfants. Sous le chapiteau, le vent chatouillait le bout de leur nez rougi. Un pâle soleil hivernal transperçait la toile. Les enfants s’agitaient et refaisaient le spectacle : « C’était bien quand…? Et tu te souviens quand…? » Les parents avaient oublié le temps du spectacle la guerre qui ne finissait pas, la misère qui s’installait, les récoltes qui ne prenaient plus.
D’un glissement rapide, les spectateurs se dirigeaient vers la sortie avec un dernier coup d’œil à l’arène où avaient défilé des numéros aussi incroyables les uns que les autres. Leurs visages avaient, dans ce temps suspendu, été marqués par un sourire qu’ils avaient perdu depuis des années. Rien que pour ça, ce spectacle resterait dans leur mémoire comme un événement historique.
À l’extérieur, chacun leur tour, ils plissaient les yeux, éblouis par l’aurore lumineuse. Certains y voyaient un signe, le signe de la fin d’une époque dure, pathétique, misérable, sans avenir. Cette soudaine luminosité fut accueillie et applaudie comme le retour d’un être que l’on croyait disparu.
La foule se dispersait et formait comme des canaux tranquilles naviguant sur les flots.
Les corps voûtés se redressaient à chaque pas posé sur le sol sec et froid. Des mains gercées se lançaient plus déterminées que jamais sur les poignées de porte.
Dans chaque foyer, la cheminée était pleine de bûches incandescentes, la table était mise et abondante. Les rayons de soleil s’invitaient sur les vases de fleurs épanouies.

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